mercredi 22 juin 2011

Bénin - Yayi Boni et la manie des concepts

(Courrier International 22/06/2011)

Réélu le 13 mars 2011, le président Yayi Boni annonce la "refondation" après avoir vanté le "changement". Mais pour quoi faire ?
Quand Yayi Boni accède au pouvoir en 2006, le "changement" est le concept phare servi au peuple béninois. Avec des hauts et des bas, il a fini par s’user avec le temps. Réélu en 2011, le président invente la "refondation", pour, semble-t-il, opérer cette fois-ci des changements profonds dans la gestion des affaires du pays. Tel un magicien qui se perd dans ses infusions multicolores et ses nombreuses bagues devant un public impatient et agacé. "Ça va changer ! Ça doit changer !" Slogan expressif et abondamment utilisé pour battre campagne pour le compte de l’homme qui, à la veille de la présidentielle de 2006, apparaît sur la scène politique nationale en grande pompe.
Le régime qui s’efface à l’époque a tellement déçu le peuple béninois que ce dernier n’hésite pas à croire au "nouveau messie". L’accueil est triomphal et historique : 75 % des suffrages exprimés au second tour de la présidentielle de 2006. Il est élu. Le "changement" prend corps sans tarder à travers des actes. Dans presque tous les secteurs, Boni Yayi tout feu tout flamme engage des réformes profondes, bouleverse les pratiques, sans s’attarder sur les grincements de dents. On voit à l’époque un président assidu, descendant régulièrement sur le terrain. Un beau matin, Yayi ira même surprendre des retardataires de la fonction publique…
Le chef de l’Etat se montrera encore plus dur envers des ministres indélicats. Et il limoge sans sourciller ceux qui sont impliqués dans de sales affaires. Il aborde aussi le partage de la richesse. Et, dans cet élan, les microcrédits pour les plus pauvres. Tant bien que mal, le changement fait son chemin. Mais les revers furent également terribles. D’aucuns l’ont sans doute mal compris et ont fini par noyer le concept avec le concepteur dans une spirale de dysfonctionnements et de désordres à nul autre pareil. Si les acquis du changement ne sont pas négligeables, ses débordements et dévoiements ne manquent pas.
Certains le lâchent, alors qu’ils étaient les plus farouches défenseurs du concept. Allusion à ce jeune Béninois, sorti fraîchement d’une école canadienne, bombardé à la tête de la cellule chargée de faire la promotion du changement à la présidence de la République. C’était la "grande gueule" qu’il fallait sans doute pour parler du concept partout. Il en avait pratiquement fait sa chose.
La "bible du changement". Puis, chemin faisant, ce jeune homme s’effacera sans crier gare. S’en est-il lassé ? Personne n’a rien compris, sauf dame rumeur qui évoque une mésentente subite entre le chef de l’Etat et lui sur un sujet d'ordre privé. Soit. Il n’y avait pas que lui. Tous les gouvernements successifs de Boni Yayi en font leur affaire. Sauf le grand peuple qui n’y comprend plus grand-chose, face à la cherté sans cesse croissante de la vie. "Est-ce cela le changement ?" s’interroge sans cesse la rue.
Boni Yayi, en pleine campagne électorale, annonce la "refondation". Il se donne une belle raison : le changement ne lui aurait pas permis d’atteindre tous ses objectifs. Il faut donc "refonder" complètement l'Etat. Nouveau concept. Joli slogan pour une campagne électorale qui n’est pas gagnée d’avance. Reste que du "changement" à la "refondation", Boni Yayi n’a véritablement pas varié dans ses propositions et solutions pour un Bénin prospère. Le premier Conseil des ministres tenu à la suite de la formation du premier gouvernement disserte sur le nouveau concept. La magie des mots. La magie des concepts. Le changement d’antan avait suscité la même littérature autour de la bonne gouvernance que semble prôner Boni Yayi. Reste à souhaiter que des courtisans zélés, animés d’autres motivations, ne se jettent pas de nouveau sur la "Refondation" pour lui retirer toute sa substance, comme on l’observe déjà sur le terrain.

21.06.2011
Christian Tchanou
La Nouvelle Tribune
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