jeudi 22 juillet 2010

Kagame : du tapis rouge de Kinshasa au lapin de Zapatero en Espagne ! (Suite et fin)

(Le Potentiel 22/07/2010)
Dans la première partie de cet article, nous estimions qu’en cédant aux critiques la classe politique espagnole (et à celles des ONG), Zapatero (posant le lapin au président Rwandais) constitue dorénavant une exception (rarissime) en Occident où Kagame est adulé malgré le sang qu’il ne cesse de verser.
Dans cette deuxième partie, nous voudrions comprendre, comment, cette Occident qui dit être porteur des valeurs de justice, de paix, de droit, de liberté et d’égalité, en est-il venu à soutenir certains dictateurs à travers le monde en général et en Afrique en particulier ? Cette question, apparemment anodin, devrait inciter les Africains à avoir, de façon permanente, leurs occidentologues : des femmes et des hommes de notre continent qui étudient, au quotidien, cette autre partie du monde. Comment, l’Occident moderne, adepte des Lumières, donne-t-il de plus en plus l’impression de se laisser dominer par les Ténèbres de la mort au point que « les Zapatero » deviennent une exception « rarissime » ?
En 1978, Alexandre Soljénitsyne s’adressant aux étudiants Américains de Harvard accusait l’Occident de manifester des signes trop visibles de lassitude morale exprimée à travers le déclin du courage. Il disait : « Le déclin du courage est peut-être ce qui frappe le plus un regard étranger dans l’Occident d’aujourd’hui. Le courage civique a déserté non seulement le monde occidental dans son ensemble, mais chacun de ses pays qui le composent, chacun de ses gouvernements, chacun de ses partis, ainsi que, bien entendu, l’Organisation des Nations unies. » (A. SOLJENITSYNE, Le déclin du courage. Discours de Harvard, juin 1978, Paris, Seuil, 1978, p. 14-15) A son avis, « ce déclin du courage est particulièrement sensible dans la couche dirigeante et dans la couche intellectuelle dominante, d’où l’impression que le courage a déserté la société tout entière. » (Ibidem, p.15) La lâcheté et la servilité avaient gagné les cœurs et les esprits de la plupart des fonctionnaires politiques et intellectuelles. A ses yeux, « les fonctionnaires politiques et intellectuels manifestent ce déclin, cette faiblesse, cette irrésolution dans leurs actes, dans leurs discours, et plus encore dans les considérations théoriques qu’ils fournissent complaisamment pour prouver que cette manière d’agir, qui fonde la politique d’un Etat sur la lâcheté et la servilité est pragmatique, rationnelle et justifiée, à quelque hauteur intellectuelle et même morale qu’on se place ». (Ibidem, p.15-16) Alexandre Soljénitsyne parlait du déclin du courage en remettant en question l’alliance entre les démocraties occidentales et le totalitarisme soviétique contre le nazisme.
Plus d’une trentaine d’années après, dans son essai intitulé Le dérèglement du monde, (Paris, Grasset, 2009) Amin Maalouf abouti à un constat plus ou moins semblable. Il écrit : « Que le triomphe de l’Europe lui ait fait perdre ses repères n’est pas le seul paradoxe de notre époque. On pourrait soutenir, de la même manière, que la victoire stratégique de l’Occident, qui aurait dû conforter sa suprématie, a accéléré son déclin ; que la triomphe du capitalisme l’a précipité dans la pire crise de son histoire ; que la fin de « l’équilibre de la terreur » a fait naître un monde obsédé par « la terreur » ; et aussi que la défaite du système soviétique notoirement répressif et antidémocratique a fait reculer le débat démocratique sur toute l’étendu de la planète. » (p.22) La propension de l’Occident à transformer sa conscience morale en instrument de domination justifie, en partie, ses alliances contre-nature avec les pires dictateurs de notre monde. Ajoutons que le triomphe du capitalisme a exacerbé le triomphe de la cupidité dans la mesure où le marché a modelé la façon de vivre et de penser d’une immense majorité d’Occidentaux. Joseph Stiglitz le souligne sans ambages quand il écrit : « Nous avons laissé les marchés modeler aveuglément ( ?) notre économie, et ce faisant, ils ont aussi contribué à nous modeler, nous et notre société. » (J. STIGLITZ, Le triomphe de la cupidité, Paris, Les Liens qui libèrent, p. 438) La crise financière est venue témoigner de cet état des choses : sur le marché financier, les gens s’exploitent mutuellement et vivent des gains de cette exploitation. Et « si l’inlassable quête des profits et l’exaltation de l’intérêt personnel n’ont pas créé la prospérité espérée, elles ont contribué à créer le déficit moral. » (Ibidem, p.440) Il y a eu effritement du sens de la responsabilité individuelle et collective et perte de la confiance mutuelle.
Dans cette Occident souffrant majoritairement du déficit moral, où la lâcheté et la servilité ne cessent de gagner du terrain parmi les fonctionnaires politiques et intellectuels, le Premier ministre Espagnol, en refusant de s’afficher avec Kagame pose la question de l’existence des minorités agissantes ; celle de « petits restes» Occidentaux avec lesquels les autres « petits restes » du monde devraient apprendre à travailler davantage en synergie. A travers le geste de Zapatero, l’autre Occident, indispensable à la re-création du monde métissé de demain, fait signe. Il doit être constamment identifié et localisé par les minorités d’acteurs-créateurs d’un autre Congo et d’une autre Afrique. Dans cette autre Occident, le triomphe du capitalisme démasqué n’a pas réussi son exploit : manger les cœurs et les esprits. Le comble est qu’il n’est pas tellement aux commandes des affaires du monde. C’est l’autre, le lâche et le servile, fait des « petites mains du capital »; qui est le plus visible. Son soutien à « l’International de la terreur » risque de conduire notre monde à sa perte…Sa rhétorique hypocrite sur la défense des valeurs et de la démocratie est copiée servilement par les élites compradores et les autres nègres de service ayant déroulé le tapis rouge à Kagame le 30 juin 2010 chez nous. Les instruments financiers de son expansion (le FMI et la Banque mondiale) leur dictent la politique économique qu’ils appliquent dans nos pays pour le triomphe des réseaux de la prédation et de la mort.

Par JP MBELU
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