C’est la foule des grands jours au
Westgate. Il fait beau, le parking est plein. La file s’allonge devant
les portiques de sécurité, sous l’œil vigilant des gardiens. À
l’intérieur, sous la baie vitrée, on patiente aux caisses, on attend
d’être placé au restaurant, on commande bagels à l’américaine, petits
jus d’orange et café des hauts plateaux kényans. C’est pourtant bien ici
qu’il y a presque deux ans, le 21 septembre 2013, des assaillants se
réclamant du groupe Chabab ont tué plus de 67 personnes.
Le centre commercial a rouvert ses portes samedi 18 juillet 2015. De terrain de jeu pour la classe moyenne kényane, il est devenu le symbole du terrorisme dans le pays. Le gouverneur de Nairobi, Evans Kidero, accouru vers 10 heures, tout sourire, donne un coup de ciseau dans le ruban rouge. Plus tôt dans la semaine, il avait fait un premier déplacement au Westgate, encourageant sa ville à faire de même : « J’aimerais lancer un appel aux habitants de Nairobi : soyez nombreux samedi ! »
L’appel a été entendu et le ruban, piétiné par la foule, fane déjà au soleil, traînant sur les marches de l’entrée. Certains visiteurs lèvent les yeux, scrutent les recoins, à la recherche d’un signe, d’une trace de l’attaque. Peine perdue : on a bouché les impacts des balles, enlevé les débris, lavé le sol tâché de sang. Là où, il y a deux ans, les militaires kényans progressaient à coup de grenade et de mitrailleuse entre les cadavres et les plafonds effondrés, les panneaux publicitaires des enseignes rouvertes appellent aujourd’hui au retour à la vie : « Expérimentez un mode de vie » ; « La vie commence après un bon café. »
Le centre commercial a rouvert ses portes samedi 18 juillet 2015. De terrain de jeu pour la classe moyenne kényane, il est devenu le symbole du terrorisme dans le pays. Le gouverneur de Nairobi, Evans Kidero, accouru vers 10 heures, tout sourire, donne un coup de ciseau dans le ruban rouge. Plus tôt dans la semaine, il avait fait un premier déplacement au Westgate, encourageant sa ville à faire de même : « J’aimerais lancer un appel aux habitants de Nairobi : soyez nombreux samedi ! »
L’appel a été entendu et le ruban, piétiné par la foule, fane déjà au soleil, traînant sur les marches de l’entrée. Certains visiteurs lèvent les yeux, scrutent les recoins, à la recherche d’un signe, d’une trace de l’attaque. Peine perdue : on a bouché les impacts des balles, enlevé les débris, lavé le sol tâché de sang. Là où, il y a deux ans, les militaires kényans progressaient à coup de grenade et de mitrailleuse entre les cadavres et les plafonds effondrés, les panneaux publicitaires des enseignes rouvertes appellent aujourd’hui au retour à la vie : « Expérimentez un mode de vie » ; « La vie commence après un bon café. »
Mike Prior est américain. Le 21 septembre, il a quitté le Westgate une demi-heure avant le début de l’attaque. « Je voulais rester plus longtemps, c’est ma femme qui a insisté pour qu’on rentre », souffle-t-il. Ce samedi, il prend quelques photos avec son portable, qu’il compte partager sur les réseaux sociaux. « Je suis là pour montrer mon soutien. À New York aussi on a reconstruit le World Trade Center. »
Noirs, indiens, blancs : toute la classe moyenne kényane semble avoir fait le déplacement ce samedi. John Kariuki vient au Westgate pour la première fois. Veste jaune vif, ce Kényan aisé y fait du shopping en famille, avec sa femme et ses deux enfants de 4 et 9 ans. « J’adore, je n’ai pas peur du tout, assure-t-il. Je visite toutes les boutiques une par une, j’ai vu des choses géniales, des chaussures, des jouets pour les enfants. »
La classe moyenne kényane peut danser sans crainte sur son cimetière : la sécurité a été renforcée, et une compagnie privée israélienne, l’International Reserve Group (IRG), a été choisie pour prévenir les risques d’attentat. Dehors, les patrouilles de gardiens kényans en gilet pare-balles et détecteurs d’explosifs sont dirigées par des blancs en complet cravate.
« Ce sera le centre commercial le plus sûr au monde », a assuré l’un des employés de la compagnie à l’agence Reuters.
