vendredi 15 mai 2015

« Burundi, Burkina Faso, Togo… les dirigeants ne voient pas le sol qui tremble sous leurs pieds »


Maître de conférences à Sciences-Po, Francis Kaptindé est spécialiste des élections et des mouvements sociaux sur le continent africain. Au Burundi, les manifestations d’opposition à un troisième mandat du président burundais Pierre Nkurunziza ont repris après l’échec d’une tentative de coup d’État.
Pourquoi les habitants de Bujumbura sont-ils descendus en masse dans la rue pour protester contre le président Nkurunziza ?
 Francis Kaptindé : Comme au Burkina Faso, les citoyens du Burundi dénoncent les tentatives du président de contourner la constitution, laquelle interdit plus de deux mandats présidentiels. La contestation se nourrit des difficultés économiques, du chômage élevé, de la hausse des prix et d’absence de projets fédérateurs.
Qui sont les manifestants ?
F.K. : Le mouvement fédère des étudiants, des femmes, des pauvres, des intellectuels, des enseignants, des membres du clergé catholique fortement opposé au président Nkurunziza. Il compte une majorité de jeunes gens, ce qui se comprend au regard de la jeunesse de la population du Burundi et des difficultés d’accès au monde du travail. Les deux principales ethnies, les Hutus et les Tutsis, battent le pavé ensemble. Mais c’est une contestation qui touche les urbains de la capitale avant tout. Les campagnes où le président compte le plus d’électeurs ne bougent pas ou peu.
Qui sont les manifestants ?
F.K. : Le mouvement fédère des étudiants, des femmes, des pauvres, des intellectuels, des enseignants, des membres du clergé catholique fortement opposé au président Nkurunziza. Il compte une majorité de jeunes gens, ce qui se comprend au regard de la jeunesse de la population du Burundi et des difficultés d’accès au monde du travail. Les deux principales ethnies, les Hutus et les Tutsis, battent le pavé ensemble. Mais c’est une contestation qui touche les urbains de la capitale avant tout. Les campagnes où le président compte le plus d’électeurs ne bougent pas ou peu.
Pourquoi observe-t-on autant de femmes au premier rang de la contestation ? 
F.K. : En Afrique, les manifestants le savent : la plupart des policiers et des soldats hésitent à tirer sur les femmes. Elles sont respectées, on les appelle « mères ». Au Ghana et en Guinée, j’ai même vu des femmes se déshabiller devant des policiers, les obligeant à fuir de peur de subir la honte de voir « leurs mères » dans leur plus simple appareil. Au Burundi, il a suffi qu’une poignée de militantes se rendent sur les marchés en criant « on tire sur nos enfants » pour que des vendeuses quittent leur échoppe et se rassemblent au centre-ville.
Quel rapprochement peut-on faire entre le Burundi et les autres mouvements de contestation qu’ont connus le Sénégal, le Burkina Faso, le Togo ou la République démocratique du Congo au cours des dernières années ?
F. K. : À chaque fois, c’est la jeunesse urbaine qui se mobilise grâce notamment à l’arme des réseaux sociaux. La génération actuelle est plus en phase avec le reste du monde que ne l’était la précédente. Elle est connectée par le téléphone portable, les smartphones, Internet. Elle observe ce qui se passe en Tunisie, au Venezuela, en Chine, en Europe. Elle compare le développement des pays émergents avec ses propres difficultés. Cette jeunesse a soif de liberté. Elle ne peut pas accepter à la fois l’absence de perspectives économiques et les tripatouillages de la constitution.
Comment ces mouvements citoyens se fédèrent-ils en Afrique ?
F. K. : Dans les années 1960-1970, les partis d’opposition africains nouaient des contacts autour de valeurs communes comme le panafricanisme. Cet élan fédérateur a disparu aujourd’hui. Il est incarné non plus par des partis, mais par les mouvements citoyens africains qui tissent des liens et s’entraident. Des militants des manifestations sénégalaises ont ainsi organisé des séminaires pour les jeunes du Burkina Faso, lesquels ont donné des conseils aux Togolais, etc. Au cours d’ateliers pratiques, on apprend l’efficacité des réseaux sociaux, comment rassembler une foule dans la rue, sur quel mot d’ordre. Des cours « d’Agit pro » sont ainsi proposés un peu partout en Afrique.
Pourquoi ces mouvements ne concernent-ils que l’Afrique francophone ?
F. K. : Contrairement à une croyance répandue, de nombreux pays africains connaissent des alternances politiques sans heurts ni crise. Les élections dans la plupart des nations d’Afrique australe et orientale se sont bien déroulées ces dernières années. Des États comme le Ghana ou l’Afrique du Sud ont mis en place de vraies démocraties. C’est d’abord chez d’anciennes colonies d’Afrique francophone que l’on observe le cas de présidents qui s’accrochent à leur siège depuis deux ou trois décennies.
Comment les autres chefs d’États de la région perçoivent-ils les révoltes au Burkina Faso ou au Burundi? F. K. : Si le président burundais parvient à se maintenir au pouvoir, il enverra un signal dangereux aux dirigeants de la République démocratique du Congo (RDC), du Congo-Brazzaville ou encore de la Guinée équatoriale qui sont eux aussi tenter de modifier la constitution de leur pays pour s’accrocher au pouvoir. Cependant, il ne faut pas exagérer la portée de ce qui se passe chez tel ou tel voisin. La plupart des dirigeants africains autocratiques se voient comme des personnages uniques, qui tiennent bien en main leur pays. Ils sont incapables de comprendre les mutations de la jeunesse. Ils ne voient pas le sol qui tremble sous leurs pieds.




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