(Afrik.com 21/11/2011)
Les audiences publiques de la CVJR ont pris fin le jeudi 17 Novembre 2011. Avec leurs lots de demi-vérités, de viles attaques et de grossières insultes. De quoi faire rougir de colère les martyrs de la démocratie togolaise dans leurs tombes. Aussi incroyable que cela puisse paraître, la tradition du mensonge a été respectée, la vérité tordue en brèches. Mgr Bênissan Barrigah, le président de la Commission, pour n’avoir que son courage et le rêve d’un miracle divin, a laissé sa robe se faire souiller par les criminels non convertibles. C’est un processus raté, peut-être bâclé, qui aura ravivé au Togo les vieilles plaies au lieu de les panser.
Il ne peut en être autrement. Parce que le problème togolais est ailleurs. Sa solution, dans l’état actuel des choses, ne se trouve pas à la CVJR. C’est un nœud gordien que la raison et l’intégrité, aidées du sens élevé de l’intérêt général, seules peuvent dénouer. L’archevêque d’Atakpamé sait que ceux qui ont commis les crimes ou les ont sponsorisés, les FAT (Forces Armées Togolaises) notamment, sont venus lui mentir au lieu d’être vertueux, pour une fois dans leur vie. Le prélat sait également qu’aussi longtemps qu’un Gnassingbé se fera proclamé roi en terre togolaise, le pays restera un territoire sans avenir où règneront en maîtres le mensonge, l’ignominie, la malhonnêteté et la prédation ; l’amour de la patrie étant hors des cœurs. Ceci dit, il faut, pour la situation du pays, une solution en entonnoir qui part du sommet vers le bas.
A vrai dire, il n’y a pas entre les fils et filles du Togo une brouille particulière insurmontable. Par contre, la plupart d’entre eux, y compris les flagorneurs qui forment le maigre soutien du régime de Lomé nourrissent une rancœur ouverte ou discrète contre la famille Gnassingbé. Pour le dire autrement, le problème des Togolais ce sont les Gnassingbé. Toute initiative de décrispation qui ne prend pas en compte ce point capital débouchera inévitablement sur un échec. L’exemple de la CVJR qui vient de boucler ses travaux nous en dit long. L’institution sensée être une auguste enceinte sacrée, vient de laisser, à la fin de ses audiences, les victimes avec leur soif de vérité inassouvie, et le Togo, avec plus de mailles à l’envers qu’à l’endroit.
Nombreux étaient les Togolais, ceux de la Diaspora en particulier, à prendre leur distance vis-à-vis de cette CVJR pour lui prédire une chute lamentable. Au RPT, comme tout se voit en terme d’argent, il se murmure un éventuel dédommagement des victimes. Le Togo qui projette de se faire construire le siège de son Assemblée Nationale, le sanctuaire de son futur, par des Chinois, a t-il les moyens de payer toutes les victimes politiques de 1958 à 2005 ? Encore une solution biaisée en perspective qui va susciter des tiraillements inutiles.
La réalité est que le pays va à vau-l’eau. Depuis qu’il est sous l’emprise d’un clan familiale, il vit une crise aiguë due à la lassitude créée par l’incrustation de la famille Gnassingbé au pouvoir. Quant à la CVJR, les expériences d’ailleurs nous enseignent que l’idée est noble et agréable. Seulement, pour qu’un pays fasse des avancées sur cette voie après des années de dictature, il lui faut absolument un changement majeur porté par des figures nouvelles dans son paysage politique dans lequel les responsables des crimes sont écartés et leurs institutions éradiquées. C’est là le minimum qui doit être acquis par les victimes des atrocités. A ces dernières, à elles seules, d’explorer - à leur convenance – la voie d’une Commission Vérité-Justice et Réconciliation. Ce n’est malheureusement pas le cas au Togo.
Cette entreprise politicienne, depuis le début, n’a guère fasciné parce que l’initiateur, Faure Gnassingbé, est douteux. Il effraie. Comment un président dont le père géniteur est constamment cité dans tous les crimes, et dont les ministres en poste sont perçus dans la population comme les instigateurs avérés de nombreux assassinats peut-il subitement mériter la confiance du peuple martyr ? L’Histoire ne donne nulle part dans le monde aucun exemple de ce type. "La CVJR fera des recommandations finales à l’attention du peuple Togolais dans le sens de l’apaisement", apprend-on. Qui va mettre en application ces recommandations ? Si c’est le pouvoir actuel que vise Monseigneur Barrigah, on peut dire que le prélat et ses collaborateurs sèment la confusion en voulant faire prendre à leurs compatriotes des bœufs-tigres pour des colombes.
De l’avis de beaucoup d’observateurs, il aurait été plus convenable et avenant pour Faure Gnassingbé, qui, après avoir pris le pouvoir en 2005 sous le faux prétexte d’une menace de guerre civile, d’accepter d’être un président de transition et de rendre le pouvoir au peuple, cinq années après, une fois l’accalmie instaurée et des initiatives d’apaisement mises en œuvre. Mais à quoi assiste t-on aujourd’hui ? Comme si le premier mandat, chaotique (plus de 500 morts selon l’ONU), ne lui a pas suffi, il s’en est octroyé un second en 2010 avec son cortège de bavures. Maintenant, il se prépare – la création de son propre parti annoncé pour l’année prochaine en est un signe – à s’éterniser au pouvoir, comme le fut son tristement célèbre géniteur. C’est Cruel, irraisonnable et injuste. Une injustice qui le place en bonne place dans la catégorie des chefs d’Etat africains véreux que le Pape Bénoit XVI est allé fustiger, aux portes de Lomé, lors de sa visite à Cotonou.
Extrait : “Ne privez pas vos peuples de l’espérance ! Ne les amputez pas de leur avenir en mutilant leur présent ! ... « Chaque peuple veut comprendre les choix politiques et économiques qui sont faits en son nom. En ce moment, il y a trop de scandales et d’injustices, trop de corruption et d’avidité, trop de mépris et de mensonges, trop de violences qui conduisent à la misère et à la mort", Il (le peuple) saisit la manipulation, et sa revanche est parfois violente ».Ces paroles du Pape ont-elles un sens pour Monseigneur Nicodème Bênissan-Barrigah, le président de la CVJR ? "Lorsqu’un pouvoir mutile et ampute son peuple, lorsqu’il lui bouche toutes les voies de l’espérance," comme le fait tant et si bien le régime du RPT, il faut s’attendre à autre chose que la réconciliation nationale.
Kodjo Epou
Washington DC
USA
lundi 21 novembre 2011 / par Kodjo Epou, pour l'autre afrik
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