mardi 15 novembre 2011

REFERENDUM EN GUINEE EQUATORIALE: le lifting démocratique de Obiang NGuema

(Le Pays 15/11/2011)

Le nombre de mandats consécutifs dont peut jouir le chef de l’Etat équato-guinéen vient d’être limité à deux septennats. Le président Theodoro Obiang NGuema Mbasogo a donné à son peuple la parole sur la question, par le truchement d’un référendum. Dans le principe, c’est un acte à saluer. Au regard de la tendance dans beaucoup de pays africains où le sport favori des chefs d’Etat est de tripatouiller les lois fondamentales de leurs pays respectifs pour se maintenir au pouvoir, à vie, notamment en faisant sauter les verrous limitatifs des mandats, on peut saluer l’attitude de Obiang NGuema.
On ne le dira jamais assez : la limitation des mandats en nombre et en durée permet de faire jouer à fond les règles démocratiques en faisant de l’alternance au sommet de l’Etat, une réalité. Toutefois, on a des motifs légitimes d’émettre des réserves face à ce référendum. Quand on considère que l’on a affaire à un homme qui dirige son pays d’une main de fer depuis une trentaine d’années, qui en fait voir de toutes les couleurs à la moindre opposition, en attestent du reste les plaintes des mouvements des droits de l’Homme, on est en droit de faire jouer le principe de prudence quant à l’appréciation de sa nouvelle attitude. Que peut bien cacher ce brusque changement, cet intérêt soudain pour les valeurs démocratiques ?
La démocratie, on le sait, procède d’une profonde conviction et non d’une improvisation. On ne se décrète pas démocrate. Le président équato-guinéen va-t-il aller jusqu’au bout de son nouveau "attachement" à la démocratie en faisant jouer la mesure de façon rétroactive ? Il faut le souhaiter. Il a déjà beaucoup trop duré au pouvoir. Mais comme on le dit souvent, "il n’est jamais trop tard pour bien faire". Il serait judicieux qu’il favorise sans plus attendre, une alternance démocratique en se retirant des affaires. Si au contraire, il fait jouer cette vieille rengaine de la non-rétroactivité de la limitation des mandats, si chère aux dirigeants sous nos tropiques, il a encore, à la fin de son mandat actuel, un laissez-passer pour deux longs septennats sans qu’il y ait, du reste, la moindre garantie, qu’il va en rester là.
La crainte que ce soit juste de simples manœuvres politiciennes du chef de l’Etat équato-guinéen, n’est pas dénuée de tout sens. Il n’ y a qu’à considérer déjà le simple fait qu’il n’avait pas besoin d’un référendum pour prendre cette décision et qu’il pouvait aller au-delà de celle-ci en annonçant son départ à la fin de son mandat actuel ainsi que la renonciation à la succession dynastique qui se profile au profit de son fils. Cela aurait eu le mérite de donner plus de crédibilité à son acte. A défaut et en attendant ce sursaut démocratique réel, on ne peut que voir en ce référendum, une opération de charme, un lifting démocratique pour Obiang NGuema. Il n’est un secret pour personne que son image n’est pas reluisante, surtout après ses déboires à l’UNESCO où le prix qu’il a tenté de financer a été décrié. Tout porte donc à croire que ce président cherche à se rendre présentable, surtout à l’approche de la prochaine coupe d’Afrique des Nations que son pays abrite, conjointement avec le Gabon.
Car, nul n’ignore que les manifestations de grande ampleur de ce genre sont des occasions de propagande, surtout pour des régimes en manque de souffle, de légitimité. On peut également penser que ce référendum est pour le chef de l’Etat équato-guinéen une ruse pour sauver son fauteuil. Ayant certainement tiré leçon du printemps arabe, il a visiblement décidé d’anticiper les critiques et autres contestations contre son pouvoir, conscient que le climat s’est détérioré pour ceux qui ont duré et continuent de s’accrocher au pouvoir. Il sait que par les temps qui courent, mieux vaut afficher son "amour" pour la démocratie. En toute vraisemblance, cette limitation de mandats est pour lui une manière de se mettre à l’abri du courroux de son peuple et de la communauté internationale, au moins en attendant que l’orage passe. De ce fait, ce référendum se présente comme une sorte d’opium que l’homme fort de Malabo s’est mis à l’esprit d’administrer à son peuple et aux démocrates du monde entier, pour sauver son fauteuil.
Il y a de sérieuses raisons de suspecter la soudaine volonté des autorités équato-guinéennes de promouvoir la démocratie après trois longues décennies de dictature soigneusement entretenues. C’est trop beau pour être sincère. Pourvu que Obiang NGuema nous surprenne agréablement !

"Le Pays"
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