dimanche 18 juillet 2010

Afrique du Sud - Les Sud-Africains retroussent leurs manches pour Mandela

(La Croix 16/07/2010)
Le héros de la lutte contre l’apartheid soufflera 92 bougies, dimanche 18 juillet. Avec la création de la « Journée Mandela », son anniversaire est désormais l’occasion de célébrer les valeurs pour lesquelles il s’est battu
Ce dimanche 18 juillet, Suzi, de Johannesburg, va passer 67 minutes à donner des cours de maths à des enfants d’une école d’un quartier défavorisé. Le même jour, Tshego Mokoena, de Boksburg, va distribuer des repas et des couvertures dans un bidonville et Innocent Mathonkha, lire un livre sur Nelson Mandela à des enfants handicapés. Des initiatives qui font partie de la « Journée Mandela ».
Depuis deux ans, les Sud-Africains sont invités à célébrer l’anniversaire de Mandela en donnant un peu de leur temps pour les autres. La Fondation Nelson Mandela, à l’origine du concept, explique sur son site Internet : « Vous êtes invités à passer 67 minutes à faire une bonne action en mémoire des 67 ans que Mandela a passé à servir son peuple et son pays. »
« Nous, on va construire des étagères ! » s’enthousiasme Anthony Paterson, qui s’active à prendre des mesures dans les modestes bureaux de l’ONG Whole World Women (Femmes du monde entier). Anthony Paterson fait partie d’un groupe de salariés de la compagnie d’assurance Old Mutual qui a décidé de soutenir cette petite ONG spécialisée dans la prévention du sida auprès des femmes réfugiées et migrantes des environs du Cap.
Dimanche, ils seront trois à rénover les bureaux de Whole World Women, et permettre à l’association de travailler dans de meilleures conditions. « Et ce n’est pas grave si ça nous prend plus longtemps que 67 minutes. On peut bien suer un peu pour Mandela ! » sourit Anthony.
Une journée pour que les valeurs survivent à l’homme
En 2008, lors d’un discours prononcé à Londres à l’occasion de son 90e anniversaire, un frêle Mandela déclarait : « Il est temps que de nouveaux bras viennent porter nos fardeaux. » Son appel a été entendu : depuis l’année dernière, la Journée Mandela a été reconnue par les Nation unies, et désormais les initiatives bourgeonnent dans le monde entier. Après New York l’an dernier, c’est Madrid qui honore cette année le héros de la lutte anti-apartheid, avec un concert géant et une pléthore de manifestations caritatives.
La voix de Mary Tal, directrice de Whole World Women, s’étrangle d’émotion lorsqu’elle parle de « Madiba » (le nom tribal de Mandela) : « Je me sens très privilégiée de pouvoir faire partie de cette génération qui l’a connu de son vivant. Mais pourquoi ne peut-il pas être immortel ? » Un souhait partagé par la plupart des Sud-Africains, quelle que soit leur couleur de peau, qui considèrent Mandela comme leur « grand-père collectif ».
C’est justement pour que les valeurs survivent à l’homme qui les a portées que la Journée Mandela a été créée. « Son nom représente plus que sa personne : des idéaux de liberté et d’égalité. Qu’il soit là ou non, je pense que tout cela va continuer », estime Anthony Paterson. Il voit son action de volontaire s’étendre sur le long terme : « Pour nous, c’était très important d’“adopter” une ONG locale. Nous voulons pouvoir revenir quand ils auront à nouveau besoin de nous. »
Les problèmes refont surface
Ce ne sont pas les bonnes causes qui manquent en Afrique du Sud. Au point que l’ANC (Congrès national africain) a appelé cette année à « faire de chaque jour, un jour Mandela ». Cette semaine dans un communiqué, le parti du président Jacob Zuma, deuxième successeur de Nelson Mandela à la tête de l’État, a demandé aux Sud-Africains de « cultiver les vertus de compassion, de générosité, d’amour, de paix, d’unité (…) incarnées par Mandela ». Avant d’ajouter : « Les nobles actions que nous faisons durant la Journée Mandela doivent être pratiquées dans nos vies quotidiennes. »
Des paroles de partage et de solidarité qui intervenaient sur fond de réveil brutal après l’euphorie de la Coupe du monde de football. La liesse dissipée, les problèmes sociaux de l’Afrique du Sud se font d’autant plus criants. Le jour même de la finale, des attaques ont eu lieu contre des immigrés africains vivant en Afrique du Sud, boucs émissaires dans un pays comptant toujours parmi les plus inégalitaires au monde.
Jean-Claude Lubwa, congolais et membre de Whole World Women, admet que l’initiative de la Journée Mandela lui a redonné un peu d’espoir, lui qui travaille au quotidien avec des populations hautement vulnérables. Les yeux dans le vague, le jeune homme imagine déjà son nouveau bureau : « C’est comme si Mandela venait nous visiter le jour de son anniversaire et nous apportait un cadeau », sourit-il.
Nelson Mandela, lui, devrait fêter son anniversaire dans sa maison de Johannesburg, d’après sa fondation. Il n’a rien prévu de particulier, si ce n’est recevoir la visite de sa famille et d’un contingent de 95 enfants de Qunu, son village natal.

Clémence PETIT-PERROT, au Cap
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