Noirs, indiens, blancs : toute la classe moyenne kényane semble avoir fait le déplacement ce samedi. John Kariuki vient au Westgate pour la première fois. Veste jaune vif, ce Kényan aisé y fait du shopping en famille, avec sa femme et ses deux enfants de 4 et 9 ans. « J’adore, je n’ai pas peur du tout, assure-t-il. Je visite toutes les boutiques une par une, j’ai vu des choses géniales, des chaussures, des jouets pour les enfants. »
Sécurité assurée par une entreprise israélienne
Business as usual ? Mieux que ça, en fait : 1,7 milliard de shillings kényans (15 millions d’euros) ont été investis pour la reconstruction du mall et un milliard de plus (9 millions d’euros) devrait bientôt suivre. Au dernier étage, certains commerces ont encore rideau baissé : 30 à 40 boutiques supplémentaires devraient ouvrir sous peu.La classe moyenne kényane peut danser sans crainte sur son cimetière : la sécurité a été renforcée, et une compagnie privée israélienne, l’International Reserve Group (IRG), a été choisie pour prévenir les risques d’attentat. Dehors, les patrouilles de gardiens kényans en gilet pare-balles et détecteurs d’explosifs sont dirigées par des blancs en complet cravate.
« Ce sera le centre commercial le plus sûr au monde », a assuré l’un des employés de la compagnie à l’agence Reuters.
Dans un pays où au moins 400 personnes sont mortes sous les balles des Chabab en deux ans, l’inquiétude reste tenace. « Je travaillais déjà ici avant les attentats, explique Trizha, agent d’entretien, sans s’arrêter de passer la serpillière. Beaucoup de collègues ont eu peur, ont refusé de revenir travailler. Moi, mon salaire a été augmenté depuis la fermeture. »
Prime de risque ? Jimmy Dholani, lui, était là il y a deux ans. Il travaillait dans le magasin de familial de vêtements indiens, Lavis International, au dernier étage. « J’ai entendu des coups de feu, j’ai cru à une explosion de gaz. Je suis sorti et j’ai vu un terroriste au rez-de-chaussée qui tirait sur la foule. Je suis retourné au magasin, tout le monde a couru à l’intérieur, il y avait 60 personnes, j’ai fermé la porte, éteint les lumières, on s’est tous cachés. » L’attente a duré neuf heures, « sans eau, sans nourriture, sans toilettes », au milieu des rafales et des explosions, avant que les forces de sécurité kényanes ne viennent libérer la boutique.
Prime de risque ? Jimmy Dholani, lui, était là il y a deux ans. Il travaillait dans le magasin de familial de vêtements indiens, Lavis International, au dernier étage. « J’ai entendu des coups de feu, j’ai cru à une explosion de gaz. Je suis sorti et j’ai vu un terroriste au rez-de-chaussée qui tirait sur la foule. Je suis retourné au magasin, tout le monde a couru à l’intérieur, il y avait 60 personnes, j’ai fermé la porte, éteint les lumières, on s’est tous cachés. » L’attente a duré neuf heures, « sans eau, sans nourriture, sans toilettes », au milieu des rafales et des explosions, avant que les forces de sécurité kényanes ne viennent libérer la boutique.
Reportage
Deux ans après le massacre, les affaires reprennent au Westgate de Nairobi
C’est la foule des grands jours au Westgate. Il fait beau,
le parking est plein. La file s’allonge devant les portiques de
sécurité, sous l’œil vigilant des gardiens. À l’intérieur, sous la baie
vitrée, on patiente aux caisses, on attend d’être placé au restaurant,
on commande bagels à l’américaine, petits jus d’orange et café des hauts
plateaux kényans. C’est pourtant bien ici qu’il y a presque deux ans,
le 21 septembre 2013, des assaillants se réclamant du groupe Chabab ont
tué plus de 67 personnes.
