jeudi 30 juin 2011

Féminicide en RDC: une marche contre le viol

La date est symbolique. Le 30 juin est en effet la journée de l’indépendance de la République Démocratique du Congo (RDC), acquise en 1960. Ce jour-là, à 10 heures, rendez-vous est donné au Trocadéro par l'Action des Journalistes de l'Espace Schengen (AJES), en partenariat avec l'association Ni Putes Ni Soumises (NPNS), pour débuter une marche qui mènera les participants à Bruxelles, où une plainte pour crimes de guerre sera déposée au Tribunal de grande instance -qui se fait le relais de la Cour Pénale Internationale (CPI)- pour les viols et mutilations perpétrés de manière systématique en RDC depuis 14 ans. Dans le détail, les manifestants, composés de la diaspora congolaise en France, de militantes féministes, de politiques et de leaders d’opinions, se retrouveront sur le parvis des droits de l’Homme (Paris XVIe). Ils passeront par 14 villes*, pour arriver 300 kilomètres plus tard dans la capitale belge, le 14 juillet. L’objectif de cet événement: faire naître une prise de conscience générale, mais surtout des politiques, pour qu’à terme un Tribunal pénal international (TPI) soit créé et mandaté par l’ONU, à l’image de ce qui s’est fait au Rwanda ou en ex-Yougoslavie. «On espère faire marcher 2000 personnes», a indiqué à ParisMatch.com Gabrielle Apfelbaum, directrice de la Communication de NPNS. Marie Inyongo, présidente de l’AJES, table même sur 3000. «Surtout à Bruxelles, le Congo étant une ancienne colonie belge, de grosses délégations nous attendent ; les associations, les politiques sont mobilisés», s’est-elle réjouie. «Ça a été un véritable défi, renchérit Gabrielle Apfelbaum, les délais étant courts. Ça a été difficile de mobiliser les élus.» La marche, baptisée «Ni Violées Ni Persécutées», passera notamment par Valenciennes (Nord), fief de Jean-Louis Borloo qu’elles espèrent rencontrer. «On espère qu’il s’exprimera sur la question», a souligné Gabrielle Apfelbaum.

Pourquoi une marche ? «Pour symboliser ces femmes condamnées à marcher, pour fuir leurs villages d’où elles sont chassées» après ces viols, et ce dans des conditions très difficiles, sous la chaleur et sans vivre, nous a dépeint la militante. «C’est une procession», confirme Marie Inyongo. «Pour représenter ces femmes qui marchent, contraintes de s’ostraciser à cause de ces crimes de guerres. Car le viol est une véritable arme de guerre au Congo, dénonce-t-elle. Depuis une 1996, les miliciens se servent de l’agression sexuelle pour les faire partir de certaines régions –car derrière, il y a l’enjeu de la balkanisation du pays.» La durée de l’événement, et le nombre de kilomètres parcourus, symbolise, eux, «la longueur de cet état de guerre, la pénibilité de la vie des survivantes, l’horreur de leur quotidien, elles qui sont mutilées, répudiées, endeuillées, contraintes au mieux à l’exode… au pire à la torture et la mort», insiste Marie-Anne Soubré M Barki, porte de parole du mouvement NPNS dans le dossier de presse. «Il vaut mieux être morte que d’être victime d’un viol commis l’APR (Armée Patriotique Rwandaise), par les FDLR (Forces Démocratiques de Libération du Rwanda) et leurs alliés, car cet acte constitue la pire des humiliations humaines», avait confié un membre de l’ethnie nianga, majoritaire dans la région du Nord-Kivu, aux agents de l’ONU lors d’une étude effectuée en septembre 2010.
Avec plus de 1000 femmes violées par jour, la République démocratique du Congo (RDC) est considérée comme «la capitale du viol». Dans l’ex-Congo belge, le sexe de la femme y est utilisé comme arme de guerre, dans l’indifférence générale. Pour remédier à ce drame humanitaire, une marche de 14 jours, baptisée «Ni Violées Ni Persécutées» débute ce jeudi à Paris pour arriver à Bruxelles, où une plainte sera déposée.
L'indescriptible horreur
Silem Habchi, présidente de NPNS, s’est rendue en février dernier à Bukavu, a rencontré le Dr Denis Mukwege, gynécologue-obstétricien, qui dirige l’hôpital Panzi. «J’ai alors pu me rendre compte de la réalité insupportable de ces femmes», a-t-elle relaté à AfrikArabia. «On ne peut pas raconter ce qu’on voit.»
Interview de Marie Inyongo et Sihem Habchi par ChristopheRigaud
http://www.dailymotion.com/video/xjclld_interview-de-marie-inyongo-et-sihem-habchi_news

