Par Jean-Jules Lema Landu. Journaliste congolais, réfugié en France
La grève des mineurs de platine, en août, à Marikana, et la tuerie qui s'ensuivit, sont révélateurs d'une crise multiforme que traverse l'Afrique du Sud : racisme, inégalités, corruption, chômage, violence...
Vue de l'extérieur, l'Afrique du Sud est un grand pays, où l'apartheid a été aboli, et dont le sous-sol regorge de différents minerais. Un pays avec des grandes villes lumineuses comme Johannesburg ou Pretoria, qui fait partie des cinq pays émergents, désignés sous l'acronyme anglais de « Brics » (Brésil, Russie, Inde Chine et Afrique du Sud). L'organisation réussie de la Coupe du monde de football, en 2010, a renforcé cette image.
À y regarder de près, la « nation arc-en-ciel », chère à Nelson Mandela, où Noirs, Blancs, Indiens et métis (quelque 50 millions d'âmes) devraient vivre autour d'une vision commune, peine à se mettre en place. Les relations entre Noirs et Blancs sont toujours tendues. Chantre de l'extrémisme anti-blanc, aujourd'hui en disgrâce, Julius Malema prêche pour une Afrique du Sud débarrassée des Blancs : « Kill the Boers » (Tuez les Blancs), tel est son cri de guerre. Un appel public au meurtre, toléré par le pouvoir ! Depuis 1995, 3 300 Blancs ont été assassinés.
En réaction, les extrémistes blancs, qui, depuis l'abolition de l'apartheid, n'ont eu de cesse de revendiquer une « république autonome blanche », s'organisent en groupuscules. Ils créent des « enclaves blanches » : Oranjeville, Ellisras, Orania... où ils pratiquent l'autogestion tout en y préparant des adolescents afrikaners à la guerre contre les Noirs. Une sédition, en règle, elle aussi tolérée par le pouvoir.
La grève des mineurs de platine ne participe pas moins de cette logique de clivage, car elle a mis en relief le fossé entre riches et pauvres. Les riches, c'est cette élite noire, composée d'une poignée d'hommes et de femmes, enrichis par le népotisme et la corruption. Les riches, ce sont également les Blancs. Le butin de la corruption est évalué à 3 milliards d'euros par an, que se partage l'élite noire, tandis que le revenu mensuel moyen des Blancs, entre 1995 et 2009, a bondi de 83,5 %, soit de 408 € à 750 €. Les pauvres, ce sont les masses laborieuses, 50 % des Noirs, qui vivent avec moins de 40 €, par mois.
La grève de Marikana, c'est aussi une piqûre de rappel faite au gouvernement pour l'amener à entreprendre la réforme agraire souhaitée, du fait que la minorité blanche continue d'exploiter 80 % des terres arables aux dépens de la majorité noire.
Cette grève révèle également le chômage des jeunes, que l'on qualifie de « péril jeune ». Il touche plus de 45 % des moins de 30 ans.
Bref, l'Afrique du Sud se porte mal. Le rêve de vivre-ensemble cultivé par Nelson Mandela semble brisé. Le racisme doit être le premier mal à guérir.
Par Jean-Jules Lema Landu
ouest-france.fr
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