jeudi 23 juillet 2015

REELECTION DE NKURUNZIZA : Que fera maintenant la communauté internationale ?

Contre vents et marées, le président burundais, Pierre Nkurunziza, a opéré son forcing en briguant un troisième mandat à la tête de l’Etat. Ni l’opposition farouche depuis plus de deux mois, ni la pression de la communauté internationale, ni les défections dans son propre camp, n’auront réussi à faire entendre raison au pasteur-président qui, soit dit en passant, a échappé de peu à un coup d’Etat. Ainsi, avant même la proclamation des résultats, Nkurunziza est sûr de rempiler à l’issue de la présidentielle controversée du 21 juillet dernier. Surtout avec le boycott de l’opposition qui lui a certainement facilité la tâche.

La forfaiture est consommée
Reste à présent les chiffres à mettre sur l’étiquette de la participation, ce qui est une mince affaire que ses officines sont en train, à présent, de se donner un malin plaisir à fabriquer pour apporter un semblant de crédibilité et de légitimité au président élu. La preuve, avant même que l’instance chargée de l’organisation du scrutin et de la compilation des résultats, la CENI, n’ait avancé le moindre chiffre, le porte-parole de la présidence a déjà annoncé sans sourciller un taux stalinien d’environ 80%, malgré le faible taux de participation constaté dans les bureaux de vote. Comme quoi, il n’est pas aisé d’être le porte-parole d’un dictateur sans être daltonien. Dans l’après-midi d’hier, la CENI indiquait un taux de participation situé entre 72 et 80%. Si le ridicule tuait… Ainsi, la forfaiture est consommée, laissant sur le carreau près de quatre-vingts macchabées et cela, à cause de l’obstination du président burundais. Mais face au drame, Nkurunziza n’en a cure. Pour lui, la fin justifie les moyens. Il tient le pouvoir et il n’est pas prêt de le lâcher. Maintenant que la forfaiture est consommée, que va faire la communauté internationale ?
En tout cas, deux pays occidentaux, les Etats-Unis et la Belgique en l’occurrence ont donné le ton, respectivement, en réfutant la légitimité du scrutin qui s’est tenu dans des conditions qui ne permettent pas de lui accorder une quelconque crédibilité, et en promettant de revoir les termes de sa coopération. Mais tout cela reste à voir. Car la question est de savoir si ce ne sont là que des condamnations de principe, du bout des lèvres, ou si ces pays continueront à exercer la pression sur Bujumbura. Est-ce que leur décision peut encore peser quand on sait que toutes les pressions et les mises en garde n’ont pas eu pour effet d’amener Nkurunziza à renoncer à son troisième mandat ? Au passage, l’on déplorera le clair-obscur, voire le silence de certains pays occidentaux comme la France, même si l’on peut comprendre qu’elle observe cette attitude pour ne pas faire de l’ombre à la puissance colonisatrice qu’est la Belgique. Pour ce qui le concerne, la sortie malheureuse du Secrétaire général des Nations unies, à la veille de l’élection présidentielle, pour en appeler à la sécurité dans les bureaux de vote sans dire mot sur la candidature controversée de Nkurunziza, laisse perplexe sur la capacité et la volonté de cette institution de prendre des mesures coercitives contre le satrape de Bujumbura. Quant à l’Union africaine (UA), qui avait pourtant été d’une fermeté et d’une clarté inhabituelles face à la sordide manœuvre de Nkurunziza, elle ne fait pas mieux en se réfugiant, depuis lors, derrière un silence incompréhensible. C’est pourquoi l’on est porté à croire qu’en bon calculateur, Nkurunziza sait que la communauté internationale, qui représente à la fois tout le monde et personne, a trop d’intérêts divergents pour pouvoir parler d’une seule et même voix. Et comme les grandes puissances se livrent à une compétition entre elles à l’échelle des nations pour l’extension de leurs zones d’influence et le contrôle de leurs pré-carrés, là où les uns (les Occidentaux) se retireront, d’autres (les asiatiques et les Russes) viendront occuper le terrain, la nature ayant horreur du vide.
Les ingrédients d’une guerre civile sont maintenant réunis au Burundi
Nkurunziza semble donc avoir une porte de sortie, et il espère sans doute qu’avec le temps, il réussira à faire accepter le fait accompli et à rallier d’autres partenaires à sa cause. Et comme généralement les peuples ont la mémoire courte, s’il y parvient, dans quelques mois, l’affaire sera oubliée. Quant à la Communauté est-africaine, l’EAC (East Africa Community), l’on ne serait pas étonné qu’elle félicite Nkurunziza, quitte à le pousser à la composition d’un gouvernement d’union nationale, comme elle l’avait, du reste, déjà proposé, en vue de clouer le bec à ses détracteurs. L’erreur pour l’opposition serait de s’engouffrer dans une telle brèche. Mais en politique, sait-on jamais ? Elle pourrait mordre à l’hameçon. Surtout qu’il se susurre que certains opposants, et pas des moindres, n’y seraient pas défavorables.
Quoi qu’il en soit, ce troisième mandat de Pierre Nkurunziza s’annonce sous de mauvais auspices et l’on se demande comment il va gouverner, avec tous ces exilés, ces mutins en exil qui promettent de le chasser du pouvoir par la force, et surtout la contestation qui est loin d’être terminée. En outre, Bujumbura vient d’ouvrir un autre front avec son voisin rwandais qu’elle accuse presqu’ouvertement de servir de base arrière à des généraux et autres soldats mutins burundais qui veulent le déstabiliser. Tout cela, c’est certain, ne va pas contribuer à décrisper une situation déjà très tendue entre les deux voisins. En attendant la réaction officielle de Kigali, l’on peut dire que les ingrédients d’une guerre civile sont maintenant réunis au Burundi. Tout cela, à cause de la boulimie du pouvoir d’une seule personne.
« Le Pays »
http://lepays.bf

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