(La Nouvelle Expression 29/07/2010)
Un document annonçant la fin du régime en place a été très vite assimilé à une tentative de renversement du pouvoir. Ce dernier est divisé sur la gestion de l’affaire. Enquête.
C’est l’histoire d’une bande sonore qui fait grand bruit. Tout serait parti d’une « fuite » qui a alerté les milieux sécuritaires du régime en milieu de semaine dernière. Le document – dont des copies circulent sous le manteau dans certains milieux à Yaoundé, et déjà dans certaines villes de l’arrière-pays, dans la région du Sud - est attribué à un certain Enoh Meyomesse, jusque là connu comme un collaborateur du périodique « La Cité », et auteur plutôt inspiré d’ouvrages à forte teneur politique. L’intéressé, que La Nouvelle Expression a tenté de joindre, est porté disparu. Il a toutefois fait parvenir son témoignage par voie électronique. (lire ci-contre).
Les services de sécurité sont en tout cas convaincus que sa voix a été formellement identifiée dans la bande sonore, dont personne ne dit encore avec certitude à quels usages éventuels elle est promise. Mais, si elle fait tant parler d’elle, c’est que la bande sonore est réputée détonante par son contenu. Selon de fiables indiscrétions, le message tient en quelques points clés, dont la fin du régime, le 17 juillet 2010. Il y est question de l’abrogation de la Constitution, de la dissolution de l’Assemblée nationale, du gouvernement, du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), de Elections Cameroun. Il se peut qu’il soit envisagé l’adoption d’une nouvelle constitution par voie référendaire, de la tenue d’une élection présidentielle début 2011, de la formation d’un gouvernement provisoire chargé de la gestion des affaires courantes.
Plus encore : sur fond de procès du régime en place, elle parle de la fin de la somnolence d’un Cameroun téléguidé, corrompu, gagné par le chômage généralisé et travaillé par des inégalités diverses. Elle se fait, semble-t-il, plus compréhensive à l’égard des forces de l’ordre qu’elle félicite au passage de leur contribution pour la chute du régime, non sans annoncer des gratifications diverses, dont le passage automatique de tous les colonels au grade de général, l’érection au cœur de la capitale d’un monument en la mémoire des soldats tombés à Bakassi, et l’institution de la retraite à l’âge de soixante ans, etc…. Pas avare de références à l’histoire du Cameroun, la voix, qui assume son statut d’héritier de Ruben Um Nyobe, Félix Roland Moumié, Martin Paul Samba, Ernest Ouandié, félicite les jeunes auxquels elle attribue les émeutes de février 2008. Bref, un discours de prise de pouvoir.
Il n’en fallait pas plus pour que les « services » se mobilisent. Et cela, d’autant que, très vite, le chef de l’Etat a été informé de l’existence de la bande depuis son séjour genevois…
Des réunions se sont tenues au cours des six derniers jours, au ministère de la Défense et à la présidence de la République. Selon toute vraisemblance, l’unanimité n’est pas de saison au sujet du traitement de cette « affaire ». Une première ligne estime que le présumé auteur du message de la bande « explosive » devrait tomber sous le coup des dispositions du Code pénal camerounais.
En face, une option, apparemment plus réaliste et moins alarmée, tient, semble-t-il, à un point : une interpellation ne ferait pas les affaires du Cameroun dont l’image sur la scène internationale a été éprouvée par « l’affaire Bibi Ngota », du nom du directeur de publication écroué, puis décédé à la prison centrale de Yaoundé, dans le cadre d’une procédure judiciaire relative à un présumé trafic de documents - entre autres repères récents. Au sein du sérail, des airs de soupçon n’ont pas manqué en cette ère de putsch supposé…
Le pays en a l’habitude. En l’espace de sept ans, deux feuilletons ont nourri rumeurs et contre rumeurs. En 2003, un certain Bayiha Macoi avait déjà défrayé la chronique. Venu à Garoua sous un costume à la coupe humanitaire, il revêtit très vite un treillis de putschiste présumé. Avec, à la clé, une prise d’otages spectaculaire et une… bande sonore qui annonçait rien moins que l’instauration d’un nouveau régime au Cameroun, le retour de la dépouille d’Ahmadou Ahidjo, sur fond d’un vaste de programme de réconciliation nationale… L’affaire tint la chronique des jours critiques en haleine. Avant de disparaître de l’agenda des politiques et des gazettes.
Novembre 2007, une forte rumeur de coup d’Etat ébranlait relativement les milieux sécuritaires. Un entrelacs de supputations, avec ses figures réputées proches des milieux terroristes, son lot d’arrestations dans la foulée, ses libérations aussi. Ses guerres entre « services ». Le tout sur fond d’affairisme supposé au ministère de la Défense du temps où y régnait un certain Rémy Ze Meka auquel, à ce qu’il semble, on devait cette « trouvaille »… Puis, plus rien. Jusqu’à ce mois de juillet qui cristallise tant d’attentes politiques.
par Valentin Siméon ZINGA
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