jeudi 22 novembre 2012

L'armée congolaise a repris Sake, affirme Kinshasa

par Jonny Hogg et Richard Lough
KINSHASA/SAKE, République démocratique du Congo (Reuters) - L'armée congolaise a repris jeudi après-midi le contrôle de la ville de Sake, dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), lors d'une offensive contre les rebelles du M23, a annoncé à Kinshasa le ministre congolais de l'Information, Lambert Mende.
Les rebelles s'étaient rendus maîtres de la ville mercredi, au lendemain de la prise de la capitale régionale, Goma, à la frontière avec le Rwanda.
Le M23, qui accuse le gouvernement de Kinshasa de ne pas appliquer les clauses d'un accord de paix datant de mars 2009, avait dépêché des renforts par camions vers Sake mais cela n'a apparemment pas été suffisant pour bloquer la contre-offensive gouvernementale.
La ville de Sake est située à 25 km à l'ouest de Goma, chef-lieu du Nord-Kivu, sur une route stratégique menant à Bukavu en longeant la rive congolaise du lac Kivu.
Comme à Goma, tombée mardi, les soldats de l'armée congolaise s'étaient retirés de Sake. Mais des échanges de tirs soutenus ont provoqué jeudi la fuite de milliers d'habitants.
Selon l'Ocha, le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, il y a désormais 140.000 personnes déplacées dans la région en raison des combats.
Les rebelles du M23, qui seraient soutenus en sous-main par le Rwanda et dont l'essor constitue une nouvelle menace dans cette région troublée de l'Afrique des Grands lacs, ont rejeté les appels les sommant de se retirer de Goma.
Après le Conseil de sécurité des Nations unies, le président congolais Joseph Kabila et ses homologues rwandais Paul Kagame et ougandais Yoweri Museveni ont à leur tour exigé mercredi à Kampala, la capitale ougandaise, que les rebelles quittent Goma.
LE CHEF POLITIQUE DU M23 EN OUGANDA
Mais le M23, qui affirme vouloir "libérer" toute la RDC, a annoncé jeudi qu'il poursuivrait son offensive jusqu'à ce que le président Kabila accepte de négocier. Jean-Marie Runiga, chef de file de l'aile politique du mouvement, a expliqué qu'il n'avait pas confiance en Kabila.
Le chef de l'Etat congolais, qui s'est rendu en Ouganda pour des discussions avec son homologue rwandais Paul Kagame, accusé de soutenir les insurgés, a promis mercredi d'examiner leurs revendications.
"Je n'ai pas confiance, parce que l'ai déjà attendu trois mois à Kampala pour négocier. Nous allons rester à Goma dans l'attente de négociations. Ils vont nous attaquer, et nous allons nous défendre et continuer à avancer", a déclaré Runiga à Reuters.
Il a ajouté que les rebelles, renforcés par des transfuges de l'armée congolaise, étaient "tout à fait" capables de conserver le contrôle de Goma, une ville tentaculaire d'un million d'habitants. "Avant tout, nous avons une armée disciplinée, et nous avons aussi les soldats des FARDC qui se sont ralliés à nous", a-t-il dit.
Jean-Marie Runiga a ajouté que l'Ouganda et le Rwanda n'avaient aucun droit à poser quelque exigence que ce soit à son mouvement.
On a cependant appris jeudi soir, de source proche de la présidence ougandaise, que Jean-Marie Runiga était arrivé à Kampala pour rencontrer le président Museveni.
A Kinshasa, le ministre de l'Information a par ailleurs annoncé que le chef de l'armée de terre congolaise, le général Gabriel Amisi, avait été suspendu de ses fonctions le temps de l'enquête sur un rapport des Nations unies qui l'accuse d'avoir vendu des armes aux rebelles.
D'autres officiers des FARDC font également l'objet d'une enquête dans cette affaire, a ajouté le ministre.
LE RWANDA ACCUSÉ DE SOUTENIR LE M23
Le M23 tient son nom des accords de paix du 23 mars 2009 prévoyant l'intégration de rebelles dans l'armée. Il a pris les armes en avril, accusant Joseph Kabila de ne pas avoir respecté les termes de ce pacte.
Il tente aussi de s'attirer le soutien des populations locales en exploitant les frustrations nées de la lenteur de l'administration centrale de Kabila, à la tête d'un des pays les moins développés de la planète malgré ses richesses géologiques.
Mais ses liens avec le Rwanda nuisent à sa volonté de se poser en acteur national du jeu congolais.
Le gouvernement Kabila répète que le M23 est une création du Rwanda, qui est intervenu régulièrement au Congo depuis la fin du génocide de 1994 et le renversement du régime hutu, dont des groupes armés ont trouvé refuge dans l'Est congolais.
C'est une "fiction créée par le Rwanda pour dissimuler ses activités criminelles contre la RDC", déclarait en début de semaine le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende. "Nous savons très bien qui nous attaque, nous savons très bien qui menace Goma, ce n'est pas le M23, c'est le Rwanda", ajoutait-il alors.
Malgré les démentis du gouvernement rwandais, les affirmations de Kinshasa sont confirmées par un comité d'experts mandatés par l'Onu, qui a directement mis en cause le ministre rwandais de la Défense, James Kabarebe, soupçonné d'être au sommet de la chaîne de commandement du M23.
Adoptée mardi soir, la résolution 2076 du Conseil de sécurité, si elle dénonce le "soutien extérieur" dont bénéficie la rébellion, ne mentionne cependant pas explicitement le Rwanda.
Les puissances régionales et la communauté internationale s'efforcent d'empêcher une nouvelle conflagration dans une région où les frontières héritées de l'époque coloniale et la cohabitation entre Tutsis et Hutus sur les braises mal éteintes du génocide rwandais de 1994 rendent la situation explosive.
Ses richesses minérales (or, diamant, coltan) attirent en outre les convoitises.
Avec Bienvenu-Marie Bakumanya; Jean-Philippe Lefief, Henri-Pierre André et Guy Kerivel pour le service français

© Le Nouvel Observateur

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