mardi 20 novembre 2012

Copé-Fillon comme Gbagbo-Ouattara

Tout comme la Côte d'Ivoire en décembre 2010, le parti de la droite française, l'Union pour un Mouvement Populaire (UMP), s'est retrouvé avec deux présidents. Un parallèle qui intrigue en Afrique.

Depuis le dimanche 18 novembre au soir, l’UMP (Union pour un Mouvement Populaire) avait deux présidents, Jean-François-Copé et François Fillon qui revendiquaient la victoire dans les élections internes dans leur parti. La Commission d'organisation et de contrôle des opérations électorales (Cocoe, organe interne indépendant), après avoir recompté les voix, a finalement désigné un vainqueur, Copé l’emporte avec 50,03% des suffrages exprimés et 98 voix d’avance. Mais le vaincu acceptera t-il le verdict?

Pour de nombreux Africains, qui regardent, avec amusement, deux grands chefs blancs se déchirer à l’issue d’un scrutin contesté, ce scénario-catastrophe pour le grand parti de la droite française, en rappelle un autre. Celui de la présidentielle ivoirienne de décembre 2010 où Alassane Ouattara s’était proclamé vainqueur sur la foi d’un décompte validé par la communauté internationale tandis que le président sortant, Laurent Gbagbo se faisait introniser par le conseil constitutionnel qui avait livré un résultat inverse en annulant plusieurs centaines de milliers de voix.
La bataille qui avait suivi le scrutin avait duré plus de trois mois et s’était terminée le 11 avril 2011 avec le bombardement de la résidence présidentielle de Gbagbo et son arrestation.
A l’UMP, se dirige t-on vers une embrouille à l’ivoirienne avec de multiples rebondissements? L’examen minutieux des intérêts et des forces en présence conduit à ne pas exclure une telle hypothèse. Etat des lieux.
1. Deux campagnes électorales exemplaires. En 2010, les Ivoiriens, qui n’avaient pas été conviés à s’exprimer depuis dix ans, s’étaient précipités massivement dans les bureaux de vote. La participation avait dépassé 80%. Dimanche, les militants UMP, qui n’avaient jamais voté pour élire un président, ont fait la queue parfois durant des heures pour déposer leur bulletin dans l’urne.
2. Des soupçons de fraude. En Côte d’Ivoire, Gbagbo avait accusé son adversaire d’avoir massivement bourré les urnes dans la région nord du pays sous le contrôle de l’ex-chef rebelle Guillaume Soro. Dimanche soir, les partisans de Copé ont pointé des bulletins litigieux, non pas dans le nord du pays, mais dans le sud, à Nice précisément, dans le fief du «com-zone» (commandant de zone) Eric Ciotti, un lieutenant de Fillon.
3. Une commission électorale vraiment indépendante ? La CEI qui a donné la victoire à Ouattara était composée majoritairement d’adversaires de Gbagbo. Les partisans de Fillon ne faisaient que «moyennement» confiance, selon l’expression du député filloniste Eric Woertz, à la Cocoe. Le verdict de cette commission au nom mystérieux et exotique, n’a pas dû dissiper leurs doutes.
4. Deux QG. Ouattara s’était retranché au Golf Hotel, au bord de la lagune tandis que Gbagbo, qui avait la mainmise sur l’appareil d’Etat, continuait à régner dans le palais et la résidence présidentielles. Comme l’ex-président ivoirien, Copé dispose de l’appareil (de son parti), d’un siège flambant neuf rue de Vaugirard, dans le 15e arrondissement de Paris. Fillon, qui s’était replié dans des locaux plus modestes rue Saint Dominique dans le 7e arrondissement, pourrait les transformer en bastion de la résistance et en faire un Golf Hotel à la française. Sans la piscine, le soleil et les palmiers.
Que va-t-il se passer?
•Fillon peut demander, comme l’avait fait sans succès Gbagbo, un nouveau recomptage des voix, cette fois sous l’égide de la communauté internationale. Avec des experts en élection Chinois, Russes ou même Africains, comme les présidents Paul Biya (Cameroun) ou Blaise Compaoré (Burkina Faso) par exemple, qui se font réélire sans discontinuer depuis plus d’un quart de siècle.
•Copé peut instaurer, à l’exemple de Gbagbo avec le Golf Hotel, un blocus du siège de Fillon rue Saint Dominique pour contraindre son adversaire à reconnaître sa victoire.
•Ouattara avait obtenu le soutien de l’ONU, via la France de Sarkozy, pour faire plier Gbagbo. Et l’ex-président avait fini par succomber sous les bombes de l’armée française. Bien évidemment, l’ONU ne peut être compétente pour régler un contentieux électoral interne à un parti français. Cependant, s’il se sent vraiment menacé dans son QG de la rue Saint Dominique, Fillon peut demander l’envoi d’une force d’interposition qui pourrait être constituée de soldats africains puisque l’armée française est par nature neutre et apolitique. Vu les liens qu’ils ont toujours entretenus avec l’UMP, certains chefs d’état africains auraient mauvaise grâce à ne pas rendre ce service à l’un de leurs ex-protecteurs.
•Fillon, à l’instar de Guillaume Soro qui après son coup d’état manqué du 19 septembre 2002, s’était replié dans le nord du pays pour l’occuper durablement, ne cache pas son intention de déclencher une partition de l’UMP. En constatant que « la fracture est désormais manifeste ». On pourrait alors s’orienter vers une guerre ouverte entre les deux camps, avec les tribunaux comme arbitres pour partager le patrimoine commun et pour rétablir l’état de droit. Et pour, s’il y a des fraudes avérées, mettre fin à l’impunité.
•Copé, lui, tend la main aux vaincus. Et semble partisan d’une réconciliation entre frères ennemis. S’il veut créer une commission ad hoc, il peut s’adresser à Charles Konan Banny, le président de la réconciliation ivoirienne nommé par Ouattara. Ses activités sont si réduites qu’il a certainement beaucoup de loisirs pour faire profiter les militants UMP de son inestimable expérience.

Philippe Duval
© SlateAfrique

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