A huit mois de la prochaine présidentielle, prévue en février 2012, Abdoulaye Wade a raté un dernier coup de poker avec une énième modification de la Constitution qui a conduit à de violentes émeutes à Dakar. Le président sénégalais croyait avoir l’aval de l’Elysée et de la Maison-Blanche.
Une déplorable fin de règne. C’est l’analyse la plus partagée par les commentateurs au Sénégal après les émeutes sans précédent qui ont contraint le président Wade à retirer, jeudi 23 juin, dans la précipitation et dans une confusion totale, son projet de loi portant sur un «ticket» à la prochaine présidentielle.
Avec des députés assiégés au sein de l’Assemblée nationale par une foule surexcitée les menaçant de mort si jamais le projet était voté, des domiciles de dignitaires et des édifices incendiés et mis à sac, le régime de Wade a frôlé l’effondrement. Jamais depuis son accession au pouvoir en 2000 le fauteuil du «Vieux», pourtant abonné à des scandales retentissants mais très habile à toujours se sortir des situations les plus carabinées, n’a paru autant menacé.
Le roi est nu
Aujourd’hui, le roi est nu. Le coup de poker du ticket visant à se faire élire avec seulement 25% des suffrages exprimés à la prochaine présidentielle et de se choisir un successeur, a lamentablement échoué. C’est que le temps semble compté pour un président âgé de 85 ans, rattrapé par une vague de contestations tous azimuts de son régime et obsédé par l’idée de se faire succéder par son fils Karim Wade.
A l’évidence, Wade, qui a voulu opérer un forcing sur le dos du peuple sénégalais, a commis de grossières erreurs d’appréciation qui l’ont conduit à une capitulation humiliante avec le retrait forcé de son projet de loi, assimilé par l’opposition à un «coup d’Etat institutionnel». Et son dernier coup d’éclat, un voyage controversé à Benghazi, n’est pas étranger à son aveuglement.
En se rendant dans la capitale des insurgés libyens escorté par des patrouilleurs français, Wade a compris qu’en contrepartie de ce «job» risqué, Sarkozy lui avait donné tacitement le feu vert pour l’adoubement de son fils Karim Wade. Chaperonné par Robert Bourgi, une figure de la nébuleuse Françafrique, ce dernier se targue de puissants soutiens à l’Elysée, à commencer par le ministre de l’Intérieur Claude Guéant.
Quelques jours avant son raid sur Benghazi, toujours grâce à l’entremise de Sarkozy, Wade avait pu obtenir une fugace poignée de main entre son fils et Barack Obama au sommet de Deauville. Les services de presse de Karim Wade n’avaient pas hésité à exploiter cette rencontre fortuite à des fins politiciennes en inondant les journaux et les sites sénégalais de la fameuse photo.
Wade désavoué
Ces deux événements ont sans doute été surinterprétés par Wade, qui les a considérés comme un feu vert tacite des deux poids lourds de la communauté internationale à un projet ourdi dans le plus grand secret. Erreur fatale! Dès que les manifestations ont commencé à se transformer en insurrection, la France a pris ses distances avec un communiqué du porte-parole du Quai d’Orsay Bernard Valero qui a indiqué que la France était «surprise qu'une réforme aussi importante, présentée à moins d'un an d'une échéance électorale majeure, n'ait pas été précédée d'une large concertation avec l'ensemble des acteurs politiques».
Et bien avant le vote même du projet de loi, l’ambassadeur des Etats-Unis à Dakar désavouait diplomatiquement Wade en indiquant que son pays se rangeait «aux côtés du peuple». La messe était ainsi dite pour un président perdu par sa propre ruse. Sonné, KO debout, «Gorgui» (le Vieux) a-t-il compris la leçon délivrée par ses compatriotes? Rien n’est moins sûr avec un homme habitué à aller jusqu’au bout de son aveuglement.
Barka Ba
© SlateAfrique
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