(Le Potentiel 13/11/2010)
La réception organisée le jeudi 11 novembre 2010 à Kinshasa pour les 35 ans d’indépendance de l’Angola n’a pas connu l’affluence habituelle des officiels congolais. Qu’est-ce à dire : bouderie en rapport avec les dossiers brûlants qui assombrissent le ciel au-dessus de Kinshasa et Luanda ?
Il est des signes qui ne trompent pas. Les attitudes, les gestes et autres mimiques peuvent être aussi éloquents que le langage articulé. Entre Kinshasa et Luanda l’on joue à sauver les apparences. Mais à peine. Car, le froid dans les relations finit toujours par transpirer. Parfois à grosses gouttes.
Les invités de l’ambassadeur Emilio Guerra le 11 novembre 2010, à Kinshasa, à la réception marquant les 35 ans d’indépendance de l’Angola, s’en sont rendus compte tout de suite. Les officiels congolais ne se sont pas empressés comme à l’accoutumée. C’est à peine si l’on a vu dans la foule un ministre congolais et un membre du bureau du Sénat
L’événement célébré jeudi à la résidence de l’ambassadeur d’Angola en RDC n’a pas connu la chaleur habituelle. La déception se lisait sur le visage de l’hôte. Le climat était maussade, même si l’on forgeait des mines.
Où étaient-ils passés tous les galonnés et grosses légumes du régime aussi du secteur public que privé ? Cette quasi-absence de têtes couronnées de la sphère politique et économique de Kinshasa pourrait-elle être assimilée à un simple hasard.
Décidément, il se passe quelque chose entre Kinshasa et Luanda. Même la presse, généralement attirée par ce genre d’événements, a brillé par son absence.
D’ores et déjà d’aucuns supputent sur un vent froid qui frapperait les rapports souvent tendus entre Kinshasa et Luanda. Ils invoquent le mécontentement dans le chef de Kinshasa qui ne digérerait pas bien les égarements de Luanda ; , notamment en ce qui concerne les dernières expulsions des réfugiés congolais en Angola avec tout ce qu’il y a eu comme corollaire en termes de viols des femmes et enfants congolais.
Si ce n’est pas une provocation, comment peut-on interpréter ce geste de Luanda ? Dans certains milieux officiels congolais l’on laisse entendre que le voisin est allé trop loin ; il a outrepassé ses prérogatives d’Etat indépendant en actionnant de manière unilatérale des mécanismes internes pour garantir ses intérêts.
Par ailleurs, l’ombre du contentieux relatif au pétrole que les deux voisins ont en partage, de même qu’à la redéfinition des frontières héritées de la colonisation continuerait à planer au-dessus du climat des relations entre les deux voisins.
L’ESQUIVE D’EMILIO GUERRA
Dans sa brève allocution, l’ambassadeur Emilio Guerra n’a nullement fait mention du désagrément. Toutefois, il a fait remarquer à l’assistance qu’« il a fallu à l’Angola beaucoup de zèle pour arriver à s’affirmer comme pays indépendant et un peuple libre unique à son genre dans le concert des Nations ». Sans doute, une leçon adressée à un destinataire bien connu quoique non cité.
Plus loin, le diplomate angolais fait observer que son pays « connaissant, par expérience tout ce qui est instabilité et ses corollaires, développe une politique externe de bon voisinage, de respect pour la légalité souveraineté et l’intégrité territoriale des Etats mais aussi une politique de coopération avec des avantages réciproques ».
Ce qui est curieux c’est quand il a affirmé que « l’Angola maintiendra sa vocation de promouvoir la paix, la stabilité et le développement non seulement dans la sous-région, à travers sa participation active dans les organisations régionales comme la SADC, la CEEAC et le Golfe de Guinée, mais aussi dans les autres organisations internationales dont elle est membre ainsi qu’à travers ses relations bilatérales ou historiques».
Or, par trois fois, à l’occasion de la réunion des chefs d’Etat membres de la SADC (communauté des pays de l’Afrique australe), des chefs d’Etat de la CEEAC comme lors de la cinquantenaire de l’indépendance de la RDC, le président angolais Dos Santos a brillé par son absence.
Le message est clair. A Kinshasa de savoir lire les signes des temps.
PERSISTANCE DES SUJETS QUI FACHENT
Entre Kinshasa et Luanda, il y a bien des sujets qui fâchent. Le premier – du reste le plus sensible – est la réclamation par la RDC d’une partie de ses eaux territoriales, actuellement intégrées dans le patrimoine de l’Angola. Or, sur ces eaux, l’Angola tire la moitié de sa production pétrolière.
Mais, depuis 2009, la RDC exige, s’appuyant sur la convention de Montego Bay qui lui en donne droit, l’extension de sa frontière maritime sur 200 miles, soit près de 400 km au-delà du littoral.
La RDC, qui a déposé en mai 2009 une requête auprès des Nations unies pour l’extension de son plateau continental, peut prétendre à un offshore de 4.000 km2 (200 km de long sur 20 km de large). L’ambition de Kinshasa, que rejette Luanda, est de prendre possession d’une partie de gisements de pétrole de deux blocs off-shore dont les réserves sont estimées à 4,3 milliards de barils.
L’espace maritime actuel de la RDC est confiné à un triangle qui s’étend sur 40 km au large de sa côte, entre les provinces angolaises de Zaïre et de Cabinda. Grâce à ses quelques puits off-shore, Kinshasa ne produit que 25 000 barils par jour, alors que l’Angola se dispute avec le Nigeria la place de 1er producteur de brut africain.
Le fond du problème, c’est que les principales compagnies pétrolières américaines (Chevron, Gulf) opèrent sur des plateformes installées en haute mer, dans des eaux qui sont désormais revendiquées par Kinshasa. Ces gisements, souvent comparés à ceux de l’Arabie saoudite, représentent 10% des importations américaines de pétrole africain et la moitié des ressources de l’Etat angolais.
Les prétentions congolaises au partage de ces ressources pétrolières sont mal prises à Luanda. Les Angolais considèrent que Kinshasa devrait fermer les yeux après d’énormes services obtenus pour non seulement l’intégrité de la RDC mais surtout pour le maintien du régime issu de la révolution du 17 mai 1997. Quant aux expulsions répétitives et massives par l’Angola des réfugiés congolais, c’est la dernière goutte qui a fait déborder le vase. Elle est assortie de viols, de traitements inhumains et dégradants dont se sont rendus coupables des militaires angolais.
Ces exactions ont laissé de marbre les autorités angolaises. Ce qui n’a manqué de choquer, notamment, des organisations humanitaires et autres relevant du système des Nations unies.
Tous ces événements ne sont pas de nature à créer la détente entre les deux capitales. Il est temps que chacun mette de l’eau dans son vin pour trouver des solutions durables aux problèmes – réels ou apparents – qui divisent les deux pays.
Par Le Potentiel
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