(Courrier International 30/11/2011)
Serge Lazarivic et Philipe Verdon ont été enlevés dans le Nord du Mali le 24 novembre. Ils étaient officiellement en mission pour une société sud-africaine. Le Républicain de Bamako souligne le profil de barbouze de ces deux otages.
Philippe Verdon en janvier 2004, aux Comores. Le Français avait à l'époque été interpellé et écroué, accusé d'avoir aidé à fomenter un projet de coup d'État dans l'archipel.
Le 19 novembre, Serge Lazarivic, ingénieur des Mines et Philipe Verdon, géologue, deux experts commis par la société financière sud-africaine Neuville Stansield Capital pour expertiser la carrière de Dimamou [nord du pays] atterrissent à Bamako. Lazarivic vient pour la première fois au Mali. Verdon, lui, est un habitué de Bamako : il suit le projet de cimenterie depuis un moment avec Djibril Camara, le promoteur. L’avis des deux experts est vital pour les banques sud-africaines intéressées par le filon qui n’est pas donné : il coûte 225 millions d'euros. Mais il y a du marbre et du ciment pour deux cents ans à raison d’un million de tonnes par an. Et puis un millier d’emplois directs dans une zone où le chômage est roi.
Abattu par la nouvelle de l’enlèvement qu’il a apprise par Mamadou, le chauffeur des deux Français, Camara se rappelle encore les propos enthousiastes des deux géologues avec lesquels il entre en contact téléphonique: ''nulle part ailleurs, concluent-ils, nous n’avons vu du minerai d’une telle qualité !". Dans la nuit du 23 au 24 novembre, une fois les experts revenus de la carrière en compagnie de leur guide, Ibrahim Ould Dah que "six inconnus enturbannés et en boubou" font irruption vers une heure du matin dans la petite auberge du nom de Dombia, dans le nouveau quartier de Hombori, à Gao [deuxième grande ville du Nord après Tombouctou].
Le passé de Philipe Verdon, et dans une moindre mesure celui de Serge Lazarivic, sont flous. De simples recherches Google indiquent que le premier a pour le moins un parcours troublant. Il était dans le marais malgache, il a côtoyé Bob Denard [emblématique mercenaire] qui aurait même dit de lui qu’il est plus un homme d’affaire qu’un barbouze. La seule référence que nous ayons concernant Serge Lazarivic est qu’il dirige une société de gardiennage en France. Ce qui n’est pas exactement le profil d’un ingénieur des Mines, mais plutôt la couverture et le point de chute d’ancien barbouze. On peut a priori se demander pourquoi une banque sud-africaine les emploierait pour un projet aussi sérieux.
Ce qui est certain, c’est que le représentant de la Banque Mondiale à Bamako, Ousmane Diagana, dément l’information très tôt relayée que les deux experts étaient en mission pour la Banque Mondiale. Et le message des Nations-Unies est catégorique : les experts n’étaient en mission ni pour la Banque mondiale ni pour une quelconque agence onusienne ! Reste qu’ils ont été enlevés et enlevés dans le Gourma malien [la région de Gao], alors que la saison touristique va commencer. Et à quelques encablures de la campagne présidentielle française. Alors que la veille, un négociateur pour la libération des otages d’Arlit* -un ancien officier français- échappait à la mort avec le député malien qui l’accompagnait.
C'est donc, le cauchemar absolu pour Christian Rouyer, le remuant ambassadeur de France qui a pris fonction, il y a six mois, avec la consigne que "l’Elysée ne veut pas entendre parler d’un autre enlèvement de Français au Sahel" !
Note :* Il s'agit des quatre Français détenus au Niger depuis le 16 septembre 2010, collaborateurs du groupe nucléaire public Areva et de son sous-traitant Satom. Ils ont été enlevés à Arlit, au nord du Niger, un site d’extraction d’uranium, exploité par Areva.
Adam Thiam|Le Républicain
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