mercredi 3 mars 2010

RDC - "Vautours" : le contrat chinois attaqué

(La Libre 03/03/2010)
Un “fonds vautour” a obtenu le droit d’être payé sur un “pas-de-porte” destiné à la Gécamines. Cela affectera celle-ci et le budget 2010 de l’Etat.
La Gécamines n’aura pas son "pas-de-porte" (droit payé par l’acquéreur d’un gisement). Ainsi en a décidé, le 10 février dernier, un tribunal de Hong Kong, donnant raison à un "fonds vautour" américain après qu’en première instance, en décembre 2008, la justice hong-kongaise se soit estimée incompétente pour trancher sur cette demande.
Les "fonds vautours" sont des entreprises privées, généralement anglo-saxonnes, qui rachètent, à bas prix, des dettes d’entreprises en détresse ou de pays en voie de développement en retard de paiement, pour traîner les débiteurs en justice afin de leur réclamer la dette nominale, augmentée d’intérêts, de pénalités et de divers frais de justice.
Ce sont des pays où règne - ou où a régné - la malgouvernance qui sont le plus souvent les cibles de ce type de manœuvre. En avril 2009, cependant, la présidente élue du Liberia, Ellen Sirleaf Johnson - ancien haut fonctionnaire à la Banque mondiale -, était arrivée à couper l’herbe sous le pied des prédateurs en faisant racheter par l’Etat libérien une partie de sa dette commerciale extérieure à un prix correspondant à 3 % de leur valeur faciale, ce qui avait empêché des fonds vautours de s’en emparer; elle avait ainsi fait baisser la dette extérieure du Liberia de 4,9 à 1,7 milliard de dollars.
Un de ces "fonds vautours", FG Hemisphere - une entreprise américaine du Delaware - a racheté plusieurs dettes du Congo-Kinshasa. Début 2009, il avait obtenu d’un tribunal sud-africain la saisie des recettes escomptées par la Snel (société nationale d’électricité) durant 15 ans sur le courant vendu par l’entreprise congolaise à l’Afrique du Sud, soit 105 millions de dollars. Le tribunal sud-africain clôturait ainsi une procédure entamée devant un tribunal américain du district de Columbia (Washington), devant lequel la partie congolaise avait perdu, en 2007, essentiellement parce qu’elle ne s’était pas présentée devant la justice durant 13 mois
FG Hemisphere s’est aussi attaquée aux "pas-de-porte" en cours de versement par des entreprises étatiques chinoises en contrat avec la Gécamines, société publique congolaise, et l’Etat congolais, pour fournir et construire au Congo diverses infrastructures de base (routes, rail, logements) en échange de matières premières (cuivre, cobalt, or). Le contrat global, qui porte sur 30 ans, atteignait un total de 9 milliards de dollars - ce qui l’avait fait appeler "le contrat du siècle" - avant d’être réduit, en 2009, à 6 milliards de dollars sur pression des institutions de Bretton Woods, préoccupées par les aspects léonins du contrat en faveur de la partie chinoise.
Pour mener cette attaque, FG Hemisphere a racheté une dette de la Snel encourue dans les années 80 auprès de la firme alors yougoslave Energoinvest (aujourd’hui serbe) et d’un montant initial de 37 millions de dollars. Désespérant de se faire jamais rembourser, les Serbes ont revendu cette dette à bas prix en 2004 à FG Hemisphere, qui réclame aujourd’hui, selon le "Financial Times", plus de 100 millions de dollars au Congo pour la valeur nominale de la dette accrue de frais et amendes divers.
Le 10 février, la cour d’appel de la Région administrative spéciale de Hong Kong, par une majorité de deux juges sur trois, s’est estimée compétente pour traiter l’affaire et a donné au "fonds vautour" le droit de faire saisir cette somme sur le "pas-de-porte" de 350 millions de dollars dû par l’entreprise étatique China Railway à la Gécamines.
Selon une source bien informée à Kinshasa, la saisie de cette somme aura des conséquences négatives pour la Gécamines, "qui connaît déjà de sérieux problèmes pour mettre en route son programme de production en raison du manque d’argent pour effectuer les investissements nécessaires". Elle entraînera aussi des difficultés accrues pour l’Etat congolais, "qui comptait sur une partie de ces fonds pour mettre en œuvre le budget 2010".
Marie-France Cros Mis en ligne le 03/03/2010
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