Dar es Salaam - Les chefs d'Etat d'Afrique de l'Est devaient tenter mercredi lors d'un sommet extraordinaire à Dar es Salaam de trouver une solution à la crise ouverte au Burundi par la candidature du président Pierre Nkurunziza à un troisième mandat, laissant craindre que ce petit pays d'Afrique des Grands-Lacs ne replonge dans des violences à grande échelle.
Malgré pressions internationales et manifestations d'un côté, et la féroce répression de l'autre, le camp présidentiel et celui de ses adversaires - qui jugent un troisième mandat inconstitutionnel - restent arc-boutés sur leurs positions.
Cette impasse suscite l'inquiétude, dans un pays dont l'histoire récente est jalonnée de massacres ethniques et qui peine à se remettre d'une longue guerre civile (1993-2006) encore présente dans les esprits.
Les cinq présidents de la Communauté Est-africaine (EAC): Burundi, Kenya, Ouganda, Rwanda et Tanzanie, devraient entamer leurs travaux en toute fin de matinée, selon le programme officiel, en présence du vice-président sud-africain Cyril Ramaphosa qui représentera le président Jacob Zuma, invité. La présence du président de République démocratique du Congo (RDC) Joseph Kabila restait toutefois non confirmée à Dar es Salaam.
Selon une source proche des négociations, un front Kenya-Tanzanie-Ouganda estimerait que les parties au Burundi "doivent s'en tenir à la décision de la Cour constitutionnelle", qui a jugé le 5 mai qu'un nouveau mandat de M. Nkurunziza était conforme à la Constitution.
Les adversaires d'un troisième mandat ont d'ores et déjà rejeté l'arrêt de la Cour, qu'ils jugent inféodée au pouvoir. Le vice-président de cette Cour, Sylvère Nimpagaritse, a fui le pays la veille de cet arrêt, refusant de signer une décision selon lui "imposée" aux juges via pressions et menaces.
Le front Kenya-Ouganda-Tanzanie veut également demander aux manifestants de "cesser leur mouvement". Ce front, qui rejoint les positions du président Nkurunziza, laisserait isolé le Rwanda, dont le président Paul Kagame a ouvertement appelé son homologue burundais à quitter le pouvoir.
- "Jusqu'à ce qu'il parte" -
Les meneurs de la contestation burundaise - opposition et société civile - n'ont pas été invités au sommet, et Pacifique Nininahazwe, un dirigeant du "Collectif contre un 3e mandat", a d'ores et déjà rejeté tout autre résultat qu'une injonction du sommet à M. Nkurunziza de renoncer.
"Il faut que les chefs d'Etat donnent un message direct à Nkurunziza (...): que son peuple en a marre", a déclaré M. Nininahazwe à l'AFP.
Toute autre décision "ne nous engagera pas car nous n'avons pas été invités à ce sommet pour expliquer notre position (...) nous allons continuer de manifester jusqu'à ce qu'il (Nkurunziza) parte", a-t-il ajouté.
Pour l'ex-président burundais de transition (2003-2005) Domitien Ndayizeye, candidat à la présidentielle du 26 juin, les présidents de l'EAC "doivent dire au président Nkurunziza de ne pas se représenter".
Ils "n'ont pas d'autre choix à moins de se trahir. Comment pourraient-il aller contre l'Accord d'Arusha qu'ils ont eux-mêmes parrainé'", a estimé M. Ndayizeye, en référence au texte dont la signature en 2000 dans cette ville du nord de la Tanzanie a ouvert la voie à la fin de la guerre civile.
Cet accord, sur lequel est basé la Constitution et qui a posé les bases des institutions burundaises actuelles en consacrant un système de partage du pouvoir entre hutu et tutsi, limite clairement à deux le nombre de mandats qu'un président peut exercer.
Mais Willy Nyamitwe, conseiller en communication du président Nkurunziza, a écarté tout renoncement du chef de l'Etat et tout report du calendrier électoral réclamé par la communauté internationale, Etats-Unis et Union européenne en tête.
"Nous attendons de ce sommet une prise de position en faveur de la paix, de la sécurité et de la continuité du processus électoral", a-t-il indiqué à l'AFP. "Comment est-ce que les chefs d'Etat pourraient remettre en cause la candidature du président Nkurunziza'"
Il "est le candidat du Cndd-FDD (son parti) et les militants de ce parti ont le droit de choisir leur candidat, tant que la loi burundaise est respectée", a-t-il ajouté.
A Bujumbura, des manifestants se rassemblaient et commençaient à défiler mercredi, comme ils le font quasiment quotidiennement depuis le 26 avril, dans les quartiers périphériques où la police les bloque pour les empêcher de converger vers le centre-ville. Les violences autour du mouvement de contestation ont déjà fait une vingtaine de morts.
lexpress.fr
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