Tous ses mouvements, toutes ses paroles seront disséqués. Chacun attend du chef de l'Etat qu'il expose sa politique vis-à-vis de ce continent "pas comme les autres" au regard de la part d'histoire commune à la France et à l'Afrique et qu'il donne corps à sa volonté affichée de rupture par rapport à Nicolas Sarkozy.
Le Monde.fr a le plaisir de vous offrir la lecture de cet article habituellement réservé aux abonnés du Monde.fr. Profitez de tous les articles réservés du Monde.fr en vous abonnant à partir de 1€ / mois | Découvrez l'édition abonnésQu'il le veuille ou non, le discours de François Hollande devant le Parlement sénégalais sera immanquablement écouté à l'aune de celui, si polémique, prononcé dans cette même capitale sénégalaise en 2007 par son prédécesseur évoquant "l'homme africain [qui] n'est pas assez entré dans l'histoire". A l'Elysée, on fait mine d'ignorer "l'autre" discours de Dakar. On souligne surtout que cette étape a été choisie en raison des performances démocratiques de ce pays, "assez exemplaires", et plutôt rares sur ce continent.
Des performances qui rejoignent les principes sur lesquels Paris entend dorénavant baser sa relation avec l'Afrique : "Lucidité vis-à-vis d'un passé commun, lucidité par rapport au présent caractérisé par des relations étroites avec les Etats qui respectent la démocratie, les droits de l'homme et améliorent leur gouvernance alors que l'Afrique continue sa percée économique", indique-t-on dans l'entourage du chef de l'Etat.
METTRE FIN AUX RÉSEAUX PARALLÈLES
"Il ne s'agit pas de réparer quoi que ce soit mais de porter notre vision de l'Afrique. On a parlé de la fin de la Françafrique, cela ne signifie pas notre désintérêt mais le développement de relations saines, transparentes, directes, respectueuses et fluides", énumère un proche conseiller de François Hollande. En clair, mettre fin aux réseaux parallèles et autres intermédiaires qui ont souvent brouillé le message de la France en Afrique, et pas seulement durant le précédent quinquennat.
Le président Hollande a déjà pris quelques mesures dont l'avenir dira si elles n'étaient que symboliques. Le ministère de la coopération, surnommé "ministère de l'Afrique" à ses grandes heures, est devenu le ministère du développement. Son titulaire, Pascal Canfin, issu du parti Europe Ecologie-Les Verts, est un spécialiste de la transparence financière. Il a décidé de se passer d'un conseiller Afrique dans son cabinet. "C'est un continent comme les autres, qui requiert plus d'attention seulement parce qu'il concentre la plupart des pays pauvres", a-t-il expliqué.
A l'Elysée, Nicolas Sarkozy avait supprimé la cellule Afrique, où officièrent dans l'ombre des Jacques Foccart ou Michel de Bonnecorse. Nouveau changement, il n'y a plus que deux conseillers diplomatiques, au lieu de trois. L'un d'eux, Thomas Mélonio, est le jeune rédacteur d'un véritable plaidoyer en faveur d'une rénovation profonde des relations entre la France et l'Afrique, "symptomatique du changement de regard sur l'Afrique du nouveau gouvernement", juge Yves Gounin, conseiller d'Etat et spécialiste de l'Afrique, dans une note de l'Institut français des relations internationales (IFRI).
Pas de "nouveau Claude Guéant" non plus, l'ex-grand ordonnateur des réseaux parallèles sous le précédent quinquennat. Les dossiers sont à nouveau traités au Quai d'Orsay. Autre signe de changement, les plus hauts diplomates chargée de l'Afrique à l'Elysée ou au ministère des affaires étrangères ont construit leur carrière en Afrique de l'Est anglophone et non dans le "pré carré" des anciennes colonies. "C'est la fin des combines avec le gouvernement français", jure Laurent Fabius, au ministère des affaires étrangères.
L'AFRIQUE NE SERA JAMAIS UN CONTINENT "NORMAL" POUR PARIS
Mais s'il y a bien changement de style, qu'en est-il sur le fond ? Il est trop tôt pour le dire, mais l'Afrique ne sera jamais un continent "normal" pour Paris. Il n'y a qu'à compter la pléthore de chefs d'Etat africains – dont certains, tel le Gabonais Ali Bongo ou le Congolais Denis Sassou Nguesso, ne répondent que de très loin aux critères démocratiques et de bonne gouvernance exigés par Paris – qui ont franchi le perron de l'Elysée depuis l'élection française. "Ne pas dérouler le tapis rouge ne veut pas dire les ignorer, d'autant que de nombreux expatriés français vivent chez eux", explique un diplomate. "Mais nous leur rappelons les nouvelles règles", ajoute-t-il.
