mardi 27 juillet 2010

Niger - Opération ‘main propre’ ou ‘table rase’ au Niger ?

(Affaires Stratégiques 27/07/2010)
Ces derniers temps, le général Salou Djibo a multiplié les propos combatifs à l’égard de la lutte contre la corruption. Fin juin, il annonçait ainsi aux membres de la Commission de lutte contre la délinquance économique, financière et fiscale que « dans le cadre de [leur] travail, [ils] n’avaient pas d’états d’âme à gérer. Quelle que soit la personne concernée, elle doit répondre de ses actes », ajoutant : « il ne faudrait rien cacher aux Nigériens. Si vous trouvez mon nom, il faudrait le signaler ». Alors que le président déchu, Mamadou Tandja, en appelle à la clémence du Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSRD), le chef de la junte poursuit coûte que coûte son combat revendiqué contre la corruption, tout en le défendant d’une quelconque instrumentalisation au dépend de l’ancien régime.
Arrivé au pouvoir le 18 février dernier, le CSRD s’est d’emblée engagé à assainir les finances publiques nigériennes et à revoir la gestion des affaires publiques. Le pays est en effet parmi les plus pauvres et les plus corrompus au monde. Le programme de la junte militaire a donc été relativement bien accueilli par l’ensemble des Nigériens, qui y voient une volonté politique de mettre un terme à l’impunité instituée en mode de gouvernance. Depuis, le pays vit au rythme des révélations et des scandales.
La méthode utilisée par le pouvoir peut être considérée comme brutale. L’exemple de la liste publiée le 12 juillet dans le quotidien gouvernemental Le Sahel en est la preuve : deux cents noms de personnes y apparaissaient, toutes – parfois anciens députés ou ministres - accusées de ne pas avoir intégralement remboursé les véhicules agricoles qui leur avaient été cédés par la centrale d’approvisionnement. Mais pour le président de la Commission de lutte contre la délinquance économique, financière et fiscale, Abdoulkarim Mossi, la méthode se veut avant tout efficace : « Depuis que leur nom est paru dans le journal, plusieurs sont venus payer » affirme-t-il. D’ailleurs, à en croire cette même Commission, les résultats de l’assainissement sont impressionnant : plus de 600 millions de FCFA, soit 914 694 euros auraient déjà été recouvrés.
Les interpellations se sont également multipliées, tout particulièrement parmi les proches de Mamadou Tandja. En juin, c’est ainsi le fils du président déchu qui a été accusé, puis écroué, de même que l’ancien ministre des Mines, Mohamed Abdoulahi, pour trafic d’influence, de perception de pots-de-vin et de blanchiment de capitaux lors de l’attribution de contrats miniers. Et la liste des scandales est encore longue. Pour Abdoulkarim Mossi, « les gens doivent comprendre que les biens de l’État ne sont pas leurs biens personnels. In ne faut plus confondre le pays avec sa poche. »
Mais si le principe rencontre le soutien de nombreux observateurs, beaucoup remettent en question les moyens utilisés, en premier lieu la méthode. En ouvrant tous ces chantiers, la junte avait-elle sous-estimé le temps qu’il lui faudra pour obtenir des résultats significatifs ? Désormais consciente de son erreur, ne chercherait-elle pas à marquer les esprits par des résultats volontairement chocs ? L’autre question qui se pose est celle de la sincérité de cette lutte. En se limitant aux seuls acteurs de l’ancien régime, l’opération ‘main propre’ de la junte pourrait apparaître comme une manœuvre politique sélective destinée à régler certains comptes. La corruption gangrène toutes les strates de la population au Niger, nécessitant une transformation en profondeur de la société. L’assainissement du pays est un combat de longue haleine qui n’entre pas dans l’agenda politique de l’année 2011.Or, le 3 janvier 2011, les Nigériens seront appelés aux urnes pour le premier tour de l’élection présidentielle.

Sources Jeune Afrique, Ouest Afrique, RFI
http://www.jeuneafrique.com/Article...
http://www.ouestaf.com/Lutte-contre...
http://www.rfi.fr/afrique/20100727-..
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