(Challenges 24/11/2012)
SAKE/GOMA, Congo démocratique (Reuters) - Les rebelles du
M23 actifs dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC) ont progressé
vendredi en direction du sud le long du lac Kivu après avoir repoussé une
contre-offensive des forces gouvernementales près de Goma.
Un journaliste
de Reuters présent à Sake a rapporté que le M23 contrôlait toujours cette ville,
à une vingtaine de km de Goma le long du lac, sur la route conduisant à Bukavu,
objectif déclaré des rebelles.
Les forces gouvernementales ont tenté de
la reprendre jeudi, deux jours après avoir abandonné Goma, la capitale du
Nord-Kivu.
Après avoir repoussé cet assaut, les rebelles ont progressé
vendredi de plusieurs kilomètres au sud de Sake en direction de Minova sans
rencontrer la moindre résistance, a rapporté le journaliste de
Reuters.
Trois corps vêtus d'uniformes de l'armée gisaient aux abords de
Sake. Le sol était jonché de douilles. "Il y a eu d'intenses combats. C'est le
M23 qui contrôle la ville, ils ne l'ont jamais perdue", a dit le pasteur Jean
Kambalé, démentant les autorités congolaises qui affirment avoir repris cette
localité.
Le M23 affirme que l'armée congolaise s'est repliée à Minova
après avoir fui Goma en début de semaine. La prise de Minova ferait sauter un
verrou supplémentaire vers Bukavu, capitale de la province du Sud-Kivu, à une
centaine de km au sud de Goma.
"Nos hommes sont à l'extérieur de la
ville. Nous avons démilitarisé Goma il y a deux jours", a déclaré Vianney
Kazarama, porte-parole du M23. Un journaliste de Reuters a aperçu des centaines
de personnes rassemblées dans le stade de Goma pour s'enrôler dans les rangs de
la police.
Cette progression des rebelles survient alors que le chef
politique du M23, Jean-Marie Runiga, devait rencontrer vendredi le président
ougandais à la veille d'un sommet de la Conférence internationale sur les Grands
Lacs (CIRGL), à Kampala.
Portant leurs enfants et quelques affaires
personnelles, des milliers de Congolais ont pris vendredi le chemin de l'exode
pour s'éloigner des combats, le long de la route menant de Sake à Goma, où sont
déployées des organisations humanitaires internationales.
"Je me prépare
à partir moi aussi", a dit Jean Kambalé.
Après une nuit de combats, les
rebelles se sont aussi emparés de Mushaki, une ville nichée dans les collines à
une vingtaine de kilomètres au nord-ouest de Sake, ont déclaré des responsables
à Goma.
NOUVELLES DISCUSSIONS SAMEDI À KAMPALA
Ils se sont aussi
approchés de Kichanga, fief de Bosco Ntaganda, ancien général congolais né au
Rwanda, qui, selon les experts de l'Onu, dirige la rébellion. Il est recherché
pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité par la Cour pénale
internationale.
A Kinshasa, la capitale de RDC, des centaines de femmes
ont défilé dans les rues vendredi jusqu'au siège de la mission des Nations unies
pour protester contre les viols de femmes par les rebelles.
"Je suis
attristée par tout ce qu'il se passe. Des femmes enceintes sont violées et
maltraitées. Je marche en solidarité avec elles", a expliqué l'une des
manifestantes, elle-même enceinte.
Dans un communiqué publié vendredi, un
porte-parole de la Haut-Commissaire de l'Onu pour les droits de l'homme Navi
Pillay fait état d'informations selon lesquelles les rebelles ont tué au moins
neuf civils, blessé des dizaines d'autres et mené une série d'enlèvements. Les
forces gouvernementales ont également commis de abus, notamment des pillages, a
précisé le porte-parole.
Né en avril d'une mutinerie de militaires
congolais accusant le gouvernement de bafouer les termes d'un précédent accord
de paix, le M23 se fixe pour objectif de "libérer" l'ensemble de la
RDC.
Les autorités congolaises accusent le Rwanda voisin de soutenir la
rébellion dans cette région des Grands Lacs dont le sous-sol regorge de
ressources minérales. Le gouvernement rwandais de Paul Kagamé dément ces
accusations.
Même si les forces congolaises semblent pour l'instant
débordées, les experts militaires doutent fortement de la capacité des rebelles
à avancer jusqu'à Kinshasa, la capitale située par la route à environ 2.500 km à
l'ouest de la zone actuelle de combats, sans appui extérieur.
A Goma, les
combattants du M23 ont montré à des journalistes une cache d'armes abandonnées par l'armée près du port.
"(Le président congolais Joseph) Kabila est
fini, avec ça Kabila va partir. Nous allons emmener (ces armes) sur le front.
S'il ne négocie pas, nous continuerons", a déclaré le colonel Seraphim Mirinid,
un haut gradé rebelle.
Les rebelles ont jusqu'à présent ignoré les appels
de la communauté internationale à se retirer des secteurs passés sous leur
contrôle. Ils expriment leurs doutes quant à la sincérité de l'ouverture au
dialogue affichée par le président congolais Joseph Kabila.
Ce dernier
est revenu à Kinshasa après des discussions infructueuses avec Paul Kagamé à
Kampala. Il retournera samedi dans la capitale ougandaise pour de nouveaux
pourparlers régionaux, a dit son porte-parole, Lambert Mende.
"Ils
parleront de son pays donc le président Kabila doit bien sûr être présent", a
dit ce dernier.
Avec Bienvenu-Marie Bakumanya à Kinshasa; Bertrand
Boucey, Marine Pennetier et Jean-Loup Fiévet pour le service
français
par Jonny Hogg
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