Joseph Kabila vient de l'expérimenter. L'hôte du sommet de la francophonie vient ainsi de se faire tancer par François Hollande aux yeux duquel "la situation dans ce pays est tout à fait inacceptable sur le plan des droits, de la démocratie, et de la reconnaissance de l'opposition", dix mois après les élections désastreuses sur le plan démocratique, qui ont permis à M. Kabila (au pouvoir depuis 2001) de se maintenir à la présidence de la RDC. Pour ces raisons, le président français, comme Nicolas Sarkozy avant lui, a hésité avant d'accepter de se rendre en RDC, premier pays francophone au monde par sa population (70 millions d'habitants) et partenaire économique si prometteur au regard des richesses de son sous-sol.
Finalement, le président s'est rangé derrière les arguments du secrétaire général de la francophonie, l'ancien président sénégalais Abdou Diouf, de certaines organisations de défense des droits de l'homme telles que la FIDH et de Laurent Fabius, tous opposés à la politique de la chaise vide. "Il aurait été quand même paradoxal que la francophonie se réunisse sans la France. Mais là-bas, il dira ce qu'il a à dire, de manière claire", insiste M. Fabius. Sera-t-il entendu ?
Au-delà du message délivré à Joseph Kabila, la présence française répond aussi au 58e des 60 engagements du candidat Hollande : "relancer la francophonie", comme instrument d'influence direct assumé par Paris au sein de cette organisation réunissant une cinquantaine de pays, africains pour beaucoup. "La présence économique et parfois culturelle de la Chine, du Brésil ou de l'Inde en Afrique est une très bonne chose, mais cela implique que nous défendions notre position et nos intérêts", souligne un diplomate de haut rang.
A ce chapitre, le Mali, ancienne colonie française dont le nord est depuis six mois sous la coupe de groupes islamistes armés liés pour certains à Al-Qaida, vient servir de test. Paris est en première ligne sur ce dossier en portant devant le Conseil de sécurité de l'ONU – lorsqu'il ne les inspire pas – les arguments des organisations régionales africaines en faveur d'une intervention militaire internationale. Or la France doit naviguer entre les écueils : être efficace tout en jouant la carte du multilatéralisme, quitte à endosser l'uniforme du gendarme, alors que le président français imaginait des relations apaisées avec ses partenaires africains.
lemonde.fr
Des performances qui rejoignent les principes sur lesquels Paris entend dorénavant baser sa relation avec l'Afrique : "Lucidité vis-à-vis d'un passé commun, lucidité par rapport au présent caractérisé par des relations étroites avec les Etats qui respectent la démocratie, les droits de l'homme et améliorent leur gouvernance alors que l'Afrique continue sa percée économique", indique-t-on dans l'entourage du chef de l'Etat.
METTRE FIN AUX RÉSEAUX PARALLÈLES
"Il ne s'agit pas de réparer quoi que ce soit mais de porter notre vision de l'Afrique. On a parlé de la fin de la Françafrique, cela ne signifie pas notre désintérêt mais le développement de relations saines, transparentes, directes, respectueuses et fluides", énumère un proche conseiller de François Hollande. En clair, mettre fin aux réseaux parallèles et autres intermédiaires qui ont souvent brouillé le message de la France en Afrique, et pas seulement durant le précédent quinquennat.
Le président Hollande a déjà pris quelques mesures dont l'avenir dira si elles n'étaient que symboliques. Le ministère de la coopération, surnommé "ministère de l'Afrique" à ses grandes heures, est devenu le ministère du développement. Son titulaire, Pascal Canfin, issu du parti Europe Ecologie-Les Verts, est un spécialiste de la transparence financière. Il a décidé de se passer d'un conseiller Afrique dans son cabinet. "C'est un continent comme les autres, qui requiert plus d'attention seulement parce qu'il concentre la plupart des pays pauvres", a-t-il expliqué.
A l'Elysée, Nicolas Sarkozy avait supprimé la cellule Afrique, où officièrent dans l'ombre des Jacques Foccart ou Michel de Bonnecorse. Nouveau changement, il n'y a plus que deux conseillers diplomatiques, au lieu de trois. L'un d'eux, Thomas Mélonio, est le jeune rédacteur d'un véritable plaidoyer en faveur d'une rénovation profonde des relations entre la France et l'Afrique, "symptomatique du changement de regard sur l'Afrique du nouveau gouvernement", juge Yves Gounin, conseiller d'Etat et spécialiste de l'Afrique, dans une note de l'Institut français des relations internationales (IFRI).
Pas de "nouveau Claude Guéant" non plus, l'ex-grand ordonnateur des réseaux parallèles sous le précédent quinquennat. Les dossiers sont à nouveau traités au Quai d'Orsay. Autre signe de changement, les plus hauts diplomates chargée de l'Afrique à l'Elysée ou au ministère des affaires étrangères ont construit leur carrière en Afrique de l'Est anglophone et non dans le "pré carré" des anciennes colonies. "C'est la fin des combines avec le gouvernement français", jure Laurent Fabius, au ministère des affaires étrangères.
L'AFRIQUE NE SERA JAMAIS UN CONTINENT "NORMAL" POUR PARIS
Mais s'il y a bien changement de style, qu'en est-il sur le fond ? Il est trop tôt pour le dire, mais l'Afrique ne sera jamais un continent "normal" pour Paris. Il n'y a qu'à compter la pléthore de chefs d'Etat africains – dont certains, tel le Gabonais Ali Bongo ou le Congolais Denis Sassou Nguesso, ne répondent que de très loin aux critères démocratiques et de bonne gouvernance exigés par Paris – qui ont franchi le perron de l'Elysée depuis l'élection française. "Ne pas dérouler le tapis rouge ne veut pas dire les ignorer, d'autant que de nombreux expatriés français vivent chez eux", explique un diplomate. "Mais nous leur rappelons les nouvelles règles", ajoute-t-il.
Joseph Kabila vient de l'expérimenter. L'hôte du sommet de la francophonie vient ainsi de se faire tancer par François Hollande aux yeux duquel "la situation dans ce pays est tout à fait inacceptable sur le plan des droits, de la démocratie, et de la reconnaissance de l'opposition", dix mois après les élections désastreuses sur le plan démocratique, qui ont permis à M. Kabila (au pouvoir depuis 2001) de se maintenir à la présidence de la RDC. Pour ces raisons, le président français, comme Nicolas Sarkozy avant lui, a hésité avant d'accepter de se rendre en RDC, premier pays francophone au monde par sa population (70 millions d'habitants) et partenaire économique si prometteur au regard des richesses de son sous-sol.
Finalement, le président s'est rangé derrière les arguments du secrétaire général de la francophonie, l'ancien président sénégalais Abdou Diouf, de certaines organisations de défense des droits de l'homme telles que la FIDH et de Laurent Fabius, tous opposés à la politique de la chaise vide. "Il aurait été quand même paradoxal que la francophonie se réunisse sans la France. Mais là-bas, il dira ce qu'il a à dire, de manière claire", insiste M. Fabius. Sera-t-il entendu ?
Au-delà du message délivré à Joseph Kabila, la présence française répond aussi au 58e des 60 engagements du candidat Hollande : "relancer la francophonie", comme instrument d'influence direct assumé par Paris au sein de cette organisation réunissant une cinquantaine de pays, africains pour beaucoup. "La présence économique et parfois culturelle de la Chine, du Brésil ou de l'Inde en Afrique est une très bonne chose, mais cela implique que nous défendions notre position et nos intérêts", souligne un diplomate de haut rang.
A ce chapitre, le Mali, ancienne colonie française dont le nord est depuis six mois sous la coupe de groupes islamistes armés liés pour certains à Al-Qaida, vient servir de test. Paris est en première ligne sur ce dossier en portant devant le Conseil de sécurité de l'ONU – lorsqu'il ne les inspire pas – les arguments des organisations régionales africaines en faveur d'une intervention militaire internationale. Or la France doit naviguer entre les écueils : être efficace tout en jouant la carte du multilatéralisme, quitte à endosser l'uniforme du gendarme, alors que le président français imaginait des relations apaisées avec ses partenaires africains.
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