jeudi 30 juin 2011

Afrique du Sud - En finir enfin avec les discriminations

(Courrier International 30/06/2011)
Vingt ans après la fin de l’apartheid, les inégalités sont loin d’être réglées. Le président Zuma vient de nommer une commission pour y remédier.
Le 30 juin 1991 marque l’abolition de toutes les lois discriminatoires et ségrégationnistes. Vingt ans plus tard, la situation reste compliquée pour les Noirs. Le chef de l’Etat cherche les moyens qui lui permettront d’en venir à bout.
L’Afrique du Sud de 2011 reste un pays profondément divisé. Les causes et les conséquences de ces clivages sont flagrantes dans de nombreux secteurs de la société. Les plus importantes sont les divisions raciales, toujours très marquées. Ainsi, en 2005, le revenu annuel moyen des ménages blancs s’élevait à 7 104 euros, celui des Asiatiques à 2 519 euros, celui des Métis à 1 346 euros et celui des Noirs à 711 euros. De même, en 2010, le chômage touchait 29,8 % des Noirs, 22,3 % des Métis, 8,6 % des Asiatiques et 5,1 % des Blancs.
Les inégalités spatiales et autres discriminations restent elles aussi importantes. La plupart des Noirs en zones rurales – anciens homelands ou anciens secteurs agricoles blancs – ne possédaient aucun bien quand la démocratie a fait son apparition. Par ailleurs, si la nouvelle Constitution a promis l’égalité des sexes et si les femmes sont beaucoup plus présentes au Parlement et dans la fonction publique, les indicateurs de développement national de 2009 indiquent qu’elles continuent à gagner moins que les hommes et qu’elles ne représentent que 18 % des cadres. Ce sont elles également qui sont le plus durement touchées par le sida.
La Commission de planification ne cache pas que, si le pays omet de réagir, ces divisions risquent de saper les principes de sa Constitution. Dans le plan qu’elle doit présenter d’ici à la fin de l’année, les actions concrètes pour assurer la cohésion sociale occuperont une place centrale. Il ne sera pas facile de faire accepter ce projet ni de le mettre en place. Il faudra trouver un juste équilibre entre les mesures visant à éliminer les divisions du passé et celles destinées à perpétuer le désir de partager un avenir commun, autrement dit à renforcer l’inclusion.
Afin d’assurer la stabilité et la prospérité à long terme, il faudra que des groupes soient prêts à faire des sacrifices à court terme. Cela exigera de chaque Sud-Africain un solide sens de la citoyenneté qui soit aussi clair sur les devoirs que sur les droits des citoyens. Peut-on attendre un tel effort de la nation ?
Dans les documents que la Commission de planification a rendus publics le 9 juin, nous posons beaucoup de questions sur la société sud-africaine. Comment renforcer la conviction, déjà profondément enracinée chez de nombreux Sud-Africains, que notre pays appartient vraiment à tous ceux qui y vivent, qu’ils soient noirs ou blancs ? Que les droits et les devoirs des citoyens doivent être égaux, indépendamment du sexe ? Peut-on utiliser les classes sociales plutôt que les races pour favoriser l’égalité ? Faut-il continuer à reconnaître les neuf langues officielles du pays et à utiliser les ressources de l’Etat pour les préserver, alors qu’il est de notoriété publique que l’anglais est le principal vecteur du dialogue social ? Un contrat social peut-il être négocié pour régler les problèmes les plus sérieux de notre société, à savoir l’exclusion économique de millions de jeunes Sud-Africains noirs ?
Nous adressons ces questions à des Sud-Africains de tous les milieux, car nous pensons que l’élaboration d’un grand dessein est une entreprise collective. La Commission ne peut prétendre avoir les réponses à toutes les questions. D’autant qu’il y en a sans aucun doute beaucoup d’autres, tout aussi importantes. Nous découvrirons ces questions et beaucoup de réponses dans le dialogue naissant avec le peuple.
Les travaux menés par la Commission dans sa première année d’exercice ont renforcé la conviction de ses 26 membres selon laquelle, à travers les promesses de la Constitution de 1996, nous pouvons édifier une nation qui offre des espoirs et des chances à tous, conjugue responsabilité individuelle et solidarité sociale et nous aide à atteindre l’objectif national d’union dans la diversité.

29.06.2011 
Bridgette Gasa et Bobby Godsell  
The Sunday Independent
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