mardi 16 novembre 2010

GÉORGIE • Des Sud-africains pour travailler la terre

(Courrier International 16/11/2010)

Le gouvernement géorgien mise tout sur l’installation de familles de fermiers blancs sud-africains pour relancer un secteur agricole autrefois florissant, écrit Kviris Palitra.
Il paraît que des fermiers blancs sud-africains vont bientôt poser leurs valises en Géorgie. Descendants d’Européens, les Boers viendront cultiver chez nous leurs légumes et élever leur bétail. Puis ils vendront leur production sur des marchés locaux, et, si l’affaire tourne, ils pourront même exporter.
L’idée d’installer les familles de Boers en Géorgie vient du ministre de la Diaspora, Papouna Davitaia. Il s’est déplacé en Afrique du Sud pour rencontrer les fermiers. Selon lui, les Boers cherchent à se rapprocher des marchés européens et asiatiques. Ils ont une grande expérience de l’agriculture et pourraient introduire en Géorgie de nouvelles cultures. Le paysan géorgien, lui, n’a pas d’argent pour travailler sa terre et gérer son exploitation, même modeste. Pour arroser un hectare de champ ou de verger, il lui faut débourser 70 laris [30 euros]. Installer son propre système d’irrigation est impossible, cela coûte trop cher. En outre, la grêle et la sécheresse ont détruit les récoltes, sans compter les dégâts dus aux corbeaux et aux souris. Aussi le nombre de paysans ne cesse-t-il de diminuer.
Le pays n’arrive plus à se nourrir et dépend [à plus de 80 %] de denrées importées. Le gouvernement espère que les Boers contribueront à atténuer ce problème en investissant dans l’agriculture locale et en s’installant en Géorgie.
Les Boers, cette minorité blanche, commencent à se sentir à l’étroit en Afrique du Sud. Les Noirs sont sur le point de nationaliser les terres, ce qui inquiète ces descendants de fermiers néerlandais. Après la fin de l’apartheid et l’arrivée au pouvoir des Noirs, 3 000 fermiers blancs ont été tués. Les agriculteurs blancs cherchent un endroit où se réfugier. La Géorgie sera peut-être un lieu providentiel.
Fin août, Tbilissi a signé un accord de coopération avec l’Organisation des fermiers d’Afrique du Sud, qui réunit 41 000 familles de Boers (environ 150 000 personnes), et, le 29 septembre 2010, une quinzaine d’entre eux se sont rendus en Géorgie. Ils ont été accueillis selon la tradition d’hospitalité géorgienne. Le ministre de l’Intérieur [Vano Merabichvili] en personne a offert à un membre de la délégation sud-africaine une plaque d’immatriculation automobile pour lui montrer que cette procédure ne nécessite qu’un jour en Géorgie, contre trois mois en Afrique du Sud. “Nous sommes un pays de nouveaux horizons et de liberté. Le permis de conduire est également une pièce d’identité”, a expliqué le ministre. Son collègue chargé des Sports a, lui, disputé un match de rugby avec les invités. Le lendemain, la délégation a participé à des vendanges traditionnelles [rtveli, vieille tradition en Géorgie, pays de vigne et de vin] dans la région viticole de Kakhétie. Bref, on les a si bien reçus que l’Afrique du Sud aurait pu connaître un exode massif vers la Géorgie.
"De nombreuses régions géorgiennes pouvant les intéresser leur ont été présentées. A eux maintenant de décider et de choisir”, a déclaré le vice-ministre de la Diaspora, Nika Avaliani. Et d’ajouter qu’"en Afrique du Sud la filière de production et de transformation de la viande est bien organisée, car les Boers jouissent d’une grande expérience dans l’élevage et la gestion des fermes. Ils disposent même de laboratoires pour sélectionner et croiser les meilleures espèces. [Compte tenu des tensions avec la majorité noire], de nombreux Boers sont partis pour l’Australie et le Canada. Alors pourquoi ne pas venir en Géorgie ?" En termes de croissance économique, l’Afrique du Sud se classe au 24e rang mondial. Bien que l’agriculture ne représente que 8% de l’économie nationale, les fermiers arrivent à nourrir 50 millions de Sud-Africains et 10 millions de touristes ! Les Boers vont faire progresser notre agriculture et pourraient nous aider à porter sa contribution à l’économie géorgienne à 20 %. En Afrique du Sud, la superficie d’une exploitation de taille moyenne se situe entre 50 et 100 hectares, contre 200 à 300 hectares en Géorgie. Les Boers bénéficieront de facilités fiscales pour produire et exporter.
Paru dans
REPÈRE Agriculture
Quarante-sept pour cent des Géorgiens (4 millions d’habitants) vivent à la campagne ; 40 % sont employés dans l’agriculture. Le pays dépend pourtant à près de 80 % d’importations alimentaires. Les programmes de développement de l’agriculture géorgienne, lancés en 2008 pour une durée de deux ans, n’ont pas eu les résultats escomptés. Autrefois verger de l’URSS, le Géorgie fournissait au marché soviétique vins, fruits, agrumes, légumes, thé et eau minérale. Mais l’agriculture géorgienne ne s’est pas relevée de la disparition de ses
anciens marchés d’exportation.
Selon l’hebdomadaire Kviris Palitra, “la campagne géorgienne continue de se vider. La population de la Kakhétie, une des principales régions agricoles du pays, a diminué de 13 000 habitants en dix ans. La superficie des terres cultivées est passée de 305 000 hectares en 2009 à 250 000 en 2010. Ces dernières années, la production de blé a été divisée par quatre, celle de pommes de terre et de fruits par deux.”
Nona Kvlividzé 
 Kviris Palitra

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