(Le Figaro 15/10/2012)
Le Mujao, proche d'al-Qaida, dénonce les efforts de Paris en vue d'une intervention armée, qui mettraient en danger la vie des otages français. Et, pour la première fois, s'en prend au président de la République.
François Hollande souhaitait rencontrer l'Afrique à petits pas. Mais un dossier, la crise malienne, s'est imposé et a exigé d'accélérer le rythme. Les derniers événements n'ont fait que le prouver.
Samedi, alors que le président français terminait à Kinshasa sa première tournée africaine, les islamistes qui occupent le nord du Mali ont menacé la vie des six otages français retenus dans la région. «S'il (Hollande) continue de jeter de l'huile sur le feu, nous lui enverrons dans les jours à venir les photos des otages français morts», a déclaré Oumar Ould Hamaha, porte-parole du Mouvement pour unicité et le djihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), l'un des trois groupes terroristes proche d'al-Qaida opérant au Sahel. Plus radical encore, le Mujao a, pour la première fois, visé le président lui-même. «Sa vie est désormais en danger. Il faut qu'il le sache.»
Boucliers humains
Cette sortie n'a rien d'une coïncidence. Durant toute sa visite africaine, François Hollande n'a cessé de battre le rappel pour une plus grande mobilisation autour du problème malien. «Les horreurs actuelles ne peuvent plus se poursuivre», a-t-il insisté à Dakar, alors que l'ONU adoptait le jour même, à l'initiative de la France, une résolution de soutien à une force militaire d'intervention au Mali. Dans ce cadre, les déclarations des islamistes n'ont pas étonné les diplomates. «C'est une réaction prévisible», explique l'un d'eux, en affirmant qu'elle ne changera rien à la politique française. Pour François Hollande, la tentative d'intimidation est même une sorte d'encouragement. «Ce que nous disons sur l'intégrité du Mali devrait-il être tu pour obtenir la libération des otages? Je ne le pense pas. Je pense que c'est le contraire», a-t-il réagi, refusant de s'exprimer sur les menaces contre sa personne.
À demi-mot, les spécialistes tempèrent la portée réelle de l'ultimatum posé par le Mujao, pour deux raisons: «D'une part parce que, pour le moment, les otages leur servent de boucliers humains, et d'autre part parce que le Mujao n'est pas directement décisionnaire.» De fait, ce groupe, maître de la ville de Gao, ne séquestrerait aucun des six otages français. Quatre d'entre eux, enlevés il y a deux ans au Niger, sont aux mains d'Abou Zeid, l'un des émirs d'Aqmi. Les deux autres, capturés en novembre dernier à Hombori, au Mali, seraient détenus par une autre katiba (bataillon) d'Aqmi. François Hollande doit recevoir lundi les familles de ces deux ingénieurs. Composé de fanatiques et de trafiquants, le Mujao n'en est pas moins dangereux. Ces dissidents d'al-Qaida, très implantés localement, sont pris au sérieux quand ils disent pouvoir semer la terreur. «C'est un vrai risque et c'est pour cela qu'il faut aller vite», analyse un proche de ce dossier.
En réponse, le front contre les islamistes se constitue, lentement mais sûrement. L'Algérie, puissance régionale, après avoir longuement tergiversé, semble s'être ralliée, au moins partiellement, à la solution militaire prônée par Paris et l'Afrique de l'Ouest. Dimanche, le ministre algérien des Affaires étrangères, Mourad Medelci, a affirmé que les divergences d'approche entre Paris et Alger sur ce dossier avaient été «exacerbées et exagérées», tout en reconnaissant des «nuances». L'Afrique du Sud semble elle aussi convaincue. Reste à transformer ces bonnes volontés en une force africaine capable de venir à bout de la menace.
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À Kinshasa, la francophonie défend la démocratie
Le Sommet de la francophonie, organisé samedi en République démocratique du Congo (RDC), fut une occasion pour François Hollande de préciser les axes qu'il veut donner à sa politique africaine. Répétant qu'il n'entend pas passer pour un donneur de leçons de morale, le président français a insisté pour lier «la langue partagée» avec des «valeurs fortes». Dans un pays régulièrement accusé d'atteintes aux droits fondamentaux, l'exercice n'était pas aisé. Prudent, François Hollande a rappelé à Kinshasa que «la francophonie doit porter la démocratie, les droits de l'homme, le pluralisme, le respect de la liberté d'expression, l'affirmation que tout être humain doit pouvoir choisir ses dirigeants». Il s'est gardé de citer des pays en exemple.
Le premier ministre canadien, Stephen Harper, a également prononcé un plaidoyer pour la défense des droits. «Tous les gouvernements sans exception doivent garantir une bonne gouvernance, l'État de droit et le respect des libertés individuelles.» Dimanche, le président congolais, Joseph Kabila, a répliqué que son pays n'était «pas du tout complexé» par son «niveau de démocratie».
Par Tanguy Berthemet
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