Le centre commercial a rouvert ses portes samedi 18 juillet 2015. De terrain de jeu pour la classe moyenne kényane, il est devenu le symbole du terrorisme dans le pays. Le gouverneur de Nairobi, Evans Kidero, accouru vers 10 heures, tout sourire, donne un coup de ciseau dans le ruban rouge. Plus tôt dans la semaine, il avait fait un premier déplacement au Westgate, encourageant sa ville à faire de même : « J’aimerais lancer un appel aux habitants de Nairobi : soyez nombreux samedi ! »
L’appel a été entendu et le ruban, piétiné par la foule, fane déjà au soleil, traînant sur les marches de l’entrée. Certains visiteurs lèvent les yeux, scrutent les recoins, à la recherche d’un signe, d’une trace de l’attaque. Peine perdue : on a bouché les impacts des balles, enlevé les débris, lavé le sol tâché de sang. Là où, il y a deux ans, les militaires kényans progressaient à coup de grenade et de mitrailleuse entre les cadavres et les plafonds effondrés, les panneaux publicitaires des enseignes rouvertes appellent aujourd’hui au retour à la vie : « Expérimentez un mode de vie » ; « La vie commence après un bon café. »
Noirs, indiens, blancs : toute la classe moyenne kényane semble avoir fait le déplacement ce samedi. John Kariuki vient au Westgate pour la première fois. Veste jaune vif, ce Kényan aisé y fait du shopping en famille, avec sa femme et ses deux enfants de 4 et 9 ans. « J’adore, je n’ai pas peur du tout, assure-t-il. Je visite toutes les boutiques une par une, j’ai vu des choses géniales, des chaussures, des jouets pour les enfants. »
La classe moyenne kényane peut danser sans crainte sur son cimetière : la sécurité a été renforcée, et une compagnie privée israélienne, l’International Reserve Group (IRG), a été choisie pour prévenir les risques d’attentat. Dehors, les patrouilles de gardiens kényans en gilet pare-balles et détecteurs d’explosifs sont dirigées par des blancs en complet cravate.
« Ce sera le centre commercial le plus sûr au monde », a assuré l’un des employés de la compagnie à l’agence Reuters.
Prime de risque ? Jimmy Dholani, lui, était là il y a deux ans. Il travaillait dans le magasin de familial de vêtements indiens, Lavis International, au dernier étage. « J’ai entendu des coups de feu, j’ai cru à une explosion de gaz. Je suis sorti et j’ai vu un terroriste au rez-de-chaussée qui tirait sur la foule. Je suis retourné au magasin, tout le monde a couru à l’intérieur, il y avait 60 personnes, j’ai fermé la porte, éteint les lumières, on s’est tous cachés. » L’attente a duré neuf heures, « sans eau, sans nourriture, sans toilettes », au milieu des rafales et des explosions, avant que les forces de sécurité kényanes ne viennent libérer la boutique.
Les fantômes de l’attaque sont toujours là. « Parfois, je regarde un coin de la boutique, et je me dis : ici je me suis caché, ici j’ai eu très peur », avoue Jimmy Dholani. Mais aujourd’hui, ni lui ni sa famille ne comptent mettre la clé sous la porte. « C’est chez nous, c’est notre maison ! Nous avons ouvert ce magasin il y neuf ans. La réouverture, c’est une victoire de la vie sur le terrorisme et la mort. »
D’autres, comme Andrew Lucheli, ne reviendront pas au Westgate. Le jour de l’attaque, cet employé de la radio kényane Kiss FM était sur le toit du bâtiment où il assistait à une compétition de cuisine. Un assaillant lui a tiré dans la jambe. Blessé, caché sous une table, il pouvait entendre les Chabab tirer sur la trentaine d’enfants présents ce jour-là.
