(Le Point 16/11/2010)
ABIDJAN - Henri Konan Bédié, éliminé au premier tour, dimanche, de l'élection présidentielle en Côte d'Ivoire, a officiellement réclamé un recomptage des voix.
Mais l'ancien président et héritier politique de Félix Houphouët-Boigny, "père de l'indépendance ivoirienne", pourrait détenir la clé du second tour, qui devrait opposer le chef de l'Etat sortant, Laurent Gbagbo, crédité de 38% des suffrages exprimés, et le candidat nordiste, Alassane Ouattara (32%).
"Nous avons déposé une contestation du résultat à la commission électorale indépendante pour demander un recomptage. On attend la réponse", a annoncé vendredi Emile Ebrote, porte-parole du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI).
Selon les résultats communiqués la veille par la commission, Henri Konan Bédié, alias HKB, a obtenu 25% des voix.
Bédié, selon ses partisans, dénonce un "tripatouillage des résultats" et conteste ces résultats. La Cour constitutionnelle a jusqu'au 10 novembre pour examiner les recours et proclamer les résultats du premier tour.
Bien que la campagne et les opérations de vote se soient déroulées dans le calme, nombre d'Ivoiriens craignaient qu'un résultat trop serré ne provoque une flambée de violence dans un pays ethniquement et politiquement clivé.
Selon toute vraisemblance, le second tour aura lieu le 28 novembre.
Le représentant des Nations unies en Côte d'Ivoire, Y.J. Choi, dit ne pas redouter la plainte déposée par l'ancien président, à condition, souligne-t-il, que le candidat arrivé troisième use de méthodes démocratiques.
"TOUT SAUF GBAGBO!"
Si la Cour rejette le pourvoi intenté par le candidat houphouétiste et valide les résultats, les projecteurs seront braqués sur le candidat malheureux dont l'électorat du premier tour jouera au second le rôle de "faiseur de roi".
On s'attend en effet à un résultat très serré lors du duel Gbagbo-Ouattara, qui sera arbitré par le report des voix de HKB du premier tour.
Le PDCI, dont "le pays Baoulé", dans le centre du pays, forme le socle électoral, et le Rassemblement des républicains (RDR, nordiste) de l'ancien Premier ministre et directeur adjoint du FMI ont passé un accord de désistement mutuel pour le second tour.
Ouattara et Konan Bédié se sont rencontrés vendredi pour discuter de la situation, et ils doivent se revoir samedi. Aucun détail n'a filtré pour l'heure de leurs discussions.
"Tout le monde doit soutenir ADO !", titre à la une le quotidien proche de Bédié Le Nouveau Réveil. "Tout sauf Gbagbo!", lance une autre publication.
Beaucoup devrait dépendre de l'attitude qu'adoptera l'ancien président, qui pourrait d'ailleurs être aussi approché par Gbagbo, et de sa force de persuasion auprès de ses électeurs.
On ignore en réalité combien de partisans de Bédié apporteront leurs voix à Ouattara, un Dioula musulman, qui, de surcroît, est accusé d'avoir soutenu en sous-main - ce qu'il dément formellement - l'ex-rébellion du Nord.
Les clivages ethniques ont la vie dure en Côte d'Ivoire, un "pays-mosaïque" partagé entre un Nord majoritairement musulman composé de commerçants, et un Sud chrétien et rural.
Certains partisans de Gbagbo affirment que de nombreux Nordistes sont en réalité des Burkinabés ou des Maliens. "ADO" lui-même n'avait pas pu se présenter lors du précédent scrutin de 2000 en raison, d'après ses adversaires, d'une prétendue "ivoirité douteuse" aux relents xénophobes.
Comme pour illustrer ces clivages, l'ancien haut cadre du FMI a remporté respectivement 93 et 86% des voix au premier tour dans les régions de Ddengué et des Savanes, situées dans l'extrême-nord limitrophe du Mali.
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