Ce rapport constate que le Brésil, la Chine, l’Inde, l’Indonésie et le Mexique, considérés comme des pays émergents, comptent la moitié de la population souffrant de la faim dans le monde, soit 365 millions de personnes.
D’où l’appel de l’IFPRI aux gouvernements des économies à revenu intermédiaire pour qu’ils revoient leurs systèmes alimentaires de manière à recentrer leurs efforts sur la nutrition et la santé, ainsi que sur la réduction des inégalités entre hommes et femmes dans l’agriculture ; sans oublier d’améliorer les infrastructures rurales en vue d’assurer la sécurité alimentaire pour tous.
A l’échelle de l’Afrique, ce rapport fait observer aussi que la proportion des personnes vivant avec moins d’un dollar par jour est passée de 44,4% entre 1995 – 2003 à 41% dans la période 2003 – 2012.
Dans le même temps, la part des personnes souffrant de malnutrition sur le continent a aussi considérablement chuté, passant de 24,6% à 20,6% dans les deux périodes.
Chez les enfants, cette prévalence est même passée de 23,1% à 20,9%.
Pour autant, note le rapport, le rythme de réduction de la pauvreté et de la malnutrition sur le continent reste trop lent pour empêcher l’augmentation du nombre de personnes pauvres et souffrant de la faim.
Si bien que dans l’ensemble, l’Afrique n’aura pas pu atteindre son objectif de réduire de moitié la pauvreté et la faim sur le continent entre 1990 et 2015.
SciDev.Net est allé à la rencontre de Shenggen Fan, le directeur général de l’IFPRI, qui, dans une analyse de quelques points saillants de cette étude, se montre optimiste pour ce qui est de l’avenir de la sécurité alimentaire dans le monde et sur le continent africain en particulier.
L'IFPRI vient de publier son rapport 2014-2015 sur la sécurité alimentaire dans le monde. Quel est, à votre avis, la principale leçon à retenir de ce document ?
Pour ceux d'entre nous qui œuvrent pour trouver des solutions durables à la faim et à la pauvreté, 2014 a été une année de progrès, de vulnérabilité, et d'espoir.
Cette année a été essentielle dans l'élaboration du futur agenda de développement aux niveaux mondial et national.
Pourtant, des événements nous ont également rappelé notre grande et persistante vulnérabilité aux chocs, à la fois d’origine naturelle et humaine, et à d'autres risques, dont l’épidémie de fièvre Ebola, les sécheresses et les inondations, les conflits et la bombe à retardement que constituent le surpoids et l'obésité.
Le dialogue global sur la façon de répondre à ces défis s’est poursuivi sur plusieurs fronts en 2014, et d’importants engagements mondiaux et nationaux ont été pris en ce qui concerne la nutrition, le commerce, et le climat.
En une année d'intenses activités relatives à la nutrition, un autre signe d'espoir a été la reconnaissance accrue de la gravité non seulement de la malnutrition en micronutriments (ou "faim cachée"), mais également du surpoids et de l'obésité, ainsi qu'une plus grande compréhension du rôle de l'eau, de l'assainissement et de l'hygiène en matière de nutrition.
Le rapport met en lumière les questions de sécurité alimentaire et de nutrition dans les pays à revenu intermédiaire (PRI), des questions qui ont besoin d’une nouvelle approche étant donné que la majorité des affamés et des malnutris de la planète vivent dans ces pays.“Non seulement la faim peut être éradiquée en Afrique d'ici 2025, mais la sous-nutrition peut aussi être éliminée d’ici cette date.
C’est un énorme défi, car 20 pour cent des Africains sont sous-alimentés et seulement 21 pays en Afrique sont en bonne voie pour atteindre au moins un des six objectifs de l'Assemblée mondiale de la santé en matière de nutrition.”Shenggen Fan, Institut international de Recherche sur les Politiques alimentaires (IFPRI)
Dans la partie de ce rapport consacrée à l'Afrique, l'IFPRI déclare que lors du Sommet de l'UA qui s’est tenu à Malabo l'an dernier, les dirigeants africains se sont engagés à éradiquer la faim d'ici à 2025. Au vu des indicateurs actuels, pensez-vous que cet objectif est réaliste?
