(Afrique en ligne 20/06/2011)
Le voyage à Benghazi du chef de l’Etat sénégalais, Me Abdoulaye Wade, ne cesse de faire la Une des journaux sénégalais qui n’en finissent pas de s’interroger sur le changement de son attitude à l’égard du Leader Mouammar Kadhafi et dément les propos du chef de l’Etat qui expliquait sa position par le fait qu’il « ne doit rien » à Mouammar Kadhafi qui, de plus, n’aurait « pas construit une école au Sénégal ». Il faut rappeler que, depuis Benghazi, fief du (Libye) du Conseil national libyen de la transition (CNT) en lutte contre le régime de Mouammar Kadhafi, avec l’appui des forces armées occidentales, le président sénégalais avait, le 9 juin 2011, invité le Guide libyen à se « retirer de la politique et ne pas rêver de revenir ». Me Abdoulaye Wade avait également proposé l’organisation « à Dakar ou dans une autre capitale, mais en Afrique, un forum très large pour préparer l’après-Kadhafi », déclenchant ainsi des réactions tant au sein de la classe politique que les médias sénégalais.
Sous le titre « Wade, le parrain des putchistes », le journal sénégalais, Le Quotidien relève les prises de position officielle du gouvernement de Me Abdoulaye Wade en faveur des animateurs de coups d’Etat et autres rebelles.
Le journal cite, à titre d’exemples le soutien apporté récemment par le chef de l’Etat sénégalais au CNT, et indique que Me Abdoulaye Wade était « le seul chef d’Etat ouest africain à soutenir la rébellion en Côte d’Ivoire ».
Le Quotidien, qui rappelle également que l’actuel président de la République togolaise, Faure Gnassingbé, « n’avait pas hésité à saisir le président sénégalais pour l’informer de sa prise de pouvoir, au lendemain de la mort de son père en 2005 », révèle les termes du conseil prodigué par le chef de l’Etat sénégalais au jeune président togolais : « Vous avez l’armée avec vous, donc vous avez le pouvoir ».
Le journal sénégalais qualifie ensuite de « plus pathétique le soutien du Sénégal en faveur de la junte militaire en Guinée, après la mort du président Lansana Conté », en défendant le chef de la junte, Dadis Camara « contre les sanctions de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de l’Union africaine ».
Le même journal publie la réaction d’un parti de l’opposition sénégalaiese, le Mouvement pour le socialisme et l’Unité (MSU) qui estime qu’au-delà de l’aspect choquant des images diffusées à la télévision, montrant « un dirigeant au discours affligeant s’acharnant sur un homme presuqe à terre (quels que puissent être ses torts), c’est le coup que Wade vient de porter à l’Union africaine, qui pose véritablement problèmes ».
« Wade-Kadhafi, l’impossible déni », c’est le titre qu’a choisi un autre quotidien sénégalais, « L’Observateur » qui, dans sa livraison de vendredi dernier, apporte un démenti aux déclarations du président sénégalais selon lesquelles « Kadhafi n’a rien investi au Sénégal ».
« Au Sénégal, la Libye du généreux Guide Mouammar Kadhafi a mis la main à la poche pour des réalisations visibles sur le terrain », affirme le journal, qui cite la Case des Tout-Petits, un rêve du président Wade, financé au départ, par la Libye à hauteur de 49 millions de francs CFA (98.000 dollars US) »
La Faculté de l’Appel islamique, établie à Piré (région de Thiès), figure dans liste dressée par le quotidien, qui rapporte que le fonctionnement de cette Université islamique est entièrement pris encharge par la Libye », à savoir, le salaire des professeurs, les bourses d’études des 200 étudiants sénégalais, mauritaniens, maliens et guinéens, antre autres, ainsi que les frais d’études et de séjour des dix meilleurs étudiants de chaque filière de l’Université, sélectionnés pour continuer le cursus en Libye.
L’Observateur clôture sa liste avec le Complexe islamique et la Mosquée érigés en 1997 dans la communauté rurale de Ngueniène (région de Mbour) qui avaient coûté à la Libye apport financier de 120 milions de francs CFA (environ 240.000 dollars US) et dont les travaux de rénovation, entrepris cette année, coûtent à la Libye 40 millions de francs CFA.
Et le journal sénégalais de conclure, rapportant la réaction d’un ancien ambassadeur du Sénégal à Tripoli : « C’est une honte que d’oser dire que Kadhafi n’a rien investi au Sénégal ».
Même son de cloche venant d’un ancien compagnon politique du président Wade, qui estime que Wade devrait lui (Guide Kadhafi) rendre la monnaie de sa pièce, au lieu de supporter les rebelles de Benghazi »
Le vieux politicien, Idrissa Bodian, membre du Parti Démocratique Sénégalais (PDS - parti au pouvoir), membre du Bureau politique national et chargé des relations avec les femmes de la Casamance (Sud du Sénégal), confie à L’Observateur que « les premiers calots bleus du PDS ont été formé en 1984 en Libye par la garde rapprochée de Kadhafi, pour assurer la sécurité et la protection de Me Wade, lorsqu’il était dans l’opposition ».
Le Quotidien, pour sa part, revient sur les investissements libyens au Sénégal, dans une interview accordée par Ahmed Khalifa Niasse, leader des Forces Alliances Patriotiques (FAP), qui semble bien introduit dans l’entourage de Mouammar Kadhafi aussi bien que du président Wade.
« On n’abandonne pas un ami en détresse », soutient Ahmed Khalifa Niasse à L’Observateur, dans sa livraison de jeudi dernier, qui dénonce la visite de Me Wade à Benghazi et s’ inscrit « en faux contre les déclarations de Wade qui dit que la Libye n’a rien construit au Sénégal ».
Ahmed Khalifa Niasse accuse le fils du président sénégalais, Karim Wade, d’avoir empêché la Libye de construire à Dakar la « Tour Kadhafi », pour laquelle un terrain de la Corniche a été affecté, entre le Bloc des Madeleines et le Parcours sportif de la Porte du Millénaire.
« Les Libyens avaient ouvert un compte pour la Tour. On leur a fait les papiers qu’il fallait concernant le terrain. Ils avaient commencé à faire la clôture et à remblayer, mais ils ont été surpris un jour de voir des bulldozers de Karim Wade venir tout casser », affirme l’homme qui ne cache pas ses relations amicales avec Me Wade et Kadhafi.
Le Populaire, un autre quotidien de la place, se fait l’écho de la réaction du Parti de l’Indépendance et du Travail (PIT – Opposition) qui « inscrit l’acte de Wade dans sa quête d’imposer son fils aux sénégalais », une éventualité qui trouble le sommeil des partis de l’opposition, à quelque sept mois des Présidentielles de 2012.
« Abdoulaye Wade, en se rendant à Benghazi, protégé par des avions de chasse français, pour apporter son soutien à la rébellion libyenne et demander à son vieil ami Kadhafi de renoncer au pouvoir, a réveillé de vieilles blessures péniblement cautérisées », déclare au journal le Secrétariat du Comité central du PIT, qui promet aux Africains de « se venger et de les venger de cette gifle retentissante qu’Abdoulaye Wade vient encore d’administrer à tous les fils du continent ».
En effet, la classe politique sénégalaise n’en finit pas de dénoncer, par médias interposés, les mains de la France derrière cette position du président sénégalais dans la crise libyenne.
« Wade essaie d’être plus Blanc que le Blanc », affirme également Ahmed Khalifa Niasse, leader des Forces Alliances Patriotiques dans son interview avec le journal Le Quotidien, précisant que le président Wade « est allé à Benghazi pour le compte de Sarkozy » (le chef de l’Etat français).
Et Ahmed Khalifa Niasse d’expliquer : « Les Tirailleurs sénégalais étaient des mercenaires, parce qu’il combattaient pour le colonialisme qu’ils subissaient et qu’ils voulaient être les copains du colonisateur. Wade se présente comme un Tirailleur qui tire pour le compte….(d’autres personnes).
Le leader des Forces Alliances Patriotiques s’en prend, par ailleurs, au Français Henry Bernard Levy, pour le rôle qu’il a joué dans la déclaration de guerre contre la Libye, ainsi que dans la manipulation des informations assimilant les Noirs en Libye à des mercenaires à la solde de Mouammar Kadhafi.
« On a assimilé ces gens (les Noirs) à des mercenaires et des centaines de familles noires ont été tuées, égorgées comme des moutons; ça, c’est du racisme, proteste Ahmed Khalifa Niasse, qui menace de faire encercler l’aéroport (Léopold Sédar Senghor de Dakar), si Henry Bernard Levy revenait à Dakar, et lui interdire soit d’embarquer, soit de débarquer, parce que, précise-t-il, « il devient un danger pour l’Afrique, il prône sa philosophie qui est la recolonisation ».
Le politicien sénégalais rappelle, à toute fin utile, que les Noirs « étaient Libyens bien avant les Blancs qui étaient des envahisseurs. Ce sont les Noirs qui ont été à l’origine de la formation de l’Etat libyen, qui partait du Fezzan en Libye jusqu’à Mopti et Gao (actuel Mali) ».
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