(Le Pays 02/11/2012)
La sentence vient de tomber. Victoire Ingabiré, du nom de cette opposante politique rwandaise, hardie et teigneuse, vient d’écoper de huit ans de prison ferme. La pauvre dame, fût-elle mère de trois enfants, n’aura pas pu s’attirer la compassion de Paul Kagamé. Mais Ingabiré doit s’estimer heureuse car le parquet de Kigali avait précédemment requis la prison à perpétuité contre elle.
Comme le dit un proverbe de chez nous, « le mal qui t’aurait coûté toute la tête, s’il ne t’enlève que la mâchoire, il faut rendre grâce au bon Dieu ». Du reste, d’autres opposants avant Ingabiré ont laissé leurs plumes dans un Rwanda dirigé d’une main d’acier par le général Kagamé. A la vérité, l’opposante paye pour sa percée fulgurante sur l’échiquier politique rwandais. L’on se souvient, en effet, qu’entre 2003 et 2006, Ingabiré était à la tête de l’Union des forces démocratiques rwandaises (UFDR), une plateforme regroupant des formations politiques d’opposition. Ce qui faisait d’elle la principale et redoutable opposante au régime de Kagamé. Toute chose qui déplaît au régime Kagamé, caractérisé par la pensée unique.
L’on comprend aisément que les chefs d’inculpation retenus contre l’opposante du genre « conspiration contre les autorités par le terrorisme et la guerre » et « négation du génocide de 1994 » n’auront été que pur montage, selon le génie propre à Kagamé. En tous les cas, si ce procès a un caractère pédagogique, c’est celui de la dissuasion. Car, l’on se demande s’il y aura un jour une opposition digne de ce nom qui jouera son rôle de contre-pouvoir dans un Rwanda où l’ombre terrifiante de Kagamé plane partout. Au fait, l’homme a su verrouiller le jeu politique de son pays.
Ceux qui croyaient d’ailleurs que l’élection de son pays comme membre non permanent du Conseil de sécurité de l’ONU devait assagir Kagamé ont de quoi se détromper. Le boulevard de la dictature lui est grandement ouvert car l’homme ne craint ni son peuple qu’il maintient sous une chape de plomb, ni la communauté internationale qu’il a toujours narguée. Certes, Kagamé séduit par son ardeur au travail, son attachement à la bonne gouvernance économique et surtout son refus de s’assujettir aux puissances occidentales.
Mais ces actions, quelque salutaires qu’elles puissent paraître, ne doivent pas cacher la face hideuse d’une gouvernance politique infernale pour l’opposition. Or, de toute évidence, l’édifice que prétend bâtir Kagamé, aussi gigantesque soit-elle, n’aurait de longue vie que s’il se fondait sur des valeurs démocratiques. Le printemps arabe qui n’en finit pas de faire ses vagues enseigne que le tout n’est pas de donner du pain à un peuple, mais il lui faut aussi la liberté.
Boulkindi COULDIATI
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