Non seulement la faim peut être éradiquée en Afrique d'ici 2025, mais la sous-nutrition peut aussi être éliminée d’ici cette date.C’est un énorme défi, car 20 pour cent des Africains sont sous-alimentés et seulement 21 pays en Afrique sont en bonne voie pour atteindre au moins un des six objectifs de l'Assemblée mondiale de la santé en matière de nutrition.
Toutefois, certaines indications signalent que les progrès se sont accélérés au cours de ces dernières années.
En outre, les pays africains peuvent apprendre des succès obtenus par d’autres pays: la Chine, le Brésil, le Vietnam et la Thaïlande ont considérablement réduit la faim et la sous-nutrition en un temps relativement court.
Leur succès montre qu’une bonne combinaison de stratégies reposant sur les petites exploitations agricoles, de stratégies de protection sociale, et d’interventions nutritionnelles intégrées peut grandement accélérer la réduction de la faim et de la dénutrition.
L’utilisation de la recherche fondée sur des preuves pour concevoir, piloter, et intensifier les stratégies spécifiques au contexte sera déterminante.
On se serait attendu à trouver un plus grand nombre d'Etats africains dans l'Initiative pour améliorer la nutrition. Pourquoi ne compte-t-elle que 36 États africains membres?
Bien qu'il soit dans l’intérêt de tous les pays de s’engager à assurer une meilleure nutrition pour tous, ce ne sont pas tous les pays africains qui ont décidé de s'aligner sur ces principes en ce moment.Les 36 pays africains qui ont rejoint le Mouvement Améliorer la Nutrition (SUN) ont rempli avec succès les exigences relatives à l'adhésion à ce Mouvement.
Dans quelle mesure l'accroissement du commerce intra-africain pourrait-il améliorer la sécurité alimentaire sur le continent ?
De manière générale, le commerce ouvert, équitable et transparent est un outil essentiel pour l'amélioration de la sécurité alimentaire et de la nutrition.
Les politiques commerciales néfastes, dont les interdictions d'exportations, réduisent l'accès aux produits alimentaires en particulier pour les pauvres et les affamés et entravent l'efficacité des marchés agricoles.
Cela est vrai aussi bien pour les pays africains que non-africains.
Les exportations intra-africaines de produits alimentaires et agricoles augmentent lentement, avec près d'un quart des exportations de ces produits ayant lieu dans la région.
Les pays en développement en Afrique ont augmenté leur volume d'importations de produits alimentaires et agricoles, mais la majeure partie de ces importations est venue de l'extérieur du continent, conduisant à une augmentation du déficit commercial agricole.
La mise en place de bonnes politiques commerciales sera cruciale pour l'expansion du commerce régional, qui pourrait jouer un rôle important dans la réduction de la volatilité de l'approvisionnement alimentaire national.
De quelle manière l'épidémie de fièvre Ebola et l'insurrection de Boko Haram en Afrique de l'Ouest ont-elles affecté la sécurité alimentaire?
L'épidémie d'Ebola a déclenché une crise alimentaire en Sierra Leone, en Guinée et au Libéria à travers une série de facteurs étroitement liés, dont les décès d'agriculteurs, les pénuries de main-d'œuvre, la hausse des coûts de transport, et la hausse des prix des denrées alimentaires.
Dans ces pays, où la sous-alimentation a longtemps été un problème, l'épidémie peut avoir fait doubler le nombre de personnes se trouvant en situation d’insécurité alimentaire, selon le Programme alimentaire mondial.
Les conflits sont souvent liés à des chocs, dont les catastrophes naturelles, les crises des prix des produits alimentaires, et les épidémies telles que la fièvre Ebola.
Les trois pays les plus touchés par la fièvre Ebola ont tous connu la guerre civile au cours de ces dernières années.
Le conflit a également aggravé l'insécurité alimentaire et nutritionnelle au Nigeria où la violence orchestrée par la secte Boko Haram s’est intensifiée.
Des centaines de milliers de personnes ont été déplacées, ce qui a conduit à la réduction des denrées alimentaires provenant des zones de production alimentaire et à l'augmentation de la demande alimentaire dans les zones relativement sûres (urbaines); cela a, à son tour, conduit à de fortes hausses des prix des denrées alimentaires sur les marchés locaux.
scidev.net
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