mardi 21 juillet 2015

Le procès d'Hissène Habré s'ouvre sous tension à Dakar

L'ancien dictateur tchadien accusé de crimes contre l'humanité, crimes de guerre et tortures refuse toujours de comparaître.

«Courage monsieur le président, on est avec vous», «c’est le procès de la honte», scandent les militants pro-Habré, alors que l’ex-président tchadien accusé de crimes contre l’humanité, crimes de guerre et actes de torture prend place dans la salle 4 du Palais de justice de Dakar ce lundi. Drapé dans son imposant boubou blanc immaculé, son traditionnel chèche dissimulant une partie de son visage, chapelet à la main, Hissène Habré reste impassible. Galvanisée, la foule se resserre autour de lui, les gardes de sécurité s’interposent. L’homme est évacué. La scène ne dure que quelques minutes. C’est assez pour mesurer la tension qui règne, à quelques minutes de l’ouverture du procès.
Au premier rang, les officiels sénégalais parmi lesquels, Bassirou Gueye, le Procureur de la République, viennent de prendre place. Derrière eux, le collectif d’avocats des parties civiles, coordonné par la Tchadienne Jacqueline Moudeina. A gauche, les bancs de la défense sont restés vides. Cette stratégie est dictée par l’ex-président tchadien qui ne reconnaît pas l’autorité des Chambres africaines extraordinaires. Ses avocats, Mes François Serres et Ibrahima Diawara, ne franchiront pas les portes de la salle d’audience. Ils dénoncent «une violation flagrante des droits de la défense». «Le président Habré a été extrait militairement et brutalement de sa cellule ce matin par les éléments de la gendarmerie et emmené de force pour comparaître», explique Me François Serres, avocat au barreau de Paris, posté dans la cour du Palais de Justice. Autour de lui, les gens se pressent, curieux d’apercevoir celui qui fréquente de près «l’ex-homme fort de N’Djamena».

«Ce sont des traîtres»

Les avocats des parties civiles s’attendaient à ce tour de passe-passe. Aucun ne s’étonne de l’absence de l’ancien président dans le box des accusés. « C’est une stratégie de sabotage et de discrédit, déjà utilisée par les grands bourreaux de la planète. Elle consiste à asphyxier, suffoquer le procès et à déstabiliser les victimes. C’est une démarche extrêmement cynique, qui inverse les rôles en faisant croire que la victime c’est eux », argumente William Bourdon, avocat des parties civiles depuis quinze ans.
A l’intérieur, l’ouverture du procès se poursuit. C’est au tour de Jacqueline Moudeina de prendre la parole, au nom du collectif des avocats des parties civiles. Emue, la Tchadienne salue la tenue de ce procès «exceptionnel et inédit. Celui de l’humanité toute entière et exposé au regard du monde». Quelques sièges derrière elle, l’unique victime rescapée sénégalaise du système Habré. Abdourahmane Gueye est reconnaissant. Son pays va enfin lui rendre justice. Dans les années 80, alors qu’il débarque au Tchad en provenance de Centrafrique pour vendre des bijoux, il est arrêté par la police politique du régime qui l’accuse d’être un espion de Muhammad Kadhafi. Il passera neuf mois en prison au côté de son compagnon de route Demba. «J’attends encore les preuves des accusations qui ont été portées contre moi lors de mon arrestation», conclut le vieille homme.
La première matinée du procès s’est close dans le silence. L’ancien chef d’Etat tchadien n’est réapparu que brièvement dans le box des accusés, alors que le président des Chambres africaines extraordinaires, Gustave Kam, s’apprêtait à lire l’acte d’accusation. Hissène Habré s’obstine. Il refuse de comparaître. Quant à l’éventualité de voir sa défense assurée par des avocats commis d’office, sa réponse est sans équivoque : «Ce sont des traîtres». Dans l'après-midi, le président suspend l'audience. Reprise mardi matin. La saga judiciaire Habré est loin d’être terminée.
liberation.fr 

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