(Afriscoop 13/11/2010)
Me Abdoulaye Wade se paye l’ancien avion présidentiel de Nicolas Sarkozy, un appareil de 30 places vieux de 8 ans. L’État a mis à sa disposition quelque 20 milliards de francs pour l’opération qui a été conclue la semaine dernière.
Le président de la République, Me Abdoulaye Wade a officiellement acheté un nouvel avion pour remplacer la « Pointe de Sangomar », appareil qu’il a boudé depuis son atterrissage en catastrophe suite à la fissure d’un de ses hublots en avril 2007. Et Wade a jeté son dévolu sur l’avion de son homologue français, Nicolas Sarkozy. L’information a été rendue publique hier par l’Agence française de presse (Afp) qui indique : « le nouvel A330 remplace les deux moyen-courriers A319 CJ entrés en service en 2002, d’une capacité d’une trentaine de places et d’une autonomie de 7000 km seulement contre 12 000 km pour leur successeur. Le premier vient d’être vendu pour 32 millions d’euros (20,9 milliards de F Cfa) à l’Etat sénégalais, qui devrait l’utiliser à partir de 2011, a précisé l’Elysée. Le second a fait l’objet d’un appel d’offres pour lequel, selon la même source, des clients privés et des Etats se sont déjà déclarés intéressés ». La même agence indique que l’avion acheté par le Sénégal a été retiré de la flotte présidentielle de la France depuis jeudi passé et acheminé à Bordeaux « pour y être réaménagé », a fait savoir la Présidence. Des experts de l’aéronautique sénégalais soutiennent que derrière cette explication, « il faut comprendre des retouches visant à enlever certaines installations et commodités qui étaient spécialement mises dans l’appareil pour que le président de la République française puisse se sentir comme dans son bureau ou chez lui ». D’ailleurs l’Agence nationale de l’aviation civile du Sénégal (l’Anacs) ne pourra entrer en possession du désormais ex-avion de Nicolas Sarkozy qu’en 2011.
L’appareil ne sera livré au Sénégal qu’en 2011 après la « désinstallation » des suppléments présidentiels
Quoi qu’il en soit, l’acquisition de l’appareil, un moyen-courrier A319 d’une trentaine de places ( Photo ci-dessous ), a été menée de main de maître et conclue jeudi dernier, selon nos sources, par le fils du chef de l’Etat, Karim Wade, ministre d’Etat, ministre de la Coopération internationale, des Transports aériens, des Infrastructures et de l’Énergie avec l’assistance des experts de l’Anacs.
Pourtant, interpellé à l’Assemblée nationale, le 14 novembre 2007 par le député Imam Mbaye Niang du Mouvement pour la réforme et le développement social (Mrds) sur les rumeurs faisant état de l’achat d’un avion présidentiel, le ministre de l’Économie et des Finances, Abdoulaye Diop avait démenti. Il avait toutefois précisé qu’en acheter ne serait pas un gâchis : « Jusqu’à ce moment, le gouvernement n’a pas acheté d’avion, n’en a pas commandé et n’a pas demandé à quelqu’un d’autre de le faire pour lui ».
L’ancien avion de commandement de la République française, un airbus A319 de 30 places vendu à l’État du Sénégal (Ph : DR)
Il faut juste rappeler que le chef de l’Etat avait cessé de voyager à bord de la « Pointe de Sangomar » depuis avril 2007 lorsqu’un hublot s’était fissuré en plein vol, contraignant le commandant de bord, le général Madické Seck, à poser l’appareil en catastrophe à l’aéroport de Palma de Majorque d’Espagne.
L’opposition dénonce un acte « indécent » et invite les « Sénégalais à prendre leurs responsabilités »
L’achat de l’ex-avion présidentiel français par Wade n’est pas du goût de l’opposition. Ibrahima Sène du Parti pour l’indépendance et du travail (Pi), Hélène Tine de l’Alliance des forces de progrès (Afp), Me Aïssata Tall Sall du Parti socialiste (Ps) et Moussa Sarr de la Ligue démocratique (Ld) ont condamné cet achat au moment où, disent-ils, des enseignants réclament encore leurs salaires du mois d’octobre, les paysans sont en train de brader leurs récoltes parce que la campagne de commercialisation arachidière n’a pas encore démarré, les populations sont encore dans les eaux, sans compter les délestages récurrents.
« Ce que le président de la République vient de faire, montre le mépris qu’il a des Sénégalais, il est insensible aux préoccupations des populations. Ça montre que le président de la République est arrivé au pouvoir essentiellement pour s’enrichir et jouir du pouvoir, et non pas pour résoudre les préoccupations des Sénégalais », dit Moussa Sarr, le Porte-parole de la Ld qui ajoute : « C’est indécent. Au moment où les enseignants qui ont des salaires de misère, n’ont pas encore reçu ces salaires à la veille de la Tabaski, il faut être un président assez irresponsable, insensible aux souffrances des populations pour acheter cet avion ». M. Sarr demande en conséquence « aux Sénégalais de prendre leurs responsabilités en s’organisant parce que ce n’est pas une question de parti politique. C’est tous les citoyens, dans les partis et en dehors des partis qui sont interpellés parce que le gaspillage est énorme au mépris des préoccupations des Sénégalais ».
Avec cet achat, Hélène Tine de l’Afp estime qu’« il y a de quoi se poser des questions sur l’équilibre mental de ceux qui nous gouvernent. Il y a des problèmes terribles de cohérence dans le choix des priorités ». En effet, face à « l’angoisse des producteurs », l’augmentation du « coût de la vie », les instituteurs qui réclament encore leurs salaires, la situation des structures sanitaires et la résurgence de certaines maladies qui font « des ravages », Mme Tine est d’avis que l’achat d’un avion a 20 milliards, « c’est un crime contre le peuple sénégalais ». Toutes choses qui lui font dire que « Wade devrait être traduit pour crime contre son peuple au même titre que les chefs d’Etats africains poursuivis en France pour bien mal acquis ». Pour elle, cet achat, « à défaut d’en rire, il faut en pleurer ». Parce que « c’est triste ».
« C’est encore une lubie de Wade qui nous coûte absolument très cher et dont le Sénégal pourrait certainement se passer », a commenté Me Aïssata Tall Sall, Porte-parole du Parti socialiste (Ps). Selon la maire socialiste de Podor, « Wade vient encore de démonter aux Sénégalais que ce qui l’intéresse, c’est son confort personnel ». Tout ce qu’elle souhaite, c’est que « cela puisse être la piqûre qui va ouvrir les yeux du peuple et que ce peuple-là comprenne que jamais Wade ne viendra à bout de leurs difficultés parce que cela n’est pas son souci. Non pas qu’il n’en ait pas les moyens, mais parce que l’idée en elle-même ne l’intéresse pas. Partant de cet exemple, il faut que le peuple fasse partir Wade avant l’heure ».
Quant à Ibrahima Sène, il déclare : « Je suis outré et scandalisé. Abdoulaye Wade se permet de se payer un avion à une telle somme, au moment où la campagne agricole est bloquée, les populations de la banlieue sont encore dans l’eau et les vacataires de l’éducation sont sacrifiés. Abdoulaye Wade n’a aucune considération pour les Sénégalais ».
Abdoul Aziz SECK & Bachir FOFANA - LE POPULAIRE
Politique - Economie
samedi 13 novembre 2010 par LE POPULAIRE
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