(Le Nouvel Observateur 11/11/2010)
CONAKRY - A marée basse, les jeunes de Timenetaye émergent de leurs taudis pour jouer au football sur le sable - ce qui ressemble de plus près à un terrain dans cette partie de Conakry. Pour quelques heures avant le reflux.
En Guinée, pays d'Afrique de l'Ouest ballotté de crise en crise depuis des générations, les loisirs se comptent sur les doigts d'une main.
Le second tour de l'élection présidentielle organisé dimanche dernier, dont les résultats sont attendus d'ici vendredi, nourrit pourtant un bon espoir de changement.
Le scrutin, première élection libre depuis l'indépendance d'avec la France en 1958, doit tourner la page des deux années de régime militaire qui ont succédé à la dictature du président Lansana Conté, arrivé au pouvoir à la faveur d'un putsch en 1984.
"Cette élection va enfin nous sortir de la misère", assure Diallo Abou, qui vend des cahiers sur un marché du quartier de Dixinn. "Nous sommes fatigués de la dictature, fatigués du conflit, fatigués de la crise", ajoute ce jeune homme de 23 ans.
Manque d'entretien, troubles, émeutes, Conakry en porte les traces. Agglomérat de structures disparates disposées sur une bande de terre étroite se jetant dans l'océan Atlantique, la capitale guinéenne possède un front de mer qui pourrait attirer des millions de touristes, s'il n'y avait la pollution, la pauvreté et les dangers d'une armée sans discipline.
Les affrontements entre camps politiques rivaux avant le scrutin du 7 novembre ont laissé du verre brisé et des amas de caoutchouc carbonisé sur les routes où des voitures ont été attaquées et des pneus incendiés.
RICHESSES
De nuit, les rues sont plongées dans le noir, faute d'électricité. Seuls les phares des voitures et les bougies allumées dans les échoppes ou les maisons éclairent un peu la capitale.
Une ligne ferroviaire traverse cette ville de deux millions d'habitants pour livrer le bauxite extrait de l'intérieur des terres qui sera exporté pour être transformé en aluminium. Il y en a pour des milliards de dollars.
Ceux qui en ont les moyens se distraient en louant un bateau de pêche pour une promenade dans les îles qui font face à la capitale, nagent à la piscine municipale ou dînent dans l'un des rares restaurants chics de la ville.
La plupart des autres - la majorité de la population vit avec moins d'un dollar par jour en moyenne - tâchent de survivre tant bien que mal.
"Nous passons la grande partie de la journée à essayer de vendre assez pour gagner de quoi vivre. Quand on a du temps libre, on le passe avec des amis au café", déclare Sylla Abou, un employé de banque sans lien de parenté avec le jeune marchand de Dixinn. "Ce pays a tous les moyens pour être riche, mais il n'y a personne pour diriger et nous souffrons."
L'élection oppose l'ancien Premier ministre Cellou Dalein Diallo à l'opposant historique Alpha Condé. Si la transition vers un régime civil se concrétise, le pays, encore endeuillé par le massacre par les forces de sécurité de plus de 150 militants démocratiques le 28 septembre 2009, pourrait voir arriver les investisseurs attirés par ses ressources. Des groupes miniers comme Vale ou Rio Tinto sont particulièrement intéressés par le développement du minerai de fer.
Dans le quartier de Sandervalia, un homme marche le long d'une rue bordée de nombreuses affiches électorales. Il porte un tee-shirt barré des mots: "Obama, Yes We Can".
(Reuters)
Jean-Stéphane Brosse pour le service français
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