(Le Pays 03/05/2010)
Il ne fait presque plus aucun doute que la nouvelle Constitution guinéenne sera promulguée par décret présidentiel. C’est du moins ce que donne à penser le maintien du 27 juin comme date du premier tour de l’élection présidentielle dans ce pays. Certes, Sékouba Konaté n’a pas annoncé de façon explicite la formule qui sera adoptée, mais au regard du laps de temps très bref qui reste avant le scrutin, il est aisé de comprendre que les Guinéens n’auront plus à se prononcer sur le présent projet de loi fondamentale.
Ainsi, le président intérimaire a coupé court aux supputations nées des divergences suscitées par l’envie des uns d’aller vite au scrutin, et celle des autres de passer nécessairement par la voie référendaire. Mais est-ce à dire que le général président a délibérément opté de faire fi de la souveraineté du peuple guinéen ? Loin s’en faut, car la décision du successeur de Dadis Camara, en plus de mettre fin à la polémique, revêt un caractère pragmatique. Car, des trois éventualités que pouvait connaître la Guinée Conakry en cette période transitoire, celle-ci est de loin ce qui pouvait arriver de mieux.
En effet, le régime militaire pouvait, dans le but de tenir parole le plus vite possible, organiser la présidentielle sans passer par l’adoption d’une nouvelle Constitution. Ce qui aurait eu pour conséquence de laisser la latitude au président élu de la tailler selon son état d’âme et ses intentions. Si le pays de Sékou Touré a la malchance dans ce cas d’espèce de voir porter à sa tête un boulimique du pouvoir, l’élan démocratique tant espéré et amorcé par la junte restera un voeu pieux. Une autre possibilité pouvait se traduire par une démarche traditionnelle et classique aboutissant à l’adoption de la Constitution avant d’aller aux élections.
Le risque encouru dans cette autre expérience peut être la survenue d’événements inattendus comme des tentatives de déstabilisation de la transition, qui, il faut le reconnaître, n’est pas appréciée par tous les Guinéens. Et un énième désordre au sein de l’armée pourrait servir d’alibi aux hommes en treillis pour se hâter très lentement dans la cession du pouvoir aux civils. En optant pour une mesure d’exception dans un Etat d’exception, le président guinéen ne fera qu’adapter les choses au contexte actuel de son pays. Après cinquante-deux ans de dictature, l’urgence en Guinée Conakry, c’est, sans conteste, d’entrer dans un Etat normal, que seul peut permettre un vote démocratique.
La Constitution est sans doute ce qu’il y a de plus sacré dans une république, et son adoption par référendum pourrait constituer la première tâche à laquelle s’attellera celui en qui le peuple guinéen placera sa confiance à l’issue de l’échéance électorale. Le climat sociopolitique d’après-crise serait beaucoup plus propice à l’organisation sereine d’un référendum crédible. Chapeau bas donc au Tigre, qui a, dans la logique de son désintérêt pour le pouvoir, tranché au bon moment et dans le bon sens.
Honoré OUEDRAOGO
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