(Le Monde 30/03/2012)
Le quatrième sommet des BRICS - forum des économies émergentes rassemblant le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud - s'est tenu, jeudi 29mars, à New Delhi avec la ferme intention de franchir un pas supplémentaire dans l'affirmation de son poids face aux pays développés. La principale décision est la mise sur orbite d'un projet de nouvelle banque de développement, déjà appelée de manière informelle "banque BRICS" ou "banque Sud-Sud".
Son objectif sera de "mobiliser des ressources pour des projets d'infrastructures et de développement durable" à la fois dans les BRICS et dans les "autres économies émergentes" et "pays en développement", selon les termes du communiqué final baptisé "Déclaration de Delhi". Le projet reste toutefois à ce stade très embryonnaire. Les cinq chefs d'Etat et de gouvernement présents à New Delhi se sont contentés de donner instruction à leurs ministres des finances d'"examiner la faisabilité et la viabilité" de l'initiative. Un groupe de travail sera constitué."EXCÈS DE LIQUIDITÉS"
Ce geste illustre l'agacement croissant de ces Etats aux économies dites "émergentes" face aux monopoles toujours détenus par le Nord en matière de gouvernance mondiale alors que la géo-économie a été bouleversée depuis une dizaine d'années.
La déclaration de Delhi critique ainsi la "lenteur des réformes du Fonds monétaire international" (FMI) censées ouvrir davantage l'institution sur le Sud. Alors que la campagne est lancée pour remplacer en juin, à la tête de la Banque mondiale, l'Américain Robert Zoellick, les BRICS réclament un processus de sélection "ouvert" et "basé sur le mérite", critique implicite de la tradition en vertu de laquelle Américains et Européens se partagent jusqu'à présent les directions de la Banque mondiale et du FMI.
La déclaration de Delhi décoche également quelques flèches sur les effets potentiellement déstabilisateurs des plans de sauvetage des économies occidentales. Les "excès de liquidités" injectées par les banques centrales sont ainsi dénoncés au motif qu'ils risquent de nourrir, au Sud, la "volatilité des flux de capitaux et des prix des matières premières".
UN QUART DU PIB MONDIAL
Forts de leur poids dans les équilibres mondiaux - 45 % de la population de la planète et un quart du PIB -, les BRICS sont plus que jamais tentés d'alléger leur dépendance à l'égard du dollar. Un accord a été conclu à New Delhi entre les banques centrales des cinq pays afin de faciliter le recours à leur monnaie nationale pour financer le commerce intra-BRICS, qui croît au rythme annuel de 28 %.
Enfin, sur le front diplomatique, les BRICS réaffirment leur lecture différente de l'Occident sur les crises au Proche-Orient, en particulier sur l'Iran et la Syrie. La déclaration de Delhi affirme que la situation en Iran "ne peut être autorisée" à dériver vers "un conflit". Au sujet de la Syrie, les BRICS appellent à la "fin immédiate de toutes les violences" et au règlement de la crise "par des moyens pacifiques encourageant un large dialogue national" dans le respect de "la souveraineté" du pays.
Le front des BRICS n'est toutefois pas totalement uni sur la crise syrienne. L'Inde s'était dissociée de l'obstruction de la Chine et de la Russie le 4 février lors du vote, au Conseil de sécurité des Nations unies, d'un projet de résolution. New Delhi avait voté alors en faveur du texte soutenu par la Ligue arabe ouvrant la voie à une transition politique.
Frédéric Bobin (New Delhi, correspondant)
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