(Monde Actu 15/07/2010)
La fièvre de la coupe du monde 2010, que l’Afrique du Sud a organisée et brillamment réussie, est à peine retombée que le Pays de Nelson Mandela fait de nouveau parler de lui en mal : en effet, des dizaines d’immigrés se sont réfugiés dans des commissariats dans l’ouest de la nation arc-en-ciel par suite d’une série de pillages dans des boutiques de commerçants étrangers.
Cela a eu pour effet d’alimenter les craintes d’une nouvelle vague de violences xénophobes. Ils sont estimés à cent vingt-quatre, les expatriés à être allés chercher la sécurité dans cinq stations de police de la province du Western Cape le lundi 12 juillet 2010. La veille, ils étaient encore plus nombreux en ces lieux pour cause d’incidents qualifiés de pas très violents mais ayant provoqué quelques blessures légères et des destructions de biens.
Aucune précision sur les nationalités concernées par les attaques n’a été donnée, mais on sait que de par le passé ce sont surtout les Zimbabwéens qui en étaient les plus visés. On se rappelle, en 2008, l’élan xénophobe avait causé la mort de 62 personnes et des milliers de déplacés dans les quartiers les plus pauvres d’Afrique du Sud. En 2009, ce sont des immigrés résidents du Cape qui ont trouvé refuge notamment au camp de Doorns.
Entre 40 000 et 50 000 immigrés illégaux se cachent aujourd’hui dans une soixantaine d’immeubles abandonnés, pour fuir le « ménage » que les Sud-africains ont promis de faire après le grand rendez-vous du football mondial. La Police y débarque régulièrement et leur enjoint de retourner dans leur pays qu’ils ont quitté pour la plupart pour des raisons de violences politiques ou attirés par le mirage de la prospérité de l’Afrique du Sud. Les Red Ants (Les fourmis noires), qui appartiennent, elles, aux agences privées, y apportent leur part en vidant les squats sans ménagement.
Le taux de chômage en Afrique du Sud dépasse 40%, et la perte d’emploi est continuelle. Dans une telle situation, les étrangers sont facilement accusés de “voler” des jobs, de monopoliser les rares emplois disponibles et d’alimenter la criminalité. Le chauvinisme est aujourd’hui une réalité chez les Sud-Africains, et le révérend Paul Verryn de la Central methodist church l’illustre si bien quand il dit : « La xénophobie est dans nos gènes. Ici en Afrique du Sud, on a tous appris à haïr quelqu’un ».
Les événements qui se produisent présentement au pays des Zoulou sont très inquiétants et viennent ternir la belle image que le monde s’est forgé de lui lors du mondial qui vient de s’achever. Les habitants de ce beau pays, en réalité, ne connaissent pas bien le continent noir et ses différents peuples, qui ont pourtant défendu leur cause pendant les durs moments de leur histoire. Cela est sans doute le résultat de l’ostracisme dans laquelle ils ont été enfermés des années durant, du fait de l’apartheid.
On assiste à un retour de la violence, à un néo-apartheid qui risque d’altérer le climat entre la nation arc-en-ciel et ses voisins immédiats. Cela pourait même l’isoler du reste des autres Etats du continents réunis au sein de l’Union africaine (UA) dont le leitmotiv reste l’unité de l’Afrique pour relever les grands défis du développement. Mais cette unité sera-t-elle jamais possible avec de tels incidents ? Les autorités sud-africaines, qui ne parlent que de rumeurs de menaces de violences, promettent d’intervenir mais depuis, rien.
Jean Ping, le secrétaire général de l’UA, doit certainement s’arracher les cheveux avec cette nouvelle situation, qui ne manquera pas de saper ses énormes efforts pour une Afrique unie et prospère, fière de ses fils et filles. Prions alors pour que la paix soit le quotidien des Africains du Sud et de leurs hôtes et qu’elle dure pour toujours.
D. Evariste Ouédraogo, l’Observateur
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