(IPS 29/07/2010)
OUAGADOUGOU - Le gouvernement du Burkina Faso lance la construction de 55.000 latrines en milieu rural et urbain par an pour atteindre, d'ici à 2015, environ 54 pour cent de taux d’accès à l’assainissement contre 10 pour cent actuellement pour progresser vers les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD).
Le taux moyen d’accès à l’assainissement en milieu urbain est de 30 pour cent, alors qu’en milieu rural, il tourne autour d’un pour cent à certains endroits, selon les autorités.
Le gouvernement compte donc investir 64 milliards de francs CFA (environ 128 millions de dollars), soit 12 milliards FCFA (24 millions de dollars) par an. Le gouvernement, qui dépense actuellement quatre milliards FCFA (huit millions de dollars) par an grâce à l’appui de ses partenaires, compte doubler, voire tripler sa contribution annuelle qui tourne autour d’un milliard de FCFA (deux millions de dollars).
«Quand vous regardez tous les secteurs, ça bouge. Mais pour un domaine aussi fondamental pour la qualité de vie, on verra que nous sommes très en retard», déclare à IPS, Laurent Sédogo, le ministre burkinabé de l’Agriculture, de l’Eau et des Ressources halieutiques.
«En clair, sur une population de 1.000 habitants, seuls 100 disposent d’infrastructures adéquates. Tous les 900 autres ont recours à la nature et, pour ne pas atteindre à la pudeur, beaucoup attendent la nuit tombée en raison de la disparition du couvert végétal», ironise Sédogo.
Amélie Ouédraogo, une habitante du quartier Tanghin de Ouagadougou, la capitale burkinabé, ironise aussi, déclarant que les latrines permettront aux morts de reposer dans la salubrité. "Même les cimetières ne sont pas épargnés dès la nuit tombée. Nous voyons les gens, mais nous ne pouvons pas les en empêcher d’aller se soulager", dit-elle à IPS.
Selon Ouédraogo, la situation est encore plus critique pendant la saison pluvieuse car les eaux qui coulent vers les rues du quartier, où jouent souvent les enfants, sont souillées. "Nous avons des cas de diarrhées, mais les populations refusent de faire le lien entre ces maladies et les selles qui les provoquent", ajoute-t-elle.
"Depuis que nous avons les latrines, nos clients et nous-mêmes pouvons faire nos ablutions et toilettes avant les prières", explique à IPS, Mahamoudou Sana, un vendeur dans un marché de bétail de Ouagadougou. "Auparavant, nous nous enfoncions dans les hautes herbes pour nous soulager dans la journée, et la nuit pour certains".
Le ministère de la Santé souligne que l’absence de toilettes engendre des maladies, notamment diarrhéiques qui constituent, à environ 58 pour cent, une des premières causes de mortalité chez les enfants.
Selon l’organisation non gouvernementale (ONG) 'WaterAid' quelque 2.000 enfants meurent de la diarrhée par jour. L’ONG ajoute que le simple fait d’utiliser des toilettes, peut réduire l’incidence de la diarrhée de 40 pour cent tandis que des toilettes propres, conjuguées à l’eau potable et une bonne hygiène, peuvent réduire la maladie de 90 pour cent.
'WaterAid', qui s’inquiète par ailleurs que 80 pour cent des pays africains n’atteignent pas les OMD en matière d’assainissement, invite les chefs d’Etat réunis à Kampala pour un sommet de l’Union africaine autour du thème de la santé maternelle, à résoudre les questions d’assainissement s’ils veulent s’attaquer à ce fléau meurtrier.
En milieu rural, où vit 80 pour cent de la population du Burkina Faso, il est prévu 395.000 ouvrages d’assainissement autonomes familiaux, et la construction de 12.300 latrines publiques, selon le gouvernement. Son programme prévoit, dans les centres urbains, 222.000 latrines familiales, 900 blocs de latrines publiques dans les écoles, les centres de santé, les marchés et les gares.
«Il y a péril en la demeure parce qu’au plan international dans les OMD, il y a des critères que nous définissons pour mesurer le développement durable», explique Sédogo à IPS. Le président burkinabé, Blaise Compaoré, a lui-même lancé la campagne, ce mois, en vue de susciter l’engagement des populations et des partenaires financiers en faisant de l’assainissement une préoccupation nationale, souligne-t-il.
L’offensive gouvernementale intervient après le constat que le rythme de progression est insuffisant et que l’écart se creuse davantage avec les objectifs du millénaire pour le développement dans un contexte de taux de croissance démographique élevé qui entraîne une baisse annuelle du taux d’accès à l’assainissement.
Selon le dernier recensement de 2006, le taux de croissance démographique du Burkina, l’un des plus élevés en Afrique subsaharienne et au monde, est de trois pour cent.
Alors qu’en 2007, il fallait tenir un rythme de 39.000 latrines par an en milieu rural jusqu’en 2015, étant donné les retards accumulés, on devrait en réaliser au moins 55.000 en 2010, indique le gouvernement.
«Avec cet engagement politique, cela veut dire qu’il y aura des actions qui seront prises afin qu’il soit atteint», affirme Armah Klutsé, du Centre régional pour l’eau potable et l’assainissement (CREPA). Le CREPA, dont le siège est à Ouagadougou, est présent dans 17 pays d’Afrique centrale et australe où il appuie les gouvernements dans l’élaboration et la mise œuvre des politiques d’assainissement et d’eau potable.
La couverture en milieu urbain varie entre 30 pour cent et 60 pour cent, alors qu’en milieu rural, les taux vont de un à 22 pour cent, en Afrique de l’ouest et du centre, indique Klutsé. «C’est une opportunité que nous... devrons saisir dans la mesure où ce sont des actions que nous souhaitons voir suivre d’effet».
Pour ces populations qui ont besoin d’aide, leur participation varie de 30 à 35 pour cent, la plupart des matériaux lourds, comme les dalles, étant offerts par le gouvernement.
«Qui parle d’assainissement parle de santé qui est un passage obligé pour le développement; nous nous engageons à accompagner tout le processus que nous prenons à notre compte», souligne Edouard Balkoulba, maire de la commune de Zorgho, dans la région du plateau central du Burkina. (FIN/2010)
Brahima Ouédraogo
28 juil
© Copyright IPS
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire