vendredi 12 novembre 2010

2nd tour en Côte d’Ivoire: le Gbagboland, une forteresse assiégée

(L'Observateur Paalga 12/11/2010)

Depuis que les résultats du premier tour sont officiellement tombés, avec Laurent Gbagbo en tête (38% des voix) suivi d’Alassane Dramane Ouattara (32%), deux principales questions trottaient dans bien des esprits : l’ancien président, Henri Konan Bédié (HKB) du PDCI/RDA, arrivé troisième (25,2%), va-t-il s’allier à l’ex-Premier ministre contre le candidat du front populaire ivoirien (FPI) ? Dans l’affirmative, le report de voix se fera-t-il automatiquement ? Si tel devait être le cas, on dirait que c’est la fin des haricots pour l’actuel locataire du palais de Cocody qui doit songer à faire son paquetage.
Comme on le sait désormais, la première interrogation n’est plus de mise. Par soumission au pacte politique qui le lie au reste des partis membres du rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et le progrès (RHDP), et par esprit de revanche, Henri Konan Bédié, sans la moindre hésitation, s’est rallié au candidat naturel du rassemblement des républicains (RDR).
Mieux, l’alliance entre les héritiers du père de l’indépendance de la Côte d’Ivoire s’est transformée en relation fusionnelle. Alassane Dramane Ouattara, pour ce second round, n’étant plus le candidat de son seul parti, mais celui de toute l’opposition ivoirienne. Et la mise en place d’une direction collégiale de campagne coprésidée par Jeannot Ahoussou Kouadio (PDCI/RDA) et Amadon Gon Coulibaly (RDR) relève d’une très grande stratégie politique.
Dans cette nouvelle configuration de la scène politique, pas besoin de prévisions de prestigieux instituts de sondages pour savoir que l’ex-Premier ministre aborde l’échéance du 28 novembre prochain en grand favori. Une simple arithmétique suffit pour s’en apercevoir. L’attelage ADO-HKB tire une cargaison de 57% de l’électorat. Sans compter l’appoint, aussi minime soit-il, de la cinquième roue du carrosse que représentent les 2,5% d’Albert Mabri Toikeuse et la poussière de voix d’Innocent Anaki Kobéna (0,23%).
Du coup, on a l’impression que la panique a gagné le gbagboland aux allures de forteresse assiégée. Et rien n’est de trop pour organiser la résistance. Pas même les funestes concepts que l’on croyait bannis à jamais du discours politique. En effet, depuis quelques jours, Laurent Gbagbo se présente en candidat des Ivoiriens contre celui de l’étranger. Allusion sans doute faite à l’excursion, durant l’entre-deux tours, de son adversaire au Sénégal.
N’empêche, certains le suspectent de vouloir remettre au goût du jour le concept de l’ivoirité. Mais si dans le contexte politique actuel, les vents ne sont pas favorables au navire battant pavillon FPI, pour autant, ils n’ont pas encore porté celui de l’opposition à bon port. On ne cessera de l’écrire, jusque-là, ADO n’a que la faveur des pronostics.
Or tout le monde sait que de l’immuable règle de l’arithmétique au sable mouvant de la politique, il y a loin. « En politique, 1+1 ne font pas toujours deux », comme qui dirait. Donc, même si depuis quelques jours, Alassane Dramane Ouattara et Henri Konan Bédié sont parvenus à opérer la jonction, il reste à savoir si la magie de la sainte alliance va opérer.
Car dans le secret de l’isoloir, malgré les consignes de vote et les accords qui ne sont que des arrangements entre états-majors, l’électeur reste le seul maître de son choix. Et c’est là que réside tout le charme de ce second tour dont le piquant et le degré d’incertitude teindront tout le monde en haleine. Mais quelle que soit l’issue de ce second tour, une chose est sûre : le président du RDR a gagné une bataille : celle de la légitimité qu’il menait depuis des lustres.
Car avec 1/3 des voix au premier tour, il n’y a pas meilleure onction de légitimité pour quelqu’un dont on contestait la nationalité ivoirienne. Et si au soir du scrutin il en sortait vainqueur, l’histoire retiendra que ce serait grâce au concepteur de l’ivoirité, expression forgée sur mesure et contre qui on sait. Preuve supplémentaire qu’en politique tout est inconstant : l’ennemi devient l’allié et le premier, le dernier.
Par Alain Saint Robespierre

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