Le centre commercial a rouvert ses portes samedi 18 juillet 2015. De terrain de jeu pour la classe moyenne kényane, il est devenu le symbole du terrorisme dans le pays. Le gouverneur de Nairobi, Evans Kidero, accouru vers 10 heures, tout sourire, donne un coup de ciseau dans le ruban rouge. Plus tôt dans la semaine, il avait fait un premier déplacement au Westgate, encourageant sa ville à faire de même : « J’aimerais lancer un appel aux habitants de Nairobi : soyez nombreux samedi ! »
L’appel a été entendu et le ruban, piétiné par la foule, fane déjà au soleil, traînant sur les marches de l’entrée. Certains visiteurs lèvent les yeux, scrutent les recoins, à la recherche d’un signe, d’une trace de l’attaque. Peine perdue : on a bouché les impacts des balles, enlevé les débris, lavé le sol tâché de sang. Là où, il y a deux ans, les militaires kényans progressaient à coup de grenade et de mitrailleuse entre les cadavres et les plafonds effondrés, les panneaux publicitaires des enseignes rouvertes appellent aujourd’hui au retour à la vie : « Expérimentez un mode de vie » ; « La vie commence après un bon café. »
Lire aussi : A Nairobi, « on vit de nouveau dans la peur »
Mike Prior est américain. Le 21 septembre, il a quitté le Westgate une demi-heure avant le début de l’attaque. « Je voulais rester plus longtemps, c’est ma femme qui a insisté pour qu’on rentre », souffle-t-il. Ce samedi, il prend quelques photos avec son portable, qu’il compte partager sur les réseaux sociaux. « Je suis là pour montrer mon soutien. À New York aussi on a reconstruit le World Trade Center. »Noirs, indiens, blancs : toute la classe moyenne kényane semble avoir fait le déplacement ce samedi. John Kariuki vient au Westgate pour la première fois. Veste jaune vif, ce Kényan aisé y fait du shopping en famille, avec sa femme et ses deux enfants de 4 et 9 ans. « J’adore, je n’ai pas peur du tout, assure-t-il. Je visite toutes les boutiques une par une, j’ai vu des choses géniales, des chaussures, des jouets pour les enfants. »
Sécurité assurée par une entreprise israélienne
Business as usual ? Mieux que ça, en fait : 1,7 milliard de shillings kényans (15 millions d’euros) ont été investis pour la reconstruction du mall et un milliard de plus (9 millions d’euros) devrait bientôt suivre. Au dernier étage, certains commerces ont encore rideau baissé : 30 à 40 boutiques supplémentaires devraient ouvrir sous peu.La classe moyenne kényane peut danser sans crainte sur son cimetière : la sécurité a été renforcée, et une compagnie privée israélienne, l’International Reserve Group (IRG), a été choisie pour prévenir les risques d’attentat. Dehors, les patrouilles de gardiens kényans en gilet pare-balles et détecteurs d’explosifs sont dirigées par des blancs en complet cravate.
« Ce sera le centre commercial le plus sûr au monde », a assuré l’un des employés de la compagnie à l’agence Reuters.
Lire aussi : Somalie : les Chabab affaiblis, mais plus dangereux
Dans un pays où au moins 400 personnes sont mortes sous les balles des Chabab en deux ans, l’inquiétude reste tenace. « Je travaillais déjà ici avant les attentats, explique Trizha, agent d’entretien, sans s’arrêter de passer la serpillière. Beaucoup de collègues ont eu peur, ont refusé de revenir travailler. Moi, mon salaire a été augmenté depuis la fermeture. »Prime de risque ? Jimmy Dholani, lui, était là il y a deux ans. Il travaillait dans le magasin de familial de vêtements indiens, Lavis International, au dernier étage. « J’ai entendu des coups de feu, j’ai cru à une explosion de gaz. Je suis sorti et j’ai vu un terroriste au rez-de-chaussée qui tirait sur la foule. Je suis retourné au magasin, tout le monde a couru à l’intérieur, il y avait 60 personnes, j’ai fermé la porte, éteint les lumières, on s’est tous cachés. » L’attente a duré neuf heures, « sans eau, sans nourriture, sans toilettes », au milieu des rafales et des explosions, avant que les forces de sécurité kényanes ne viennent libérer la boutique.
Les fantômes de l’attaque sont toujours là. « Parfois, je regarde un coin de la boutique, et je me dis : ici je me suis caché, ici j’ai eu très peur », avoue Jimmy Dholani. Mais aujourd’hui, ni lui ni sa famille ne comptent mettre la clé sous la porte. « C’est chez nous, c’est notre maison ! Nous avons ouvert ce magasin il y neuf ans. La réouverture, c’est une victoire de la vie sur le terrorisme et la mort. »
D’autres, comme Andrew Lucheli, ne reviendront pas au Westgate. Le jour de l’attaque, cet employé de la radio kényane Kiss FM était sur le toit du bâtiment où il assistait à une compétition de cuisine. Un assaillant lui a tiré dans la jambe. Blessé, caché sous une table, il pouvait entendre les Chabab tirer sur la trentaine d’enfants présents ce jour-là.
Andrew Lucheli marche à nouveau. « Mais non, je ne retournerai jamais au Westgate, soupire-t-il.
Ce que j’ai vu là-bas, ce ne sont pas des choses qui me donnent envie
de revenir. J’aurais aimé, au contraire, que le lieu serve de mémorial,
qu’on ferme cet endroit, qu’on vide les boutiques et qu’on le laisse tel
quel, en hommage aux gens qui y sont morts. » Le vœu d’Andrew restera lettre morte : aucun mémorial n’a été prévu dans le nouveau Westgate, pas même une plaque.
lemonde.fr
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