vendredi 15 mai 2015

RDC : nouveaux massacres dans le Nord-Kivu

Beni vit dans la crainte. Depuis octobre, plus de 300 personnes – hommes, femmes, enfants – ont été massacrées dans ce vaste territoire, situé dans la province instable du Nord-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). La dernière tuerie remonte à la nuit du mercredi 13 mai, où 23 personnes ont péri. Elle est intervenue juste après la visite du ministre de l’intérieur congolais pour tenter de calmer la colère d’une population exaspérée par des mois de violence.
La mise à mort ne varie quasiment pas : les victimes sont assassinées à l’arme blanche (machette, houe, hache, couteau…), et parfois décapitées. Plusieurs attaques similaires ont été rapportées dans la province Orientale voisine, où des dizaines de personnes ont été tuées en début d’année.
Mercredi, le Bureau conjoint de l’ONU pour les droits de l’homme (BCNUDH) a présenté un rapport où il affirme que, selon ses investigations, entre octobre et janvier derniers, « au moins 237 civils ont été exécutés par des combattants des ADF, dont au moins 65 femmes et 35 enfants ».
« Lors de l’attaque du 17 octobre 2014 à Eringeti, 10 enfants ont été égorgés et découpés à la machette, et au moins huit femmes ont été tuées à la machette, ce qui a été perçu comme un message clair pour la population que les assaillants n’épargneraient personne, y compris les plus vulnérables », souligne le document.
Les Forces démocratiques alliées (ADF) sont une rébellion musulmane ougandaise présente dans le territoire de Beni depuis 1995. Ses rebelles sont accusés de graves exactions contre les civils (meurtres, enlèvements, enrôlement d’enfants, pillages…) et d’exploiter illégalement le bois de la région pour un trafic très lucratif.

Machettes, haches et marteaux

En janvier 2014, l’armée, plus tard appuyée par la Mission de l’ONU (Monusco), a lancé une offensive contre ces rebelles, qui ont perdu d’importants bastions. Toutefois, profitant d’un relâchement des opérations, l’ADF a repris de l’assurance. En octobre, la série de massacres a commencé.
« Leur modus operandi leur a permis de tuer un maximum de personnes dans un temps très réduit. (…) La plupart des victimes ont été tuée par machettes, haches et marteaux, afin de faire peu de bruit », et de ralentir « l’alerte », commente le rapport, qui livre des témoignages effroyables de rescapés « traumatisés ».
Selon les Nations unies, les ADF auraient agi en complicité avec des « militaires des FARDC (Forces armées de la RDC) (…) dans deux incidents ayant notamment conduit à l’exécution extrajudiciaire de 15 civils et à l’atteinte à l’intégrité physique de 12 autres », ainsi qu’avec l’aide de chefs locaux.
Début mai, un hélicoptère de l’ONU a essuyé des tirs qui l’ont forcé à atterrir en urgence. L’appareil transportait le commandant de la Monusco, le général brésilien Carlos Alberto Dos Santos Cruz. Le lendemain, deux casques bleus tanzaniens et deux civils ont été tués dans une embuscade.
Les deux attaques ont été attribuées à l’ADF, qui vient de perdre son numéro trois – Kasade Karume, tué en RDC, selon l’armée – et son grand chef, Jamil Mukulu, arrêté en Tanzanie. Pour vaincre la rébellion, l’ONU plaide pour une reprise de la collaboration entre l’armée et la Monusco, en froid depuis début 2014 à cause d’un différend sur la traque des rebelles hutus rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). Mais le dialogue n’avance guère.
 
Habibou Bangré
lemonde.fr

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