lundi 30 janvier 2012

Youssou N’Dour: "le coup d’Etat est consommé"

(Paris-Match 30/01/2012)
Le Conseil constitutionnel sénégalais a confirmé lundi sa décision d'autoriser le président sortant Abdoulaye Wade à briguer un troisième mandat à la tête du Sénégal lors de la présidentielle du 26 février, et l’invalidation de nombreuses candidatures, dont celle du chanter Youssou N’Dour, qui hurle au scandale, mais n’a pas dit son dernier mot.
«Le combat continue.» Sans surprise, la candidature du chanteur Youssou N’dour, à l’élection présidentielle sénégalaise du 26 février prochain, a été invalidée vendredi par le Conseil Constitutionnel, tandis que celle du président sortant l’a été. Une décision confirmée ce lundi. Abdoulaye Wade briguera donc un troisième mandat à la tête du pays, alors que la Constitution de 2001 l’interdit. Pour justifier cette incohérence apparente, les autorités arguent que la première élection de Wade, en 2000, s’est faite sous les règles de la Constitution de 1963, et que ce mandat ne peut donc pas être pris en compte. Un argument politique, dénonce l’opposition, qui appelle à manifester jusqu’à obtenir satisfaction. D’autant qu’en parallèle, plusieurs candidatures ont été rejetées, et leurs recours aussi. Pour le cas du musicien populaire, le Conseil constitutionnel a expliqué qu'il a produit une liste d'électeurs dont «seuls 8911 ont pu être identifiés», contre 10 000 requis par la loi. N’Dour avait pourtant soumis plus de 13 000 signatures, et aucune motivation n’a été donnée à l’invalidation de nombreuses d’entre elles.
«Le Sénégal a honte, a lancé le roi du Mbalakhsur RFI ce lundi. Le Sénégal est meurtri. Le processus de coup d'Etat constitutionnel est consommé. Cinquante-deux ans de construction démocratique viennent d'être balayés», a-t-il déploré. «Le Sénégal et son peuple ont mal. Nous avons été trahis par cette décision honteuse. J'ai bien dit "honteuse". Ni le peuple sénégalais, ni les spécialistes constitutionnels n’ont été entendus. Ce dirigisme et la dictature de maître Wade se sont fait entendre.» Et d’appeler «toutes les forces vives de ce pays, nos frères africains, la communauté internationale à exprimer son désaccord profond face à ce coup d'Etat institutionnel et constitutionnel. Le combat continue, a-t-il conclu, parce que Dieu est avec les justes.»
L'UE appelle à des explications
L'opposition a promis de rendre le pays «ingouvernable» si Wade persistait à vouloir se présenter. «Le temps de la parole est révolu, il faut passer à l'acte», ont déclaré les leaders du mouvement des forces vives du 23 juin (M23, qui regroupe plusieurs partis d'opposition, des organisations de la société civile et des personnalités indépendantes, dont Youssou N’dour), selon les propos rapportés par Sudonline. «La stratégie de la terreur par le pouvoir ne prospèrera pas, encore moins sa stratégie de diversion, ont-ils ajouté lors d’une conférence de presse organisée dimanche à Dakar. Chaque fois qu'il en arrêtera un, dix autres rejoindront le camp des patriotes et se mettront sous le drapeau pour dire non au coup d'Etat constitutionnel, ont-ils promis. Nous pensons à nos frères et sœurs illégalement arrêtés, au premier rang desquels Alioune Tine dont nous saluons le courage, la détermination et le patriotisme.» Tine, figure du M23 et célèbre défenseur des droits de l’Homme, a été arrêté samedi avec des dizaines d'autres militants du mouvement, pendant une manifestation. D’après RFI, il était toujours interrogé cette nuit sur son rôle éventuel dans les violences qui ont causé la mort d’un policier vendredi.
Thijs Berman, le chef de la mission d'observation des élections de l'Union européen, a appelé le Conseil à rendre publiques les raisons de ses décisions. «Un candidat comme Youssou N'Dour, dont la candidature refusée avait pourtant été soutenue par des milliers de signatures, devrait avoir accès aux dossiers afin de pouvoir examiner de près pourquoi elle a été rejetée, c'est important», a-t-il déclaré. «Je pense que non seulement chaque candidat mais aussi chaque citoyen sénégalais a le droit de savoir, a-t-il ajouté. C'est seulement en comprenant les raisons qui ont motivé la décision du Conseil constitutionnel que celle-ci pourra être acceptée».
La liste des candidats selon le quotidien "Le Soleil"
Moustapha Niasse (Administrateur civil)
Macky Sall (Ingénieur des mines)
Idrissa Seck (Expert consultant)
Abdoulaye Wade (Avocat)
Mor Dieng (Expert comptable)
Cheikh Tidiane Gadio (Docteur en Communication)
Cheikh Abiboulahi Dièye (Bamba Dièye) (Ingénieur en aménagement du territoire)
Doudou Ndoye (Avocat)
Djibril Ngom (Conseiller en management)
Ibrahima Fall (Professeur d’université)
Ousmane Tanor Dieng (Diplomate)
Diouma Dieng Diakhaté (Styliste et femme d’affaires)
Oumar Khasimou Dia (Informaticien)
Amsatou Sow Sidibé (Professeur d’université)

Marie Desnos - Parismatch.com

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