(Le Pays 30/07/2010)
La Cour de Justice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a décidé de se pencher sur la plainte pour détention arbitraire déposée par les proches de l’ex-président nigérien Mamadou Tandja contre la junte. En effet, les conseils des deux parties sont attendus le mardi 3 août devant la Cour à Abuja pour l’ouverture de l’audience sur la question.
Pourtant, Tandja avait adressé, on s’en souvient, une lettre au président de ladite Cour pour lui demander de ne pas tenir compte de la plainte adressée en son nom du fait qu’il n’avait donné mandat à personne pour cela. Du côté de la Cour, on affirme n’avoir pas reçu ce courrier. C’est à se demander si quelqu’un a retardé à dessein la transmission du courrier et à quelle fin. Toujours est-il que la situation du président déchu est, pour la première fois depuis la chute de son régime, entrée dans une logique judiciaire ; et ironie du sort, c’est à une juridiction relevant d’une organisation qui avait subi les vexations et les foudres de Tandja, alors maître incontesté de Niamey, que ces proches ont dû recourir. Le moins que l’on puisse dire en analysant ce feuilleton politico-judiciaire, c’est qu’il y a un certain cafouillage, une cacophonie entre l’ex-président et son entourage.
Pour ce qui est de l’appréciation de la plainte, la Cour pourrait, si elle recevait la lettre de l’ancien président, accéder à sa demande et le laisser entre les mains de la junte dans sa prison dorée. Mais au cas où, pour une raison ou une autre, la juridiction décidait d’accéder à la requête de ses proches, elle demanderait à ce que la détention "arbitraire" cesse. Dans ce cas, il appartiendrait à la junte de l’élargir ou d’ouvrir une procédure judiciaire à son encontre pour mauvaise gestion du pays et qui pourrait, à terme, conférer un caractère légal à sa détention. Dans tous les cas, au regard des dérives du régime du président déchu qui, entre autres, a tripatouillé la Constitution et opéré un recul de son pays au plan démocratique, faisant ainsi preuve de haute trahison, son procès vaut la peine d’être organisé. Au niveau des Nigériens, l’idée d’un éventuel procès de Tandja fait l’objet de beaucoup de polémiques, donnant lieu à plusieurs niveaux de divisions. La summa divisio (grande division) à ce niveau consacre d’un côté les partisans de la tenue d’un procès et de l’autre, les proches de l’ex-chef de l’Etat qui ne veulent, en aucun cas, entendre parler de procès contre leur mentor qui serait, au fait, celui de leur régime déchu. Mais, même à l’intérieur de chacun de ces blocs, tout n’est pas homogène. Dans le camp des partisans de Tandja, on a d’abord ceux qui sont prêts à affronter la junte sur cette question et ceux qui préfèrent faire profil bas pour amadouer les nouveaux maîtres dans l’espoir d’obtenir leur grâce.
Du côté de l’opposition et de la société civile en général, on estime qu’il faut un procès à tout prix. Seulement, le débat est vif sur l’identité du régime qui devrait juger Tandja. Pendant que certains estiment que la junte peut mettre en branle la procédure, d’autres pensent plutôt qu’il faudrait attendre qu’un régime démocratiquement élu puisse venir le faire. Chaque camp, à ce niveau, y va de son argumentaire. Il faut avouer que chacune de ces options a ses enjeux. Mais au-delà de la question de neutralité de tel ou tel régime, il faut reconnaître qu’il est difficile de tenir un tel procès pendant la transition. En effet, l’on court le risque de s’y embourber avec toutes les conséquences qui y sont attachées et d’occulter la priorité qui est d’organiser, le plus tôt possible, une élection transparente pour l’avènement d’un régime légal et légitime dans le pays . Un procès seulement après la transition paraît être le scénario le mieux indiqué. La justice pourra alors faire son travail en toute âme et conscience, quitte à ce que le peuple nigérien décide d’accorder son pardon à Tandja pour une catharsis nécessaire à un départ sur des bases qui tiennent bon.
Relwendé Auguste SAWADOGO
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