(Le Potentiel 08/03/2010)
L’heure est cruciale pour la République démocratique du Congo. Autant elle doit réunir toutes les conditions optimales pour atteindre le point d’achèvement et accéder au Programme PPTE pour bénéficier de la réduction de la dette extérieure, autant le Gouvernement est appelé à faire preuve de bonne gestion pour que le vaste programme de cinq chantiers donne le coup d’envoi de la relance de la production nationale. Des objectifs majeurs dont la réussite est également liée à la contribution des partenaires extérieurs aux intérêts divergents. Comme qui dirait, la RDC est prise entre deux feux. Le Congo- Kinshasa est effectivement sous pression.
La mission d’évaluation du FMI entame sa dernière semaine de revue du Programme économique du gouvernement. Une revue essentielle pour autant qu’elle doit ouvrir la porte à l’atteinte du point d’acheminement pour que la RDC bénéficie des facilités élargies du programme PPTE. Ce qui se traduirait par l’effacement d’une bonne partie de la dette congolaise. Plus ou moins 9 milliards sur les 12 milliards USD à payer. Néanmoins, l’on observe des signaux positifs, notamment ceux des pays du Club de Paris qui ont promis d’effacer au moins plus d’un milliard de dollars et de rechelonner une bonne partie de leurs créances pour une durée de trois ans. Cependant, ces signaux positifs sont accompagnés de certaines conditions. Notamment l’amélioration du climat des affaires. Il s’agit-là d’un des sept déclencheurs que la délégation du FMI aura à examiner en même temps d’apprécier des efforts accomplis par le gouvernement dans le cadre de la maîtrise des finances publiques, la lutte contre la pauvreté et la corruption. Autant des points autour desquels la délégation du FMI sera très regardante.
Les fonds vautours
Au moment où une lueur d’espoir pointe à l’horizon, d’autres « signaux » soulèvent plus inquiétudes. Il s’agit particulièrement des « Fonds vautours », ces entreprises privées qui rachètent des dettes des entreprises en détresse, notamment dans les pays en développement, pour finir par réclamer la dette nominale. Cette réclamation de créances est assortie d’intérêts, de pénalités et tout se passe devant la justice internationale. C’est le cas ces jours-ci avec la société Gecamines. Sa dette qui était de 34 millions de dollars a été rachetée par le « Fonds vautour HG Hémisphère », une entreprise américaine qui réclame à l’Etat congolais plus de 100 millions USD. Si ce Fonds vautour gagnait le procès, la RDC serait contrainte de payer cette somme d’argent de gré ou de force. C’est dans ce cadre que le tribunal de Hong Kong a autorisé cette entreprise à se saisir de pas-de-porte chinois pour se faire payer. Presque au même moment, la Société SNEL, à travers ses responsables, est en procès avec l’entreprise Mag Energy. Encore une affaire de dette et de détournement qui risque de tourner au désavantage de la RDC. Pendant ce temps, la Banque mondiale a brandi le dossier Tenke Fungurume et First Quantum. La résiliation unilatérale des contrats liant la RDC à ces deux entreprises minières soutenues par la Société financière internationale, branche financière de la Banque mondiale aura des répercussions financières sur la RDC. Voire sur l’atteinte du point d’achèvement avec toutes les conséquences que la RDC soit recelée. Il faut entendre par là que la RDC est condamnée à donner les meilleures garanties de l’amélioration du climat des affaires si elle tient à ce que la délégation du FMI dresse un rapport en sa faveur. Le problème semble sérieux tant il est vrai que dans ses premières déclarations, le chef de la délégation du FMI ne cesse d’insister sur l’amélioration du climat des affaires.
Les méfaits de l’économie politique de prédation
Le dernier développement des événements soulève des interrogations et des inquiétudes. Trop de « procès » en un temps record, à telle enseigne que l’on s’interroge si la RDC serait capable de s’en sortir et comment expliquer toute cette situation qui menace même la bonne exécution du vaste programme de 5 Chantiers. A en croire certains analystes, cette situation serait consécutive à la position stratégique de la République démocratique du Congo qui est à la base de la guerre que se livrent, d’une part les anglo-saxons avec à leur tête les américains, les britanniques, les canadiens, et de l’autre, les francophones avec à leur tête les français, belges. A la base, le contrôle des minerais, plus particulièrement les matières premières tel le coltan, la cassitérite, l’or et l’étain. Les Occidentaux ont justement besoin de cette matière première et la RDC représente, en ce qui concerne le coltan, 60 % de la réserve mondiale. Mais les Occidentaux ne se déchirent pas entre eux. L’irruption de la Chine en Afrique précisément en RDC, a fait qu’ils ont fait bloc ensemble pour freiner justement cette irruption. Les Occidentaux ont besoin de cette matière première tout comme la Chine. Si les premiers considèrent la RDC comme leur « réserve «, l’approche chinoise est tellement séduisante que la Chine est « attaquée » de toutes parts. Sinon, on n comprendrait pas cet acharnement sur la RDC alors que des pays comme le Congo-Brazzaville, le Cameroun, l’Angola, pour ne citer qu’eux, entretiennent également une coopération avec la Chine sans qu’ils subissent de la pression occidentale. Dans son livre « L’économie politique de la prédation au Congo-Kinshasa », le professeur Mbaya J. Kankwenda explique l’origine de ce mal qui pourrait s’abattre sur la RDC. De l’époque coloniale jusqu’à ce jour en passant par le régime Mobutu, l’auteur de ce livre souligne : « Le Congo a été dirigé depuis ses origines par différents systèmes et régimes de prédation ». Il écrit ceci : « Le Congo apparaît aujourd’hui comme un conglomérat d’ensembles géographiques, avec chacun leur gouvernement dont les dirigeants ressemblent plus aux chefs de gangs ou chefs de guerre plutôt que chefs de gouvernement avec un territoire dont ils contrôlent et s’approprient les ressources. Ils le font avec l’appui de leurs amis dans la prédation, contrôlant des populations qu’ils gèrent militairement et assujettissent a la loi de leur tarzanisme politique et économique, et dont ils sont bien distants socialement et économiquement : il apparaît que aussi du point de vue régional et mondial comme le terrain de libéralisation du pillage et de la prédation des richesses naturelles, matérielles, financières et humaines, revenant ainsi aux principes de départ de l’Etat indépendant du Congo : la liberté de navigation et de commerce international dans le bassin du Congo. Que les Léopold II aient augmente en nombre ou change de noms, la situation du pays reste celle d’un vaste terrain de cueillette internationale aux mains de quelques tarzans et leurs réseaux internes surtout externes ». C’est dans ces conditions que de nombreux contrats léonins ont été signés et dont on mesure aujourd’hui la gravité des faits. Ainsi, le point d’achèvement et les 5 chantiers sont dans la zone de turbulence. Mais qui pis est, l’affrontement des grandes puissances dans notre pays est justement aggravé par cette économie politique de prédation. Il n’existe aucune politique de relance de la production nationale, de la protection des entreprises locales pour amortir les effets pervers de cet affrontement de ces « puissances. Or, comme le dit un adage africain, quand deux éléphants se battent, c’est l’herbe qui en pâtit. C’est tout dire.
Par Le Potentiel
© Copyright Le Potentiel
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire