mercredi 3 mars 2010

Le Cameroun a-t-il un avenir dans la CÉMAC ?

(Camer.be 03/03/2010)

La Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale – CÉMAC compte six pays à savoir : Cameroun, Centrafrique, Congo – Brazzaville, Gabon, Guinée Équatoriale et le Tchad. L’actualité récente de la sous-région a été très dense. Elle oblige tout observateur à se questionner sur les changements profonds qui s’y opèrent présentement.
Comment le pouvoir s’organise-t-il? Qui exerce le leadership? Quels projets communs allons-nous mettre en œuvre? Quelle est la place du Cameroun dans tout ça? Est-il aimé, est-il accepté? Notre propos se subdivisera en 3 temps. Primo, nous exposerons quelques faits saillants qui font constater un changement. Deuxio, nous nous interrogerons pour savoir si le Cameroun est craint ou méprisé. Et tertio, nous discuterons autour d’un Cameroun sans CÉMAC ou d’une CÉMAC sans Cameroun.
La CÉMAC change - Faits saillants
Depuis les assises de Yaoundé en 2009, il y a une journée CÉMAC, c’est le 16 mars, jour de naissance de l’institution. On essaie donc d’ancrer dans nos coutumes quelque chose qui pourrait faire office de fête transnationale.
Lors du Sommet de Bangui, les 16 et 17 janvier 2010, au pays de S.E. M. François BOZIZÉ YANGOUVONDA, plusieurs points ont été décidés :
1.Fin du consensus de Fort Lamy. La conférence des chefs d’État a décidé d’appliquer le principe de rotation par ordre alphabétique des États membres pour l’ensemble des institutions et organes spécialisés dans la sous-région. Plusieurs observateurs avertis attribuent ce renversement de situation à la volonté du Président Obiang Nguéma Mbatsogo.
2. Adoption d’un Plan Économique Régional. Le Président de la commission de la CÉMAC, le camerounais Antoine Ntsimi a présenté à la conférence des Chefs d’État le Programme Économique Régional (PER). Permettez-moi de vous rappeler que selon le rapport d’étape présenté en janvier 2009, la vision inscrite dans ce programme se décrivait comme suit : « faire de la CÉMAC en 2025, un espace économique intégré émergent, où règnent la sécurité, la solidarité et la bonne gouvernance, au service du développement humain ».
3.Passeport biométrique. Grosso modo, la conférence des Chefs d’État a décidé que pourront circuler dans l’espace des 3 000 000 km2, les personnes détenant un passeport CÉMAC biométrique qui réponde aux normes de l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale – OACI.
4.AIR CÉMAC. Les Chefs d’États semblent avoir également avancé sur ce dossier. Brazzaville abritera le siège de la future compagnie.
(Source : Communiqué final de la 10ème conférence ordinaire de la conférence des Chefs d’État de la CÉMAC)
Ces quatre décisions même si elles ne sont pas absolument neuves tendent à montrer ou à démontrer que les six Chefs d’État qui gouvernent la CÉMAC ont une certaine envie et peut être même une envie certaine de faire avancer les choses dans le bon sens.
Après tout, il serait temps pourrions-nous pester. Est-ce nécessaire de rappeler le manque d’infrastructure dont nous souffrons dans notre sous-région? Lisez plutôt cette courte histoire racontée en décembre dernier par la journaliste de Cameroon Tribune, Mme Suzanne ELLO NLEPNA. « A défaut d’emprunter Air Toumaï qui assure des vols directs entre Douala et N’Djamena, Charles Loïc comme la plupart des voyageurs de la capitale économique camerounaise est obligé de prendre Ethiopian Airlines qui met quatre heures pour relier Douala à Addis Abeba, puis deux heures entre la capitale éthiopienne et celle du Tchad. Soit au total six heures de vol- sans compter la durée du transit- pour aller de Douala à N’Djamena! ». Le titre de son article était : AIR CEMAC : une nécessité pour l’Afrique Centrale.
De son côté, Gaboneco.com publiait un article qui nous apprenait qu’au sein de la CÉMAC, les échanges commerciaux représentent 0,5 à 1% du PIB total des pays membres.
Un Cameroun craint ou « méprisé »?
Établissons tout de suite un principe. Le Cameroun vit dans tous les camerounais. Ainsi, autant Samuel ÉTO’O nous fait honneur parce qu’il fait partie des meilleurs footballeurs que la terre ait porté. Autant c’est l’ensemble du Cameroun qui se sent humilié quand des compatriotes sont chassés comme des indigents en Guinée Équatoriale.
De nombreux faits nous obligent à nous questionner pour savoir la perception que suscite les mots Cameroun et camerounais auprès de nos frères de la sous-région.
Citons quelques uns.
Rapport démographique. Le Cameroun compte environ la moitié de la population sous-régionale. C’est pratiquement un rapport de 1 pour 40 avec la Guinée Équatoriale. Peut-être que certains pays de loin moins populeux que nous puissent se questionner sur d’éventuels mouvements migratoires.
Tissu industriel. Les entrepreneurs camerounais par leur nombre et par leur expérience dans les affaires semblent mieux préparés pour faire face au marché CÉMAC. Regardons seulement notre secteur bancaire dans lequel CBC ou Afriland First Bank ont des filiales dans nombre de pays.
L’histoire. Ce point est relatif aux deux premiers. En fait, après 50 ans d’indépendance, aucun pays africain n,est prêt à accepter quelque forme de néocolonialisme que ce soit. Alors plusieurs pays refusent et refuseront d’ouvrir leur marché tant qu’ils penseront qu’ils ne seront pas prêts à affronter la concurrence camerounaise.
Le renvoi des camerounais à la frontière. Précisons qu’il n’est nullement acceptable, sauf peut être pour des conditions de survie l’exigeant, d’admettre dans un pays des personnes qui ne respectent pas les lois. Donc, il est normal que des pays comme la Guinée Équatoriale mettent hors de son sol nos frères camerounais qui sont en situation irrégulière. Cependant personne n’ignore les nombreuses polémiques qu’il y a toujours autour de ces refoulements notamment parce que certains disent avoir des papiers en règle… Ce n’est pas le plus important…
Précisons que la Guinée équatoriale n’est pas la seule à effectuer des contrôles. Il y a quelques jours la Direction Générale de la Documentation et de l’Immigration - DGDI gabonaise a renvoyé 350 clandestins dont 63 camerounais.
Fotso VS Obiang Nguéma. D’après un article signé par David Nouwou de la Nouvelle Expression, la Guinée Équatoriale devrait verser 50 milliards de FCFA à Yves Michel FOTSO dans le cadre du conflit qui a opposé les deux parties.
Transfert d’argent interdit à l’extérieur de la Guinée Équatoriale. « Pour effectuer un virement vers l’étranger, il faut obtenir une autorisation du ministère des Finances où l’on est soumis à un interrogatoire serré, pour généralement buter sur une fin de non recevoir. » - corrigez moi si la donne a bougé - (voir ici).
Alors, faut-il un Cameroun sans CÉMAC ou une CÉMAC sans Cameroun?
Sans le Cameroun, la CÉMAC tombe à 18-19 millions, comme sous-région, ce serait ridicule pour une prétendue sous-région. Par ailleurs, le Cameroun qui a des frontières avec tous les autres pays ne peut se permettre d’être hors des discussions et décisions prises dans la Communauté. Au surplus, être dans une zone qui regroupe autant de pays du Golfe de Guinée, ça ne se refuse pas. Car le monde entier est extrêmement attentif à cette partie du monde qui a tant de richesses.
La réponse est donc évidemment ni l’un ni l’autre. Il faut un Cameroun fort dans une CÉMAC qui veut avancer.
Mais, sans critiquer l’action menée ou s’ériger en donneur de leçons, il nous semble pertinent d’avancer quelques idées :
1. Notre communication et notre diplomatie devront plus clairement faire comprendre aux frères que nous avons un amour et une tendresse infinies pour eux. Mais cependant, le Cameroun et les camerounais méritent du respect. Il est des traitements qui sont inadmissibles pour des gens avec qui nous partageons la même frontière. N’oublions pas que dans les relations internationales les symboles sont infiniment importants et les mots prononcés des armes redoutables. En ne communiquant pas suffisamment sur ce qui est entrepris pour remédier à la situation, on donne l’image d’un Cameroun faible. Et dans ce monde de plus en plus mondialisé, c’est l’ensemble de la planète qui nous perçoit ainsi.
2. Notre attitude ne doit pas laisser penser aux autres que nous les considérons comme acquis et que nous ne sommes que des condescendants. Biensûr le pays de Milla, Kamto, Muna, Éto’o, Mbembé, Dibango… a encore du PRESTIGE. Il compte parmi les 10 premières puissances économiques africaines, il accueillera au cours des années à venir de nombreuses institutions importantes notamment le siège du Fonds Monétaire Africain (FMA) et d’Interpol. Le Bureau régional fonctionne déjà. Le SG, M. Noble, avait été reçu au Palais de l’Unité par le Président Biya en fin 2009. (voir présidenceducameroun.com)
3. Notre positionnement dans la CÉMAC doit être défini en s’appuyant sur notre potentiel et nos ambitions futures. Nous devons avoir plus d’assurance et plus contribuer à définir le destin de cette belle communauté. Elle a besoin de nous.
Concluons
La CÉMAC semble vouloir évoluer. Bien que moult faits semblent laisser paraître une certaine méfiance vis-à-vis de l’ogre camerounais, il semble avoir de l’espoir ou plutôt, il faut qu’il y ait de l’espoir.
En attendant qu’elle embrasse complètement son destin, c'est-à-dire d’être une vraie, une véritable communauté économique, la CÉMAC est utile politiquement et pourrait l’être davantage d’ailleurs…
Si le Cameroun prend davantage conscience de la nouvelle réalité du monde, qui place la communication au centre de tout, s’il propose un leadership entraînant aux autres membres, alors l’essor économique viendra. Notre pronostic est que ce sera relativement long, aussi, il faut que le Cameroun développe dès à présent des relations bilatérales fortes avec des joueurs majeurs de demain.

Serge TCHAHA.
© Correspondance pour camer.be de : Serge TCHAHA.
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