(Le Messager 28/07/2010)
« Nous avons encore, je dois le dire, un grave problème de morale publique. Malgré nos efforts pour les combattre, la fraude, les détournements de deniers publics, la corruption continuent de miner les fondements de notre société ». Exit Paul Biya, président de la République du Cameroun, lors du congrès extraordinaire de son parti politique, Le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) en juillet 2006. Plusieurs années après, la corruption continue de ronger la société Camerounaise, malgré les politiques mises en place par le gouvernement pour combattre ce qui est considéré par de nombreuses organisations internationales comme une endémie au Cameroun. C’est d’ailleurs ce que démontre un rapport rendu public lundi 26 juillet 2010 à Yaoundé, dans les locaux de la Commission nationale anticorruption (CONAC). Commise par le programme de renforcement des capacités des structures de contrôle de l’Etat (CASC), cette étude menée dans six régions du pays établit entre autres le classement des départements ministériels jugés les plus corrompus par les Camerounais. C’est ainsi que le ministère des Finances (MINFI) vient en tête comme étant le ministère où la corruption est pratiquée de manière systématique et généralisée. La moyenne nationale du MINFI est de 25%. Tandis que le ministère de la Justice , qui vient en deuxième position enregistre un taux national de 12%. Viennent ensuite la Délégation générale à la sûreté nationale (12%), les travaux publics (9%) et des ministères comme l’Enseignement supérieur, la Santé publique, les transports, etc. Dans les détails, le rapport laisse apparaître que dans toutes les régions concernées (Adamaoua, Centre, Littoral, Nord Ouest, Ouest et Sud Ouest), « le ministère des Finances arrive toujours et nettement en tête » tout en réunissant à lui seul le quart de l’opinion des personnes interviewées. Il est aussi à noter que les trois premiers de ce classement réunissent à eux seuls une véritable majorité absolue avec un score de 51% de la pratique de la corruption au Cameroun.
Organisations et corps de métiers aussi
Selon toujours cette étude, plusieurs corps de métiers et d’organisations sont très imprégnés de la corruption. Les transports (16%), la Chambre de commerce (16%) ainsi que les partis politiques (11%) arrivent en tête. Il faut également citer la présence dans ce haut du tableau du Fonds spécial d’équipement et d’intervention intercommunal (10%), d’Elections Cameroon (10%) ainsi que des entreprises comme CAMTEL (8%). Cela démontre, selon le rapport, que « la corruption touche tous les secteurs, tous les services (publics, parapublics, privés), les associations sportives et politiques ». Ce constat rejoint un peu celui fait par une enquête du Cretes qui classait la douane et les impôts (Minfi), la police et la gendarmerie (DGSN/SED), et le système légal judiciaire (Minjustice) parmi les premiers selon le degré d’affectation de la corruption. L’enquête du CASC conclut à ce sujet que « la corruption est un phénomène généralisé qui touche tous les secteurs d’activité, selon une ampleur et une incidence qui requièrent un plan de lutte cohérent global ».
Mais, il y a le revers de la médaille. Il existe en effet, selon le CASC, des corps de métiers victimes de la corruption. Il s’agit, par ordre d’importance, des chauffeurs, des commerçants, des entrepreneurs, des importateurs et des sportifs. La réalisation et le succès de leurs activités passent, de manière générale, par le paiement quotidien, et à des montants souvent connus des acteurs, des charges dites de survie. Une autre étude, cette fois de Greddes Cameroun, révèle par exemple qu’à Yaoundé, un chauffeur « clando » préfère verser 1 500 Fcfa par jour (soit 540 000 FCFA par an) aux forces de l’ordre pour l’exercice de sa profession que de payer les 300 000 FCFA par an demandés par l’Etat. L’étude du CASC révèle par ailleurs que les retraités, les chercheurs d’emplois et les candidats aux concours sont les catégories sociales qui souffrent le plus de la corruption. Ils sont suivis de près par les parents d’élèves, les malades et les justiciables.
Comme on peut donc le constater, le Cameroun est loin de trouver une solution pour juguler le phénomène de la corruption. Le programme Casc, dans son rapport, fait néanmoins des propositions pour se sortir de ce bourbier. C’est ainsi qu’il propose la Coalition nationale sur la transparence comme une stratégie de lutte contre la corruption. Il est fait un certain nombre de recommandations à l’adresse de la CONAC, ou de manière indirecte à cette coalition. L’étude du CASC propose d’encourager et d’appuyer l’adoption d’une loi spécifique qui soit compatible avec la convention des Nations Unies contre la corruption, qui a été ratifiée par le Cameroun. Il faudrait également penser à élaborer et à appuyer un plan de plaidoyer à mettre en œuvre à travers la Coalition nationale sur la transparence pour une application stricte des sanctions prévues par la loi pour les cas de corruption et infractions connexes. L’on estime qu’il faut développer un plan de renforcement des capacités et de communication à l’intention des ministères et organismes classés parmi les plus corrompus afin de les aider à améliorer leur image de marque à travers des actions efficaces de lutte contre la corruption.
Par alain.noah.awana
Mercredi 28 juillet 2010
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