Par RFI
Guillaume Soro, le Premier ministre reconduit dans ses fonctions, vient de former son nouveau gouvernement en exprimant sa confiance dans l’avenir. Son cabinet constitué au troisième anniversaire de l’accord de paix signé à Ouagadougou, jour pour jour est, pour lui, un bon présage. Prochain objectif : la tenue des élections. Guillaume Soro est l'invité de RFI.
Radio France internationale : Etes-vous satisfait, soulagé ?
Guillaume Soro : C’est vrai, il y a quelques raisons d’être satisfait quand on sort d’une aussi grave crise dans l’histoire de notre pays. C’est la première fois qu’il y a la dissolution du gouvernement et la dissolution de la Commission électorale indépendante en même temps. Alors aujourd’hui quand nous faisons le bilan à ce jour, nous avons une Commission électorale indépendante fonctionnelle qui a été installée conformément aux accords, nous avons un gouvernement qui est installé conformément aux accords et aux engagements que nous avons pris. C’est vrai qu’il y a quelques raisons d’être satisfait surtout que ceci intervient le 4 mars qui est quand même une date repère en Côte d’Ivoire. C’est la date à laquelle nous avons signé l’accord pour l’étude de Ouagadougou en 2007.
RFI : Et justement en 2007, au moment de cet accord politique de Ouagadougou, on prévoyait des élections dans les dix mois. Et aujourd’hui, nous sommes en mars 2010, on parle d’une nouvelle échéance dans trois ou quatre mois. Qu’est-ce que vous pouvez dire pour rendre un peu confiance aux gens qui ne croient plus vraiment aux élections ?
G.S. : C’est vrai que quand nous signons l’accord, nous avions espéré faire les élections dans les dix mois qui devraient suivre. Naturellement, il faut bien dire que cet accord a été signé par des hommes politiques qui, peut-être, n’ont pas évalué à sa juste valeur l’ampleur des tâches qui nous attendaient. Alors naturellement, quand nous avons été nommés Premier ministre et que nous avons assumé les charges de cette fonction, nous nous sommes bien rendu compte que s’il fallait reprendre l’identification et la confection de la liste électorale à zéro, même dans les pays normaux, c’est au moins un délai d’un an qu’il faut pour faire la révision des listes. Mais nous, nous partions de zéro et dans une situation et un contexte difficiles de sortie de crise. Je crois que, au-delà, des dates ce qui est important, c’est d’apprécier le volume des tâches exécutées. On n’a jamais été en Côte d’Ivoire aussi proche de faire une élection. On n’a jamais été aussi proche de réussir l’exploit, donc de donner une liste électorale définitive acceptée par tous. Encore, les défis restent nombreux et je le sais : parachever la confection de la liste électorale, la distribution des cartes d’électeur et des cartes d’identité et l’organisation du scrutin lui-même.
RFI: Et les élections dans trois, quatre mois, cela vous paraît-il possible aujourd’hui ?
G.S. : Je pense que c’est effectivement possible si nous y mettons de la volonté. Et si tous les acteurs politiques se mettent d’accord pour avoir cette volonté politique d’aller aux élections.
RFI : Justement, sentez-vous aujourd’hui une volonté politique d’aller aux élections ?
G.S. : Je pense que cette crise est née d’un déficit de communication, de dialogue entre les acteurs. J’ai pu m’en rendre compte moi-même en faisant le tour çà et là. C’est pourquoi je souhaite aujourd’hui que nous puissions nous asseoir tous ensemble, pour faire une évaluation. C’est une nécessité d’aller aux élections. Je pense que si c’est fait, il n’y a pas de raison qu’on n’aille pas aux élections.
RFI : Craignez-vous une nouvelle crise sur les listes lectorales ?
G.S. : Il est certain, de mon point de vue, qu’il y a encore des questions à régler. La liste électorale est l’épine dorsale de l’élection. Quand vous avez une liste électorale transparente, vous avez une élection qui ne risque pas d’être contestée. Donc je pense que dans tout ce processus délicat que nous sommes en train de mener, nous sommes vraiment au cœur du sujet. Donc il y a forcément des questions encore à voir sur la liste électorale définitive. Et la semaine prochaine, nous serons à ce débat-là.
RFI : Selon vous, est-ce que la mouvance présidentielle et l’opposition jouent franc jeu ?
G.S. : Je n’ai pas de raison de penser ou de me laisser aller à croire en une mauvaise foi d’un camp ou de l’autre. De toute façon, mon rôle d’arbitre est de faire en sorte qu’au-delà des positions initiales des différents camps, nous puissions aller à une sorte de compromis qui permette que l’élection soit possible dans notre pays.
RFI : Est-ce que vous avez été tenté de démissionner au moment de la dissolution du gouvernement ?
G.S. : On n’en est plus là. Je pense que notre responsabilité était de ne pas démissionner, tant nous avons été mis en face de nos responsabilités, après l’attentat, après bien des péripéties, démissionner et laisser le pays plonger dans l’abîme et dans la catastrophe aurait été irresponsable. C’est pourquoi nous sommes restés pour continuer d’assurer la stabilité de ce pays et pour donner de l’espoir aux Ivoiriens que les élections sont possibles dans notre pays.
RFI : De l’avis général, vous avez bien manœuvré pendant ces trois semaines de crise. On dit même que vous avez en quelque sorte gagné encore plus de galons d’homme politique. Est-ce que cela a renforcé vos ambitions pour l’avenir, vos ambitions politiques ?
G.S. : Vous savez quand on est dans la crise et dans le feu de l’action, on ne pense même pas à son avenir. Donc je ne préparais rien du tout. Ce qui était sûr, c’est que j’étais conscient qu’il ne fallait pas que la Côte d’Ivoire bascule dans la guerre civile. C’est pourquoi j’ai tenu. Maintenant, que ceci renforce le Premier ministre ou non, ce n’était pas ça ma préoccupation première. Pour l’heure, je continue d’assumer ma fonction et d’exécuter la tâche qui est d’amener la Côte d’Ivoire à des élections.
Propos recueillis par Cyril Bensimon
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire