mercredi 19 janvier 2011

Le Cameroun c'est le Cameroun, la Tunisie la Tunisie... bien sûr !

(Le Monde 19/01/2011)
Le plus marrant et vraisemblablement le plus pathétique aussi, dans les dictatures crapuleuses et sanguinaires d'Afrique, est d'observer les trésors de précaution et d'auto-censure que s'infligent (parfois d'eux-mêmes) certains journalistes pour dédouaner ces régimes immondes qui les asservissent..
Estimer qu'un tyran qui sillonne la planète avec des mallettes d'argent du trésor public camerounais ; séjourne la moitié de l'année dans sa suite présidentielle de l'hôtel intercontinental de Genève ; ne se prive jamais de brandir des millions d'euros et dollars à Paris, New York..., y compris pour ravitailler en fuel l'aéronef qui le transporte (sources Wikileaks)... Prétendre en effet que ledit petit timonier de Meyomessala (du nom de son village natal, Présidence-bis du Cameroun) n'a point la même conception uniquement patrimoniale et personnelle de l'État que le Céaucescu des sables et l'ex-coiffeuse première dame Leila (qui se seraient enfuis du palais de Carthage avec les soutes pleines des lingots d'or de la Banque de Tunisie)... est une véritable insulte faite à l'intelligence collective par une certaine presse Camerounaise.
D'ailleurs rien d'étonnant à cela !
Car comme sous un certain Ben ALI en Tunisie, certains trouveront toujours des circonstances atténuantes à l'incurie chronique de Paul BIYA et son ex-serveuse (la Chantal à la crinière modulable du Cameroun) ; du moins tant que ces derniers sauront se maintenir par tous les moyens (criminels) à la Présidence du Cameroun. Mais du jour où le contrôle de cette forteresse viendrait à leur échapper, les détracteurs se recruteront aussitôt à l'appel (dans la presse camerounaise comme dans les principaux soutiens officiels Français, internationaux...) pour pourfendre ces horribles personnages et leur mafia familiale.
Pourtant contrairement à Paul BIYA, Ben ALI pourrait encore se targuer de n'avoir jamais fait l'objet de la moindre information préliminaire sur sa fortune supposée mal acquise en France; jusqu'à ce que Nicolas Sarkozy, François Fillon, Christine Lagarde et ses amis du Gouvernement français réunis à l'Élysée... le soupçonnent de mouvements financiers suspects, et s'opposent à son arrivée à Paris, avec les honneurs dus à un « grand serviteur de la France ».
Dieu merci, ainsi sont les Dictateurs et leurs proches ! si habités et aveuglés par cette infinie puissance qui les empêche de voir et de comprendre pourquoi leurs alter ego peuvent être renversés par des insurrections populaires, devenant aussitôt encombrants pour les démocrates du Monde entier.
Chantal et Paul BIYA ne sauraient évidemment connaître les mêmes affres de la fuite que Leila et Ben ALI, contraints par le peuple révolté de quitter précipitamment leur Tunisie. Et comme se plaît si souvent à répéter Paul BIYA (78 ans et 28 ans de règne sans partage), « Le Cameroun c'est le Cameroun ». La Tunisie ne devrait aussi qu'être la Tunisie, dans sa marche solitaire et glorieuse vers la démocratie.

Joël Didier Engo
© Copyright Le Monde

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire