lundi 27 juin 2011

Congo - Parti congolais du travail : l’heure du big-bang ?

(Afrik.com 27/06/2011)

Du haut de ses 42 ans, le Parti congolais du travail (PCT), le parti au pouvoir, tient son sixième Congrès du 3 au 7 Juillet, à Brazzaville. Une grand-messe que d’aucuns qualifient déjà de « bafouillis d’où rien de salutaire pour le Congo n’émergera », ou plutôt de « rassemblement des membres d’une secte politique où le gourou sera à jamais vénéré... ». Un parti qui a transformé son ancien slogan – « Tout pour le peuple, rien que pour le peuple » - en « Tout pour nous, rien que pour nous » ; un parti qui, au fil du temps, est devenu le baromètre de l’incurie au Congo.
Selon le calendrier maya, le monde s’éteindra le 21/12/2012, avant d’amorcer un nouveau cycle. Mais il n’y a pas que, sur cette terre, le calendrier maya ! Il y a aussi celui du PCT, un parti plongé dans l’apocalypse politique depuis longtemps, et dont le nouveau cycle pourrait débuter le 3 juillet à Brazzaville. D’ores et déjà, l’on sait que le parti envisagerait de changer de nom, car « PCT » ressemble désormais à un radis : rouge à l’extérieur, blanc à l’intérieur. Alors, il faut être dans l’air du temps, c’est-à-dire épouser la Social-démocratie. Schizophrénie ou erreur de jugement ? Quoi qu’il soit, l’on oublie que le Congo a dépassé le stade de la Social-démocratie. C’est un pays totalement privatisé, où seules la poussière et les mouches demeurent encore sous la coupe de l’Etat. « Orienter le parti vers la Social-démocratie ? Une connerie doublée d’une méconnaissance du Congo », peste un ancien cadre du PCT. Et de se demander : « De quoi a-t-on peur ? Qu’on taxe le parti de marxiste-léniniste ? » Car, à en croire certains caciques du PCT, le marxisme-léninisme a trop fait de tort au Congo. Il est donc temps de tourner définitivement cette page. Certainement une blague ! Jamais le PCT n’a été un parti marxiste-léniniste ; le PCT a toujours été stalinien. L’idéologie est une chose ; sa caricature – fondée sur la répression et l’assassinat politiques – en est une autre.
L’on sait qu’Isidore Mvouba, jusque-là intérimaire à la tête du parti, ne sera plus le premier secrétaire à l’issue du Congrès. Son CDD (contrat à durée déterminée) ne sera pas renouvelé. Et pour cause : « Le PCT ne peut être dirigé par un Sudiste », aurait dit un cacique du parti, dans l’éclat de sa haine. Or Isidore Mvouba est un Sudiste… Autre handicap pour l’intérimaire, il s’est constitué de solides inimitiés, si bien que certaines mauvaises langues le surnomment « le Robespierre congolais ». En effet, à défaut d’emporter l’enthousiasme, il s’est attelé à ostraciser, écarter, brimer… Et, aujourd’hui, il a lui-même la tête coupée. Il ne dispose d’aucun réel pouvoir, si ce n’est son statut de faire-valoir.
Deux de ses camarades (ou plutôt ennemis) du parti, Michel Ngakala et André Salissa, aspirent, eux aussi, à diriger le parti. Mais sont-ils à la hauteur ? Qu’ont-ils apporté de profond au PCT depuis qu’ils occupent leur poste respectif ? Chacun présente-t-il une motion ? Ces deux champions du verbe terne et du complément d’objet indirect se caractérisent par leur refus obstiné du débat d’idées. Leur confier le PCT, c’est éterniser l’apocalypse.
Le PCT, comme le rappelle un ancien ministre, n’a pas échappé à l’encéphalogramme plat qui frappe les partis congolais. Le PCT est un bel archipel « d’îles sonnantes » ; une sublime juxtaposition d’intérêts personnels. Un parti qui s’est lancé dans une course effrénée à l’embourgeoisement, du moins à l’embonpoint – signe d’aisance. A l’image des partis du Front de l’opposition – une cour de récréation décloîtrée –, du MCDDI – un syndicat de fétichistes –, de l’UPADS – une école maternelle de la haine –, de Mwinda – un club de clowns –, du Congrès du peuple – une assemblée (religieuse) de cinq à six membres de France, sans pasteur ni Bible –, le PCT peine à montrer le chemin aux Congolais. Ou à « organiser la discorde » (la démocratie). La bataille a lieu en coulisses plutôt que devant les militants. Et, dans son futur concert de formules incantatoires ou de phraséologies stéréotypées, le coma de la culture, la respiration artificielle de l’économie, le succès grandiose de la corruption, la sécheresse de l’agriculture, etc, n’auront que peu d’importance. Les micros résonneront du nom du Chef de l’Etat et de son « Chemin d’avenir ». Sans demi-tons, les musiciens thuriféraires – lesquels arriveront chacun en 4x4 – entonneront des œuvres tels le barrage d’Imboulou, le premier module de Maya-Maya, la route Pointe-Noire-Brazzaville… Sans oublier, bien sûr, « la municipalisation accélérée » au ralenti. En revanche, aucun ténor du PCT n’égrènera une note sur le chômage des jeunes, l’analphabétisme : des sujets qui fâchent. Pis, les motions feront défaut. A quoi donc sert un Congrès sans la confrontation de motions ? Sans doute faudra-t-il qu’un participant, au moins, évoque le passé…
Souvenirs ! Souvenirs !
Du 29 au 31 décembre 1969, s’était tenu le premier Congrès du PCT. Selon des témoins privilégiés, l’ambiance était fraternelle. Trois jeunes anti-tribaux, Ambroise Nouzalaye, Ange Diawara et Marien Ngouabi créèrent le PCT.
C’est Ange Diawara qui rédigea le rapport du Congrès constitutif du PCT. Marien Ngouabi, alors Chef de l’Etat, était gêné par l’idée que l’on se faisait du 31/07/1968. « Il (Marien Ngouabi) dormait mal ; il n’acceptait pas qu’on dise qu’il était parvenu au pouvoir à la faveur d’un coup d’Etat », analyse un membre important du PCT de l’époque, avant d’ajouter : « Alors, il fallait inventer quelque chose qui puisse donner une once de légitimité à son pouvoir. Et ce sont Ambroise Noumazalaye et Ange Diawara qui eurent l’idée d’un parti politique dans la continuité du MNR, mais en tournant le dos au Socialisme bantou pour épouser le Socialisme scientifique. Un parti très rassembleur, pas régionaliste. » Toute autre explication serait fallacieuse, donc. Oui, ce jour-là, au Palais du peuple, les jeunes de toutes les régions étaient comme communiés dans un même élan : Denis Sassou, Pierre Nzé, Joachim Yhombi, Jean-Pierre Assouan, Alfred Raoul, Combo-Matsiona, Henri Lopès, Camille Bongou, Moudiléno-Massengo, Kimbouala-Nkaya, Prosper Matoumpa-Mpollo, Jean-Baptiste Ikoko, Benoît Moundélé-Ngolo, Justin Lekounzou, Ngoma Foutou, les frères Benjamin et Ndala Graille, Assemekang, Okabando, etc. Marien Ngouabi prononça le discours d’ouverture ; puis Ange Diawara étala son rapport, une intervention que plusieurs participants à ce premier Congrès qualifient encore de « mémorable ». « On ne peut tenir ce Congrès sans se souvenir du rapport d’Ange Diawara », estime un ancien ministre. Ce Congrès fut réussi, même s’il n’y eut qu’une seule femme, en la personne d’Antoinette Paka, ouvrière à la société textile de Kinsoundi. Toutefois, Ange Diawara, Ambroise Noumazalaye et Marien Ngouabi bataillèrent pour l’intégrer dans le Comité central du parti.
Aujourd’hui, la guerre entre les prétendants à la tête du parti fait rage. Mais où sont leurs contributions au Congrès ? Quelle philosophie, quelle ligne politique, comptent-ils donner au PCT nouveau ? « Je n’irai pas à ce Congrès », boude un baron du parti, de passage à Paris. Dans le chaos actuel, le nouveau cycle passe par la fraîcheur, c’est-à-dire par la jeunesse, propose un militant de Mfilou. Et de penser qu’en remettant les clés du parti à la jeunesse ou à une femme, le président de la République - lequel décide de tout -, en sortirait grandi. Ensuite, il pourrait prononcer un discours à la nation, en ces termes : « J’ai détruit le Congo et sa jeunesse, je leur confie ce qu’ils ont créé eux-mêmes, à savoir le PCT. C’est mon cadeau d’adieu, car je démissionne de mon mandat. » Lénine, que l’on s’est empressé d’oublier à tort, ne disait-il pas : « Le jeune n’est pas un sceau à remplir mais un flambeau à tenir » ?
Sans la mise en orbite de la jeunesse – cela suppose des idées nouvelles, des hommes nouveaux –, le concert du 3 juillet, au Palais des Congrès, s’apparentera à un suicide politique collectif, pour anticiper la prédiction du calendrier maya. Ou pour imiter le Temple solaire. Y aura-t-il des rescapés ? Affaire à suivre…
Une tribune libre du billettiste congolais Bedel Baouna. Né à Brazzaville, installé en France depuis plus de 20 ans, il y a fait des études de Droit avant de se reconvertir dans le journalisme. Son slogan : il faut qu’une porte soit fermée ou ouverte.

lundi 27 juin 2011 / par Bedel Baouna, pour l'autre afrik
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