(Le Patriote 08/03/2010)
Il en faut beaucoup pour relever les compagnies aériennes africaines. Récemment, Christian Folly-Kossi, secrétaire général de l’Afraa (Association des compagnies aériennes africaines) dans une communication a relevé ‘‘les défis du transport aérien en Afrique de l’ouest et du centre’’. Ce fut l’occasion de se faire une idée de la disparition d’Air Afrique et de bien d’autres compagnies aériennes africaines. Air Afrique, nous le savions, était une fierté à travers le monde des années 60 jusqu’au milieu des années 90. La région africaine regorgeait même de compagnies long courrier presque dans tous les Etats.
C’était notamment, Air Afrique, Nigeria Airways (Sky Power), Ghana Airways, Air Mali, Air Guinée, Gambia Airways, Cameroon Airlines, Air Gabon, etc. Nigeria Airways opérait avec 32 jets en 1982. Dans les années 70 et 80, les compagnies aériennes contrôlaient autour de 60% de leur marche long courrier et voyager à travers la région était relativement facile.
Les raisons d’un atterrissage forcé
Les causes de la chute des compagnies sont multiples. L’accent ne sera pas mis sur les problèmes de gestion mais bien plus sur d’autres aspects. Il faut souligner la globalisation. Elle a fait fi des règles d’équilibre et de réciprocité qui protégeaient les compagnies aériennes du Sud et les faisaient prospérer. Le ciel africain est complètement dominé par les transporteurs du Nord. En effet, de 2000 à 2007, les compagnies non africaines ont transporté plus de 454 millions de passagers tandis que les compagnies africaines ont transporté pour la même période près de 152 millions de passagers.
Ce qui tourne autour de 75% du trafic long courrier sur les compagnies étrangères. Dans la région de l’Afrique de l’ouest et du centre, ce pourcentage va jusqu’à 95%. En ce qui concerne les raisons endogènes, l’on peut relever que les compagnies africaines sont en général de dimensions trop petites pour être compétitives. Elles sont généralement sous capitalisées dans un environnement où le coût de l’argent est excessivement cher sur le marché. Ce qui amène les compagnies, du fait de la pauvreté, à exploiter des avions souvent inadaptés. A cela s’ajoutent des flottes qui ne tiennent même pas les airs (Voir tableau de la taille de quelques flottes)
Au niveau du trafic transporté, l’on révèle par exemple que lorsque South Africa Airways transporte 7525 passagers, Egyptair 6800 passagers, Ethiopian Arlines 2800 passagers, Kenya Airways 2824 passagers, Air Ivoire a 300 passagers, Air Burkina 160 passagers. A ce niveau donc, il est difficile de se faire de l’argent. Et les compagnies de la région desservent moins de destinations dans la région que celles qui n’en sont pas.
Les remèdes
Pour survivre, Folly-Kossi recommande d’arrêter de faire dans l’infiniment petit. Selon lui, l’option nationale n’est pas la bonne. Il serait nécessaire de voir grand en recapitalisant les compagnies existantes et en ouvrant leur capital aux investisseurs de la région. Il faut également chercher à s’associer à des partenaires stratégiques pouvant élargir la flotte et le réseau. L’Afraa souhaite naturellement que ces partenaires soient les grandes compagnies africaines. Aussi a-t-il été recommandé des partenariats de Asky/Et, Air Cemac/Saa, Precisionair/Kq. Pour Folly Kossy, le concept du groupe Celestair Mali/Burkina / Ouganda peut être aussi une solution mais sous réserve d’une véritable intégration.
A l’en croire, Asi/Ram a échoué parce qu’ils sont devenus des concurrents sur les marchés du Sud. Il convient donc de prendre des partenaires dont le réseau est complémentaire. Le salut, c’est des partenaires qui apportent de la synergie et qui ont intérêt au développement. Ce sont des partenaires qui viennent au capital comme dans le management et instaurent l’esprit de gestion privée, sans interférence des structures de l’Etat. L’idéal serait des schémas qui supposent la création de véritables hubs. Les aéroports doivent suivre en termes d’espaces appropriés mais surtout de sécurité et de sûreté. Cependant, ce qui est déplorable aujourd’hui, c’est qu’aucun de nos pays n’a la qualification Faa (Federal Aviation Administration) qui est l’agence gouvernementale chargée des règlementations et des contrôles concernant l'aviation civile aux États-Unis.
C’est cette qualification que certains pays cherchent depuis plus de 15 ans. Il y a donc du travail à faire. L’Afrique ne doit pas permettre en cette ère de terrorisme, de crimes internationaux d’être la porte d’entrée dans l’aviation de ces fléaux. Idem pour les prescriptions de l’Oaci (Organisation de l’aviation civile internationale) qui sont claires en la matière et qui recommandent que nos Etats les mettent en œuvre. Les compagnies aériennes africaines doivent donc s’adapter aux mutations du monde si elles ne veulent pas continuellement subir le diktat des grandes compagnies qui les obligeront à atterrir en catastrophe et par ricochet, à disparaître comme Air Afrique.
Jean Eric ADINGRA
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