L'ambassadeur de France chargé des droits de l'Homme, François Zimeray, qui soutien ce combat, a également tenté d’expliquer, avec beaucoup d’émotion, à quel point «personne ne soupçonne l’ampleur du drame qui se déroule chaque jour dans les Grands Lacs». «On a beau vivre dans une société de l’information, il y a des angles morts», a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse annonçant la Marche Ni Violées Ni Persécutées. «Il y a des thèmes dont on ne parle pas. Il y a des zones dont on ne parle pas», a-t-il regretté. «C’est un pays où des enfants portent le prénom de Non-désiré, parce qu’ils sont issus d’un viol. C’est un pays où des enfants portent le prénom de FDLR. (…) Voilà la réalité humaine de cette souffrance insondable, s’est-il exclamé. (…) On a beau être habitué à voir plein de choses à travers le monde, il y a certains phénomènes, dans une vie, où il y a un avant et un après.»
Interview de François Zimeray ambassadeur des... par ChristopheRigaud

http://www.dailymotion.com/video/xjcpjz_interview-de-francois-zimeray-ambassadeur-des-droits-de-l-homme-sur-les-viols-en-rdc_news
D’après une récente étude publiée dans le journal américain de santé publique («American Journal of Public Health»), plus de 400 000 femmes et jeunes filles de 15 à 49 ans ont été violées dans le pays, sur une période d'un an entre 2006 et 2007, soit 1152 femmes par jour, 48 par heure. Au total, près de 5 millions de personnes sont mortes dans la région des Grands Lacs au cours de ces quinze années de conflit -le point de départ est en effet situé à l’envahissement par les Hutus rwandais de ce qui était alors le Zaïre, ce qui a déplacé le conflit du pays voisin au Congo, et multiplié ces pratiques, notamment dans la région Nord-Kivu... «Bien sûr, il y a des hommes parmi les victimes, souligne Marie Inyongo. S’ils ne sont pas violés ils sont parfois torturés, assassinés, mais on ne peut pas combattre tous les problèmes en même temps, a-t-elle fait valoir. Pour l’instant on se bat pour les femmes, car en détruisant une femme, c’est des familles que l’on brise, une société que l’on déstructure: c’est toute une Nation que l’on tue», explique-t-elle.
Témoignage
«Des hommes armés sont arrivés chez moi, ils ont trouvé des jumelles en plastiques qui appartenaient à mon fils de 4 ans. Ils ont dit que c’était une preuve d’espionnage. Alors ils ont fracassé la tête de mon fils sur le mur et ils ont tabassé mon mari à cinq. Trois d’entre eux m’ont violé pendant qu’il agonisait. Après, ils m’ont enfoncé leur kalachnikov les uns après les autres. J’ai perdu connaissance. Après deux jours de soins, le docteur m’a appris que l’un d’entre eux m’avait tiré à l’intérieur.»
Pour lire d’autres témoignages, rendez-vous sur Jemarche.over-blog.com
Appel à la communauté internationale

A l’arrivée à Bruxelles, une plainte sera donc déposée, mais aussi un mémo au Parlement européen pour l’interpeller sur la question, ainsi qu’au Premier ministre belge, a précisé la présidente d’AJES. Car selon elle, la Belgique a sa part de responsabilité dans ce drame humanitaire, dans la mesure où elle «soutient la RDC –elle a encore récemment annulé sa dette de 773 millions de dollars-», rappelle la militante. Selon elle, Bruxelles «étouffe certaines choses», comme «d’autres pays, car nombreux sont ceux qui ont des intérêts dans la région, à l’instar de l’Ouganda, du Rwanda, du Burundi, mais aussi de la France, des Etats-Unis ou encore de la Chine. En fait, le Congo souffre de ses richesses minières», a-t-elle déploré. «Il est temps que la communauté internationale prenne ses responsabilités», en a conclu Gabrielle Apfelbaum.
NB : Marie Inyongo a insisté sur le fait que les gens qui souhaitaient participer à la marche étaient libres d’aller et venir, de participer le temps qu’ils le souhaitaient. «C’est important de le souligner. Personne n’est tenu de faire les 300 kilomètres. La moindre petite apparition, en signe de solidarité avec la cause, serait importante pour nous.»

* Goussainville, Senlis, Compiegne, Noyon, Tergnier, St. Quentin, Bohain en Vermandois, Solesmes, Valenciennes, Boussu, Mons, Soignies, Hal, Bruxelles
 
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