(Fenêtre sur l'Europe 22/06/2011)
Une délégation de dirigeants politiques marocains a rendu visite, mardi, au Parlement européen afin d'y présenter le projet de nouvelle Constitution qui sera soumis aux citoyens marocains – y compris ceux qui résident dans les pays européens – le 1er juillet prochain. Conduite par M. Driss Lachgar, le ministre en charge des relations avec le Parlement, la délégation comprenait des représentants de partis de la majorité comme de l'opposition. Lors de leurs entretiens avec Joseph Daul, président du Groupe du Parti populaire européen, et avec les membres de la commission parlementaire des Affaires étrangères, tous les délégués marocains ont défendu le projet constitutionnel.
"Venu voir un partenaire stratégique" ayant accompagné le Maroc sur la voie du développement et de la démocratie, M. Lachgar a expliqué, lors d'une rencontre avec un petit groupe de journalistes à Bruxelles, qu'il n'avait "aucun doute" que ce partenaire comprendrait les efforts qui seront menés "en tant que démocratie naissante". La Constitution, la sixième du Royaume si elle est acceptée le 1er juillet, marquera la naissance d'une "monarchie parlementaire". En clair, la monarchie cèdera le pouvoir exécutif au Premier ministre pour se transformer en une "monarchie d'arbitrage" entre les différents pouvoirs, mais "sous l'égide du pouvoir législatif".
Même son de cloche positif du côté de la société civile : pour M. Driss El Yazami, président du Conseil national des droits de l'homme, le projet de Constitution, fruit de larges débats préalables, constitue une "véritable Charte des droits fondamentaux et des libertés", outre le fait qu'elle consacre aussi le "pluralisme culturel et linguistique" ainsi que "l'égalité et la parité entre les hommes et les femmes". Elle s'inspire aussi, selon lui, du projet avorté de constitution européenne et du traité de Lisbonne en ce que pas moins de quinze de ses articles pavent la voie à une "démocratie participative".
La satisfaction n'est pas moindre du côté de l'opposition islamiste. "On aurait aimé être dans l'opposition avec cette Constitution car elle ouvre un espace pour contrôler le pouvoir", s'est ainsi exclamé le Dr. Lahcen Daoudi, président de Groupe Justice et développement. D'ailleurs, les membres de son parti, consultés à bulletins secrets, ont été 90% à se déclarer en faveur de ce projet de texte pour lequel "le Maroc mérite un 17 ou 17,5 sur 20", entre autres parce qu'il prévoit que le Premier ministre devra à l'avenir rendre des comptes au Parlement une fois par mois alors qu'il condescendait, jusqu'à présent, à s'y présenter une fois par an.
Comment se fait-il, dès lors, que ce texte ne suscite pas l'adhésion des jeunes du Mouvement du 20 février ? Pour Mohamed Aujjar, membre du Bureau politique du Rassemblement national des indépendants, ce Mouvement avait été "bien accueilli quand il exprimait le désarroi de la jeunesse", mais il ne serait désormais plus représentatif ni vraiment suivi, étant noyauté par des extrémistes islamistes et de gauche. Une analyse partagée par Lahcen Daoudi pour qui les revendications de ce mouvement sont bien moins politiques qu'économiques et sociales, à l'instar des "indignés" d'Espagne et de Grèce. Driss El Yazami observe à ce propos que le Maroc se trouve actuellement "au sommet du pic du bébé-boom arabe", mais qu'il "bénéficie d'un bonus démographique" de quinze années devant lui puisque, avec une moyenne de vie de 72 ans, il ne compte pas encore beaucoup de retraités.
Pour l'ensemble des membres de la délégation, le "oui" devrait donc logiquement l'emporter aisément lors du référendum 1er juillet auquel seront conviés tous les Marocains de la diaspora, même ceux de la deuxième génération. Enfin, les membres de la Délégation ne voient pas d'objection à ce que des observateurs européens puissent être présents lors de la tenue de ce référendum.
[Michel Theys]
Michel Theys est journaliste spécialisé dans les questions européennes. Sa société, EuroMedia Services, est active dans les domaines de la presse écrite et audiovisuelle.
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