jeudi 15 mars 2012

Sénégal - Abdoulaye Wade : Lui aussi veut un rab pour terminer ses chantiers

(L'Observateur Paalga 15/03/2012)
C’est l’histoire d’un opposant historique qui s’est battu toute une vie pour l’avènement d’une démocratie vraie, qui a réalisé l’alternance en 2000 après 40 années hégémoniques du Parti socialiste (PS), qui est président de la République depuis 12 ans mais qui, hélas au crépuscule de son parcours terrestre et au soir de sa vie politique, risque de quitter la scène sous les huées. Tout simplement parce qu’il n’aura pas su partir à temps malgré les contraintes que lui imposent son âge (85 ans selon les estimations les plus optimistes).Contraint à un second tour prévu pour le 25 mars prochain face à Macky Sall alors qu’il espérait rafler la mise dès le premier round, Abdoulaye Wade ne s’avoue pas vaincu, comptant notamment sur le réservoir des voix des abstentionnistes (près d’un électeur sur deux ne s’est pas déplacé au premier tour) pour renverser la tendance alors que tous ses 13 autres adversaires se sont ralliés derrière son challenger.
Mais qu’est-ce qui peut bien pousser ainsi les dirigeants contre tout bon sens et toute raison à vouloir ramer à contre-courant de l’histoire ? La soif inextinguible du pouvoir qui a l’effet d’une drogue dont on devient forcément dépendant au fil du temps ? Il y a sans doute beaucoup de cela mais aussi un indécent culte de l’indispensabilité que professent d’autant plus bruyamment les partisans que leur sort est bien souvent lié à celui de leur gourou.
On en a encore la preuve avec Gorgui qui promet, s’il est réélu, de rester juste trois petites années pour terminer ses chantiers. Voici en effet ce qu’il a récemment confié au site d’information dakaractu.com : “J’ai une mission historique à remplir au service de mon pays... Je ne saurais m’arrêter au milieu du gué... J’ai trouvé le Sénégal en 2000 dans les profondeurs du classement des pays les moins avancés.
En 12 ans, j’en ai fait un pays à revenu intermédiaire. Il y a même quelques prémices d’émergence. J’ai besoin de trois autres années pour terminer quelques grands chantiers qui vont achever d’en faire un pays émergent... Je continue à brûler de cette passion du Sénégal et à être animé de ce plaisir intact de servir”. Comme ça, l’architecte Wade veut un rab de trois ans pour parachever son œuvre.
Ça ne vous rappelle rien, ça ? Nous, si. Il nous revient, en effet, en mémoire un certain Mamadou Tandja, qui après deux mandats de cinq ans à la tête du Niger, a organisé une marche forcée pour le Tazartché (la continuité) au prétexte, lui aussi, qu’il avait des choses à terminer. On sait ce qu’il est advenu de ses velléités puisque après avoir violé tout ce qui était violable et organisé un référendum dont les résultats étaient connus d’avance, il fut balayé par un coup d’Etat salutaire.
Aujourd’hui la démocratie nigérienne est de nouveau sur les rails. Pareille chute ne risque pas d’arriver au chantre du Sopi mais, lui aussi, sauf un improbable séisme politique, ne sortira pas à coups de canon mais par la voie des urnes, balayé par le même petit peuple de Gueule-Tapé, de Pickine, de Guediawaye, de Collobane, qui l’avait porté aux nues voilà 12 ans. C’est ainsi en bonne démocratie, les mêmes citoyens qui ont fait l’autorité la défont en cas d’abus ou d’incapacité.
Pourquoi d’ailleurs faut-il forcément terminer ses chantiers alors que l’Etat, dit-on, est une continuité et que les mêmes qui revendiquent les prolongations ont souvent hérité de dossiers laissés par leurs prédécesseurs ? Que ce soit en politique ou dans d’autres domaines, on est toujours assis sur les épaules de ses devanciers, ajoutant, selon les termes du poète, de la terre à la terre.
Wade n’a d’ailleurs pas du souci à se faire pour la poursuite et la pérennité de son œuvre pour deux raisons principales : d’abord l’Etat et les institutions sénégalaises sont forts et bien assis, ensuite son probable successeur, Macky Sall, n’est autre que son ex-Premier ministre, Dieu seul sait s’il connaît les dossiers de Wade. Le vieil homme n’a donc pas du mouron à se faire, et peut s’en aller l’âme en paix, d’autres sauront prendre soin du Sénégal qui lui est si cher au point qu’il ne veut pas s’en séparer.

Par Adama Ouédraogo Damiss

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