Récit En République démocratique du Congo, les rebelles du M23 ont pris ce mardi le contrôle de Goma, la principale ville du Nord-Kivu, malgré les pressions de la communauté internationale.
Par THOMAS HOFNUNG
Libération
Les rebelles du M23 ont mis leur menace à exécution : ils ont pris ce mardi le contrôle de Goma, la principale ville du Nord-Kivu, malgré les pressions de la communauté internationale. En milieu de journée, après de brefs combats, les hommes de Sultani Makenga ont investi la localité sans rencontrer de résistance. L’armée congolaise avait fui la ville, dans le sillage des autorités politiques locales. Quant aux Casques bleus de la Monusco, ils sont restés terrés dans leurs campements. Selon l’AFP, la ville est restée calme, comme tétanisée.
La débandade des troupes gouvernementales face à l’irrésistible offensive des rebelles, pour l’essentiel des Tutsis congolais dotés de canons de 120 mm et d’appareils de vision nocturne, s’est en revanche accompagnée de mouvements de panique dans les camps de déplacés. «Le camp de Kanyaruchinya, où MSF intervient, est aujourd’hui vide, a indiqué l’ONG dans un communiqué. Près de 60 000 personnes, déjà déplacées depuis plusieurs mois, ont fui à nouveau dans la panique.» Ces déplacés ont tenté de trouver refuge dans d’autres camps de la zone, ou vers le Sud-Kivu.
Des réfugiés fuient la République démocratique du Congo pour le Rwanda. (Photo James Akena. Reuters)
Le coup de force des rebelles du M23 est un véritable tournant dans cette nouvelle crise au Nord-Kivu. En 2008, une précédente rébellion s'était arrêtée aux portes de la ville, sous la pression de la communauté internationale. Cette fois, les rebelles ont sauté le pas, apparemment sûrs d’eux et de leur bon droit. Soutenus par le Rwanda voisin, et dans une moindre mesure par l’Ouganda, selon un rapport d’experts de l’ONU, les rebelles du M23 ont pris les armes au printemps dernier contre les troupes fidèles au pouvoir central de Kinshasa, accusé de ne pas avoir respecté les accords de paix de 2009.
«Il s’agissait d’un jeu de dupes de part et d’autre, observe Thierry Vircoulon, du think tank International crisis group (ICG). Loin d'être intégrés dans l’armée nationale, les ex-rebelles de 2008 avaient pris à leur compte le contrôle militaire de la région.» Quand Kinshasa a décidé de les mettre au pas, ils se sont révoltés et repris les armes. «Aucun des problèmes structurels qui nourrissent la crise n’a été résolu : la réforme de l’armée, l’inclusion politique des ex-rebelles, la réforme foncière, la gestion des ressources minières, etc…», ajoute Thierry Vircoulon pour lequel «le déficit persistant de gouvernance de Kinshasa et l’interférence de Kigali» [capitale du Rwanda, ndlr] produisent en quelque sorte les mêmes effets.
Alors que les responsables politiques du Congo appellent la population à la mobilisation générale, le président Joseph Kabila s’est rendu en urgence à Kampala (Ouganda) pour un sommet régional sur la crise au Nord-Kivu. A New York, la France tente de mobiliser ses partenaires pour faire pression sur les alliés extérieurs du M23. Plusieurs observateurs notent le soutien résolu et indéfectible de la conseillère Afrique du président Barack Obama, Susan Rice, aux autorités de Kigali. «Il faut désormais passer au cran supérieur et que des sanctions soient prises contre les responsables rwandais qui soutiennent le M23, dit une source bien informée. Il faut aussi que la Cour pénale internationale se penche d’urgence sur la crise au Kivu. C’est la seule façon d’enrayer le cycle sans fin de la violence et de l’impunité.» Ironie de l’histoire, le Rwanda vient d'être élu au Conseil de sécurité de l’ONU pour deux ans.
liberation.fr
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