(Le Monde 27/11/2012)
Un départ, finalement, des rebelles du M23 "d'ici à vendredi" de Goma, la capitale régionale du Nord Kivu, prise d'assaut une semaine plus tôt : c'est l'annonce qu'a faite, mardi 27 novembre à Kampala, en Ouganda, le général de brigade Sultani Makenga. L'avion du président ougandais, Yoweri Museveni, était aller le chercher la veille de toute urgence à Goma. On verra si, à son retour, le général Makenga adoptera la même clarté, même s'il a détaillé sans hésiter certains aspects de ce retrait.
"Demain ou après demain (...) au plus tard dans trois jours, on va quitter Goma (...) On nous avait demandé de nous retirer à 20 kilomètres et nous allons le faire, il n'y a pas de problème", a déclaré le général Makenga à l'AFP sur place, en invoquant pour expliquer ces trois jours de battement le temps nécessaire pour concentrer ses troupes déployées dans de nouvelles régions (fruit de l'offensive des deux dernières semaines), et de les faire converger vers leurs positions d'avant le 15 novembre, c'est à dire dans la région du Rutshuru, avec une "ligne de front" commençant à 20 kilomètres au nord de Goma.
Depuis la réunion de samedi, qui a rassemblé à Kampala, des représentants des pays de la région, le président congolais et des responsables de la rébellion du M23, ajoutée à leur décision d'exiger du M23 un retrait "sous 48 heures" de la ville, un jeu d'échec s'était mis en place. Ce n'est donc sans doute pas un hasard si, ce mardi, les rebelles ont procédé à plusieurs annonces simultanées. Alors que le général Makenga annonçait le retrait prochain des rebelles, depuis l'Ouganda voisin, qui est aussi un pays mis en cause par les Nations unies dans une aide à leur groupe, le président du Mouvement du 23 mars, l'évêque Jean-Marie Runiga, annonçait à Goma le résultat de ses propres consultations à Kampala les jours précédents.
En marge du sommet de samedi, Jean-Marie Runiga a pu rencontrer, avec sa délégation, le chef de l'Etat congolais, Joseph Kabila, accompagné, entre autres, du ministre des affaires étrangères, et en présence du président ougandais, Yoweri Museveni. Cela aurait pu être décisif. Mais l'entretien a tourné court. De retour à Goma, il livre donc sa lecture de la position de son mouvement aprés consultation : le M23, selon lui, ne voit aucun inconvénient à se retirer de Goma... si, et seulement si, le pouvoir congolais accepte une liste de conditions. Au premier rang desquelles l'organisation d'un dialogue avec des représentants de l'opposition congolaise, de la diaspora, et de la société civile. D'autres points sont mis en avant pour obtenir un retrait, selon le président du M23 : la "levée sans conditions des privations de liberté imposées à Etienne Tshisekedi" (leader de l'UDPS qui s'était déclaré "président élu" lors de élections de fin 2011 ; une commission d'enquête sur la tentative d'assassinat contre le docteur Denis Mukwege et sur les tueries commises contre le Bundu Dia Kongo (BDK), mais aussi la dissolution de la CENI (commission électorale).
En substance, le M23, côté civil, travaille à mettre sur la table les éléments politiques de négociations, mais reste plus mesuré sur la dimension militaire. A ce stade, c'est d'une part une tactique, une façon de tester la capacité du M23 à surfer sur le mécontentement au Congo, qui est vaste, et tenter d'effacer l'image de rébellion parrainée par le Rwanda (et l'Ouganda), dont on sait combien ils ont été destructeurs à moyen terme pour les mouvements armés précédents de l'est du Congo. Mais cette série de revendications représente aussi les fondamentaux des "politiques" au sein du mouvement, qui travaillent sur ces sujets depuis de nombreuses années, y compris pour certains dans les rangs des rébellions précédentes.
Les deux points de vue différents exposés dans une seule journée peuvent signifier des divergences au sein du parti, mais aussi un nouveau mouvement dans la longue partie d'échecs entamée. Il n'est pas impensable que le M23 se retire bel et bien de Goma, mais cela ne signifiera pas la fin de l'aventure.
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